£xJÇïbris
PROFESSOR J. S.WILL
--©TI^ÎT-
LES DRAGONNADES EN POITOU
JOURNAL
DE
JEAN MIGAULT
MAITRE D'ÉCOLE (1681-1688)
'ublié pour la première fois d'après le texte original
avec une introduction et des notes
par
N. Weiss & H. Clouzot
26 planches et une carte hors texte
!
PARIS
SOCIÉTÉ DE L'HISTOIRE DU TROTESTANTISME FRANÇAIS
54, ItUE DES SAINTS-PÈRES
1910
La Société de l'Histoire du Protestantisme
Français publie tous les deux mois un Bulletin qui
renferme des Etudes, Documents et Chroniques
littéraires sur l'Histoire de la Réforme.
Abonnements 10 fr. pour la France, l'Alsace
et la Lorraine ; — 12 fr. 5o pour l'étranger ; —
6 fr. pour les pasteurs, instituteurs de France et
des colonies françaises ; — 10 fr. pour les pasteurs
de l'étranger. '
Prix d'un numéro isolé 2 francs.
CARTES POSTALES i
reproduisant le
PORTRAIT DE CALVIN
de Albrecht Anker, qui a paru dans le
Bulletin de mai juin 1909
2 francs les 50, ou 4 francs le 100
S'adresser à M. N. WEISS
54, rue des Saints Pères, Paris (VII e )
WILLISTON WALKER
Professeur à l'Université de Yale
JEAN CALVIN
L'HOMME ET L'ŒUVRE
Traduit avec l'autorisaton de l'auteur
par E. et N. WEISS
Un volume in S" écu de XXVI-504 pages
ill. de 20 pi. Genève: JullienS fr. SO
Société de l'Histoire du Protestantisme Français. —
Pour les Annonces du BULLETIN, s'adresser à
M. Claude STREET, 48, rue de Lille, PARIS (7'arr.),
qui enverra franco le tarif et les conditions.
JOURNAL
DE
JEAN MIGAULT
maître d'école (1681-1688)
1
Jean Migault (1644-1706)
LES DRAGONNADES EN POITOU
JOURNAL
I) K
JEAN MIGAULT
MAITRE D'ÉCOLE (1681-1688)
Publié pour la première fois d'après le texte original
avec une introduction et des notes
N. Weiss & H. Clouzot
26 planches et une carte hors texte
I
PARIS
SOCIETE DE L'HISTOIRE DU PROTESTANTISME FRANÇAIS
54, RUE DES SAINTS-PÈltl S
PJJO
6 04 83V
INTRODUCTION
En 1824 paraissait à Londres un petit
volume de 200 pages in-12 1 9 intitulé : A
narrative of the sufferings of a French pro-
testant family, at the period of the révo-
cation of the edict of Nantes. Written by
John Migault, the father. Translatée and
now first published from the original ma-
nnscript, - ce qui signifie : Relation des
souffrances d'une famille prolestante fran-
çaise à l'époque de la révocation de Védit
de Nantes, écrite par Jean Migault le
père, traduite et publiée pour la première
fois d'après le manuscrit original.
Dans la préface, qui comprend, pages
XV à XVIII, V Avertisse ment de l'auteur à
ses enfants, les traducteurs anonymes ra-
i Imprimé par T. White, 112, Johnson's Court,
Fleet Street, pour Joseph Butterworth and son,
43, Fleet Street ; W. Pickering, 57, Chancery
Lane ; et L.-B. Seeley, 169, Fleet Street.
— 6 —
content qu'ils ont trouvé ce manuscrit
chez un descendant direct de l'auteur,
tombé dans la misère et demeurant dans
le voisinage de Spitalfietds, quartier do
Londres où s'étaient groupés un grand nom-
bre de réfugiés protestants français qui y
avaient introduit l'industrie de la soie.
Bien que cette industrie devînt très floris-
sante, beaucoup de ces tisserands vivaient
misérablement. Quelques Anglais avaient
formé, dans le but de leur venir en aide,
une association charitable intitulée : Spital-
fields benevolent society, for visiting and
relieving the sick and distressed poor aï
their own habitations (Société charitable
de Spitalfields pour visiter et assister à
domicile les pauvres malades et miséreux).
En 1824, le Comité de cette œuvre se
composait du patron, M. T.-F. Buxton, de
deux vice-patrons, Samuel Hoare jun., esq.
et William Haie, esq., et du président, le
Rcv. Josiah Pratt B. D. La qualité de ré-
fugié pour cause de religion étant une re-
commandation aux yeux des visiteurs, le
malheureux chez lequel l'un d'entre eux
était entré, avait été amené à montrer ce
manuscrit pour prouver qu'il descendait
— 7 —
réellement d'un réfugie de la Révocation.
Comme les auteurs ne donnent ni son
nom, ni sa profession, nous pouvons seu-
lement supposer — aujourd'hui que nous
connaissons cette famille — qu'il était un
petit-fils du quatorzième enfant que Jean
Migault avait eu, comme on le verra plus
loin, de sa première femme, Elisabeth
Fouresticr. Cet enfant, appelé Olivier, né
à Mauzé le 21 février 1683, était, en effet,
mort à Londres après y avoir eu, de sa
femme, Jeanne Huart, huit enfants.
Quoi qu'il en soit, le petit volume an-
glais, résultat d'une visite charitable à
Spitalfields, fut aussitôt connu à Paris
puisque, dès 1825, on y trouve, chez Henry
Servier, libraire, rue de l'Oratoire n° (3,
un petit in-8° de VIII-178 pages, intitulé :
Journal de Jean Migault on Malheurs d'une
famille protestante du Poitou, à l'époque
de la Révocation de l'Edit de Nantes.
D'après un manuscrit récemment trouvé
entre les mains d'un des descendants de
l'auteur 1 . Au lieu de s'efforcer de retrou-
i Presqu'aussitôt republié à Berlin : Journal
de Jean Migault ou malheurs d'une famille pro-
— 8 —
ver et de donner le texte qui avait été tra-
duit en anglais, les auteurs de cette publi-
cation avaient retraduit en français la tra-
duction anglaise.
Cette version fut rééditée, avec quel-
ques notes, en 1840, par « D. de Bray,
pasteur de l'Eglise chrétienne protestante
de Niort » 1 , et attira l'attention d'un M.
H. Houël, pasteur à Groote-Linden, près
Dordrecht, en Hollande, descendant d'un ré-
fugié français Charles Houël qui, à Zell en
Allemagne, avait épousé, le 12 avril 1706,
Marie, onzième enfant de Jean Migault. Ce
M. Houël, en possession d'une réplique du
manuscrit original, signala à M. de Bray
une lacune importante dans son petit volu-
me, c'est-à-dire les pages relatives à l'ab-
juration de Jean Migault qui avaient ap-
testante du Poitou avant et après la révocation
de l'édit de Nantes. Public à l'occasion de la fête
du Refuge de cette année, et suivi d'un sermon
sur la fête du Refuge, prononcé le 29 octobre 1826
dans le temple de la Dorothécstadt par J. Henry,
pasteur de l'Eglise réfugiée. Berlin, 1827, aux dé-
pens de l'auteur, in-8° de XX-110 p.
i Niort, chez Robin et Cie, libraire, rue des
Halles, n° 50, 194, p. in-18.
— 9 —
paremment été arrachées du manuscrit
découvert à Londres. M. de Bray les
publia sous le titre de Supplément au
Journal de Jean Migault (Niort, Paris,
Strasbourg, Mette, imprimerie de Ch. Mo-
reau, libraire, 1846, 46 pages in-12°). Enfin,
huit ans plus tard, il donna une seconde
édition de l'ouvrage complet sous le titre
de Journal de Jean Migault ou les malheurs
d'une famille protestante du Poitou à
l'époque de la révocation de l'édit de Nan-
tes, avec des notes, par D. de Bray, pas-
teur. D'après un manuscrit trouvé en An-
gleterre, entre les mains d'un descen-
dant de l'auteur. Avec des additions ti-
rées d'un autre manuscrit appartenant à
M. Houël, pasteur à Groote-Linden, en
Hollande 1 .
Entre temps, un professeur de l'uni-
versité de Glasgow, M. W. Anderson, igno-
rant le petit volume anglais de 1824, avait
retraduit dans cette langue, l'édition fran-
çaise de 1825-1840 -. Quelqu'imparfait que
i Paris, Grassart, libraire éditeur, 1854, 208 p.
in-18.
2 Jean Migault ; or the trials of a French Pro-
10
i Lit le texte de ces diverses éditions, elles
sont depuis fort longtemps devenues introu-
vables l . Aussi avait-on souvent songé à une
testant Family during the period of the revoca-
tion of the Edict of Nantes. Translated froin the
French, with a historical introduction, bij Wil-
liam Anderson, Prof essor in . the Andersonian
Vniversity, Glasgow-Edinburgh : Johnston and
Hunter, 1852, XXII-129 p. in-12.
En 1885 parurent, de même, deux traductions
allemandes, différentes l'une de l'autre : Tage-
buch von Jean Migault, oder Lciden einer pro-
testantischen Familie ans dem Poitou vor und
nach der Aufhebung des Edictés von Nantes zur
Feier der 200 jdhrigen Wiederkehr des 29 octo-
ber 1685, des Tages des Edictés von Potsdam,
ans dem franzôsischen iibersetst und herausge-
geben von J. L. Mathieu. Berlin, 1885. Verlag der
Plan' schen Buchhandlung ( Henri Sauvage )
Franzôsische Strasse 33 v., 84 p. in-8". — Jean
Migaults Tagebuch, Schicksale einer protestan-
tischen Familie ans dem Poitou vor und nach
der Aufhebung des Ediktes von Nantes. Aus dem
franzôsischen iibersetzt, mit geschichtlicher Ein-
leitung und mit erlâuternden Anmerkungen ver-
sehen von F. und P. Sander. Ferdinand Hirt, Ko-
nigliche Universitâts- und Verlags-Buchhandlung,
Breslau, 1885, 84 p. in-8°. Il y eut aussi une tra-
duction hollandaise en 1835.
i Je n'ai trouvé les deux éditions anglaises
qu'au British Muséum ; les françaises et alleman-
des sont à la Bibliothèque de la Société de l'His-
toire du Protestantisme français.
11
réimpression, mais on Pavait toujours dif-
férée, dans l'espoir de retrouver le manus-
crit original que le fondateur de la So-
ciété de l'Histoire du Protestantisme fran-
çais, feu M. Ch. Read, avait longtemps
et vainement cherché.
En 1885, la célébration du deuxième
centenaire de la Révocation attira de nou-
veau l'attention sur ce témoignage direct
et pathétique des souffrances endurées
par les sujets huguenots du grand roi.
J'eus alors l'idée de demander à un de
mes amis, feu M. A.-J. Enschédé, à Har-
lem, de rechercher l'adresse du pasteur
Houël qui avait correspondu avec
M. de Bray - ou de ses descendants. Il
put me transmettre celle de sa veuve, qui
s'était retirée à Dordrecht. Je lui écrivis
aussitôt, et, le 30 juillet 1885, M me A.-J.-C.
Losel-Voerstman, veuve Houël, me ren-
voya le manuscrit que possédait son mari,
accompagné de quelques lignes par les-
quelles elle en faisait généreusement don
à notre Bibliothèque. C'était la copie, ou
plutôt la rédaction exécutée ou dictée par
12
Jean Migault lui-même et datée d'Emden,
le 16 juillet 1702, pour sa fille Marie, alors
femme de chambre de la marquise de la
Roche-Giffard, dame d'honneur de la du-
chesse de Brunswick-Liïnebourg et Zcll.
Ainsi que je viens de l'écrire, cette Marie
Migault avait épousé le 12 avril 1706, à
Zell, Charles Houël. Après sa mort, sur-
venue le 2 février 1723, le manuscrit de
son père avait passé dans la famille de
son mari, et était ainsi devenu la propriété
du pasteur de Groote-Linden, correspon-
dant de M. D. de Bray K
i La famille Houël était originaire de Norman-
die. Voy. H. B[arckhausen], Arrêt rendu par le
Parlement de Rouen le 31 oct. 1686 dans un pro-
cès fait au cadavre d'un nouveau converti, Bor-
deaux, imp. Gounouilhou, 1876, 16 p. in-8°. Il
s'agit du procès fait, à la requête du substitut du
procureur de Maisy (Calvados), du 26 juin 1686,
au cadavre de Nicolas Houël, décédé à Maisy, soup-
çonné de n'avoir pas fait acte de catholicisme.
Le 27 ses biens sont mis sous séquestre ; le 28
le cadavre est « salé », mis dans un tonneau, et,
le 1 er juillet, ordre est donné de l'apporter
au « siège de Bayeux ». Le 9, le corps
étant à Bayeux, sur le bord de la fosse, le procès
est instruit et, sur l'attestation d'un prêtre que,
— 13 —
Je tenais doue enfin le texte authenti-
que et complet du Journal de Jean Mi-
gault. C'est un volume de 191 pages in-8"
écrit sur papier de Hollande (haut 0,21,
larg. 0,132), joliment relié en veau plein,
et doré sur tranche. L'écriture est très ré-
gulière, d'une encre rouge qui a malheureu-
sement beaucoup pâli. J'en annonçai aus-
sitôt la publication ». A cet effet, je le fis co-
pier et entrepris même un voyage dans le
Poitou, afin d'y visiter les lieux habités
par Migault ou dans lesquels, au cours de
ses nombreuses et dramatiques pérégrina-
tions, il avait trouvé un abri temporaire.
Je vis ainsi les villages de Moulay, Fressi-
nes, Mougon, Mauzé, les châteaux du
Grand Breuil et d'Olbreuse, La Rochelle
avec la tour St-Nicolas où les huguenots
furent souvent enfermés, enfin la ferme de
Pampin et, tout près de là, la baie d'où,
« sur la fin de sa vie, le défunt s'était approché
avec beaucoup d'édification des sacrements »,
le Parlement décharge sa mémoire et ordonne
son inhumation en terre sainte, le 3f oct. f(58(i.
On comprend qu'après avoir été ainsi traitée, la
famille Houël se soit expatriée,
i Bull. prot. fr. 1886, p. 190.
— 14 —
après sept années de persécutions, de
marches et contremarches angoissantes,
et surtout après une première tentati-
ve d'évasion lamentablement avortée, ce
pauvre homme, habituellement chargé de
cinq ou six enfants, traqué comme une bê-
te fauve, avait finalement réussi à sortir
d'une patrie devenue inhabitable pour
des protestants décidés à suivre leur cons-
cience. Le fils d'un de mes collaborateurs
au Bulletin de la Société de l'Histoire du
Protestantisme français, M. O. Gelin, avait
même entrepris de dessiner d'après natu-
re quelques-uns de ces lieux que ni Mi-
gault, ni aucun des siens ne devait plus
jamais revoir 1 .
Mais lorsque je voulus annoter son
Journal, je me heurtai à la difficulté d'i-
dentifier, loin du Poitou, les très nom-
breux noms de personnes contemporaines
qu'il y cite presque à chaque ligne. Mes
devoirs professionnels ne me permettaient
i Ces dessins ont été remplacés par des pho-
tographies, sauf en ce qui concerne le Grand
Breuil dont le propriétaire, M. Tulèvre, m'avait
envoyé, en 1891, les charmants croquis que j'ai
fait reproduire.
— 15 —
guère de faire les eecherches exigées par
ce travail, qui me paraissait indispensable
pour contrôler par d'autres renseigne-
ments contemporains ceux que donne Mi-
gault.
En 1891, une circonstance tout à fait
imprévue vint encore me retarder. Je dé-
couvris qu'il y avait à Brème une famille
Migault qui descendait directement du fils
préféré de notre réfugié poitevin. Grâce
à feu M. le pasteur Iken, de Brème, je pus
me mettre en relation avec elle, et j'appris
qu'elle conservait précieusement, entre
autres, la copie du Journal exécutée par
Migault pour ce fils Gabriel, son testa-
ment, son portrait et celui de sa seconde
femme Elisabeth Cocuaud. Ces divers do-
cuments furent très gracieusement mis à
ma disposition, sauf toutefois celui au-
quel j'attachais le plus de prix, c'est-à-di-
re le texte du Journal rédigé pour Gabriel
Migault, et dont, bien naturellement d'ail-
leurs, la famille ne voulait pas se dessai-
sir. Je résolus dès lors d'attendre une occa-
sion qui me permit de comparer ce texte
avec le mien. Par suite de circonstances
diverses dont j'épargne au lecteur le dé-
— 16 —
tail fastidieux, cette occasion ne se pré-
senta qu'en l'année 1910.
Un des collaborateurs du Bulletin, M.
Henri Clonzot, qui est de Niort et à qui
les choses du Poitou sont familières, m'of-
frit de s'atteler à l'annotation régionale
du Journal. On verra qu'il a réussi à iden-
tifier la presque totalité des noms que Mi-
gault cite comme étant bien connus de
ses enfants 1 . D'autre part, après avoir vai-
nement tenté, en passant et repassant par
Brème en 1909, de m'y rencontrer avec un
membre de la famille Migault, je parvins
au commencement de la présente année, à
rentrer en correspondance avec Mademoi-
selle Marie Migault, fille du président de la
Cour supérieure de Brème, Hermann C-
i Un certain nombre de ces renseignements,
ainsi que cela est d'ailleurs indiqué, sont dûs à
MM. H. Gelin, M. de Richemond, archiviste hono-
raire de la Charente-Inférieure, Pandin de Lus-
saudière qui lui a succédé à La Rochelle, et à
M. Eug. Réveillaud, député de la Charente-Infé-
rieure. Nous les remercions de leur obligeant
concours, ainsi que MM. .T. Coroï, A. Fauche,
propriétaire actuel du château de la Bessière, et
le baron Desmîer d'Olbreuse, à qui nous devons
quelques-unes des photographies que nous avens
utilisées.
17 —
A. Migault, ei avec son cousin M. W. Ju-
lius Migault. L'un ei l'autre voulurent
bien reprendre les relations que j'avais
eues, en 1891, avec la veuve du président
de Cour. Ils consentirent à collationner
une copie du Journal écrit pour Marie Mi-
gault avec celui en leur possession, et j'eus
ainsi tous les éléments d'un texte définitif.
La rédaction des deux manuscrits n'est
identique que pour le Tond, mais assez
différente parfois dans la forme, Migault
ayant, dans l'exemplaire qu'il écrivit pour
sa fille Marie, préféré quelquefois raconter
les mêmes faits dans d'autres termes.
Pourtant l'immense majorité des phrases
et des mots employés sont identiques, ce
qui prouve qu'en racontant ses épreuves
avant d'en transcrire le récit, Migault avait
pris l'habitude de citer les mêmes faits
dans les mêmes termes. Cela est très com-
préhensible étant donnée l'impression pro-
fonde, ineffaçable, qu'il avait dû recevoir
des événements au milieu desquels il avait
failli sombrer. Çà et là il y a dans le
— 18 —
manuscrit de Brème un petit renseigne-
ment complémentaire.
Il va sans dire que nous avons recueilli
avec soin ces variantes, et que nous don-
nons au lecteur tout ce que peuvent nous
apprendre les deux textes K Mais, tout en
le faisant profiter de tout ce qu'il y a en
plus dans le manuscrit de Brème, nous
avons conservé le style de celui de Paris.
La seule difficulté réelle que nous ayons
rencontrée, c'est celle de l'orthographe à
adopter.
Le brave maître d'école poitevin n'avait
pris la plume que pour ses enfants. Dans
sa préface à son fils — que nous avons
tenu à placer avant celle, d'ailleurs pos-
térieure, écrite pour sa fille Marie — il dit
expressément : « Je ne suis pas accoutumé
à escrire, je ne peux trouver de termes
pour m'exprimer mieux » Il ajoute mê-
me : u Je veux t'advertir ycy de ne faire
voir cette copie à aucun pour les divertir
de mon mauvais langage. » Migault ne
s'est donc, à aucun moment, préoccupé,
s
i Je parle ici au nom de mon collaborateur
aussi bien qu'au mien.
— 19
ni de son style, ni de son orthographe, et
redoutait les railleries de ceux qui au-
raient pu voir l'un et l'autre. D'ailleurs,
si l'on savait alors ce qu'était le style \
on ignorait encore l'orthographe. Il suffit,
pour s'en rendre compte, de parcourir,
par exemple, le texte original des lettres
de M me de Sévigné.
Fallait-il reproduire tel quel le texte du
Journal, c'est-à-dire dépourvu de toute
ponctuation raisonnée, où, sans règle au-
cune, les moindres substantifs, pronoms,
verbes, etc., sont parfois ornés d'une ma-
juscule, et où, à travers un récit qui em-
brasse près de sept années, presqu'aucune
coupure ne permet de reprendre haleine ?
Nous ne l'avons pas pensé. Nous te-
nions, en effet, à donner au public un
texte aussi facile à lire que possible. Nous
avons donc partout suppléé la ponctua-
tion actuellement en usage, supprimé les
majuscules non justifiées, et partagé le
i Migault croyait — et beaucoup d'autres avec
lui — que le style consistait dans l'emploi de
termes choisis, c'est-à-dire en une façon artifi-
cielle, apprêtée, de parler et d'écrire.
— 20 —
récit en paragraphes et même en chapi-
tres. Mais, pour tout le reste, nous avons
respecté l'orthographe variable et parfois
déconcertante de Migault. Nous avons seu-
lement, lorsque, par exemple, dans le ma-
nuscrit de Brème, le même mot était ortho-
graphié d'une manière plus rationnelle,
pris la liberté d'adopter celle-ci. Cela n'a,
d'ailleurs, guère eu lieu que dans un cas,
assez fréquent il est vrai et important
parce qu'il détermine le sens de la phra-
se. Lorsque Migault emploie le passé dé-
fini, il écrit souvent - mais pas toujours
dans le manuscrit de Brème, par
exemple « j'allay », et dans celui de Paris,
« j'allois ». Dans ce cas, nous avons subs-
titué la première orthographe à la se-
conde.
Et pourquoi n'avoir pas fait un pas de
plus en adoptant partout l'orthographe
actuelle ? Nous avons pensé, au con-
traire, qu'il y avait un intérêt réel à re-
produire fidèlement, à ce point de vue,
notre texte. On pourra, grâce à lui, se re-
présenter, non seulement comment pensait
et parlait, mais encore comment écrivait
un paysan poitevin huguenot du temps de
— 21 —
Louis XIV, promu à la fonction d'institu-
teur, d'ancien, de lecteur au temple et mê-
me de notaire, - c'est-à-dire un homme
chargé d'instruire et d'élever les entants,
non seulement de la bourgeoisie, mais aussi
de la petite noblesse — et de servir d'exem-
ple à ses autres coreligionnaires 1 .
Me voici amené à caractériser la phy-
sionomie morale de cet auteur malgré lui,
et la valeur de son œuvre. Je ne dirai rien
de ses origines, de sa famille, de ses tri-
bulations ; il s'explique sur tout cela avec
autant de précision que de saveur. Il suf-
fira de rappeler qu'il est un paysan ori-
ginaire de cette partie du Poitou com-
prise entre les villes ou bourgs de Niort,
Celles, La Mothe St-Héray et Saint-Maixent,
qui se rattacha de bonne heure à la Ré-
forme et lui resta fidèle jusqu'à ce jour,
— bien que diminuée de la masse de ceux
i Les anciens, laïques élus par les membres
d'une Eglise protestante, étaient chargés de la
diriger avec le pasteur et notamment de veiller
sur la conduite des membres du troupeau.
— 22 —
que la persécution chassa définitivement
de leurs foyers. Mais c'est un paysan dont
les ascendants avaient, dès le xvi e siècle,
été en contact, en qualité de fermiers,
avec des gens d'une condition sociale su-
périeure, et dont le père avait déjà exercé
les fonctions d'instituteur et de lecteur au
temple. Jean Migault est donc un campa-
gnard aussi instruit qu'on pouvait l'être
de son temps, sans avoir passé par un col-
lège. Sa qualité mai tresse c'est la sim-
plicité et la sincérité. Dans la préface à
son fils il écrit : « Je ne croy pas advan-
ser l aucune chose je dis naïfvement les
choses comme elle se sont passée. Si je
n'arrange pas mon discours, c'est que je
ne suit pas accoutumé à écrire. »
Or ce qui était aux yeux de Migault un
défaut, c'est précisément ce qui fait le prix
de son récit. Nous sommes très heureux
qu'il n'ait pas pu « arranger son discours ».
11 constitue, pour cette raison même, un
document d'une réelle valeur au point de
vue historique. Il n'existe pas, en effet, à
ma connaissance, de témoignage plus im-
i Dans le sens d'inventer.
— 23 —
médiat, plus vivant et plus impartial des
ravages produits par la politique ecclé-
siastique de Louis XIV dans une des pro-
vinees du royaume où les protestants,
nombreux, industrieux, avaient toujours et
malgré d'incessants dénis de justice x , vécu
en paix avec leurs compatriotes catholi-
ques. On ne peut les comparer qu'à ceux
qu'aurait produit l'invasion d'une armée
ennemie chargée de dévaster le pays, d'en
prendre les villes et villages d'assaut et d'en
réduire les habitants au désespoir. C'est la
condamnation la plus explicite de ce rêve
insensé qui hante encore beaucoup de cer-
veaux français, catholiques ou libre pen-
seurs : Travailler à la prétendue « unité
morale » du pays en soumettant de gré
ou de force toutes les intelligences et tou-
1 En 1(134 et 1G60, c'est-à-dire bien longtemps
avant la Révocation, le clergé catholique avait
organisé contre le protestantisme poitevin de
véritables campagnes de procédures déloyales
qui aboutirent à la démolition de plusieurs tem-
ples et à l'interdiction du culte protestant dans
la majorité des lieux où il se célébrait d'après
les stipulations de l'édit de Nantes. Voy. Bull.
prot />.. 1905, p. 320-330.
— 24 —
tes les consciences à une même opinion
religieuse on philosophique, rêve dont on
peut constater aujourd'hui même, en Es-
pagne, les effets désastreux.
J'ai déjà remarqué qu'une preuve in-
discutable de l'exactitude de ces souve-
nirs ressort de ce fait qu'ils ont toujours
pu être contrôlés par d'autres documents
contemporains, et qu'on a pu retrouver
dans ceux-ci presque toutes les personnes
citées par le narrateur. A ce point de vue
les notes placées au bas des pages sont au-
tant de confirmations de la véracité de
l'auteur.
Quant à son impartialité, il suffît de
parcourir son récit pour la constater. Mi-
gault ne se répand pas en invectives con-
tre ses persécuteurs, et n'éprouve pour eux
ni haine ni mépris. Avec la plupart de ses
coreligionnaires, il attribue ses malheurs
à Dieu lui-même qui a jugé bon de châ-
tier les péchés de son peuple. En même
temps qu'il respecte, tout en le déplorant,
le refus de sa belle-mère de le suivre dans
l'exil et de revenir à la foi qu'elle avait dû
renier, il reconnaît avec émotion et grati-
tude qu'à Mougon et ailleurs, il doit son
salut, entre autres, à la charité d'un ecclé-
— 25 -
siastique ou de voisins catholiques. Ce
dernier trait qui, heureusement, n'est pas
isolé, prouve d'ailleurs avec évidence que
la persécution ne fut pas l'œuvre des ca-
tholiques, mais de ceux qui les dirigeaient,
et, en faisant appel aux instincts les pins
méprisables, leur représentaient le fana-
tisme comme le premier de tons les de-
voirs.
Vn autre mérite, et non le moindre, de
ces pages, c'est le témoignage éclatant qu'el-
les rendent à la solidarité étroite qui
unissait entre eux les nombreux membres
de la famille du narrateur, et avec eux,
presque sans exception, leurs coreligion-
naires de la même région. A mesure que
le cercle de fer des dragons se resserre
autour de lui, Migault multiplie les efforts,
les démarches, les sacrifices sans nombre
pour sauver sa femme, trouver des abris
à sa mère et à ses enfants. Pendant des
mois il parcourt ainsi une immense éten-
due de pays, ne voyageant que de nuit
pour ne pas être découvert. Jamais il
n'aurait pu réussir, pendant sept ans, à
soustraire à tant d'espions acharnés à sa
perte, d'abord sa femme invalide, puis
— 26 —
neuf ou dix enfants dont plusieurs en bas
âge, s'il n'avait trouvé, à la Bessière, au
Grand Breuil, à Olbreuse x et en beau-
coup d'autres lieux, des amis dévoués
bien que parfois aussi exposés que lui et
des retraites assurées. Lorsqu'enfin, avec
une ténacité qui triompha de déceptions et
d'échecs répétés, il se résigna à quitter sa
patrie, il ne laissa derrière lui qu'un seul
de ses enfants, celui qui lui avait tourné
le dos en méprisant les leçons paternelles.
Le ressort apparent de cette énergie, de
cet inlassable dévouement, c'est sans con-
tredit la piété profonde, inébranlable de
Jean Migault. C'est elle qui console sa
femme mourante, qu'il recommande sans
cesse à ses enfants, qui le couvre de honte
et de confusion lorsqu'à la Rochelle, à
bout de forces, il met son nom au bas d'un
acte d'abjuration, qui lui permet néan-
i Ce fut surtout la famille d'Olbrcuse qui re-
cueillit les huguenots de cette région au moment
de la Révocation, Louis XIV n'osant pas la faire
maltraiter, comme la plupart des autres genlils-
hommes, depuis qu'Eléonore était devenue la
femme du duc Georges de Brunswick (1GG5). Bien
loin, du reste, d'oublier ses compatriotes et core-
— 27 —
moins d'espérer contre toute espérance, et
dont il laisse à son fils Gabriel une der-
nière preuve touchante dans cette phrase
de ses dispositions testamentaires : « Ii
me fera plaisir de prendre le Nouveau-
Testament que j'aij transcrit de nui main
et de le garder pour l'amour de moy et
d'estre au surplus content de ma bonne
volonté. »
ligionnaires français, la duchesse de Zell les ac-
cueillit toujours avec empressement et fut pour
eux d'une rare générosité. En voici une preuve
peu connue. Le 23 oct. 1693 le grand pension-
naire de Hollande avait demandé en son nom,
que les rentes qu'elle avait sur la province de Hol-
lande, montant à environ 50.000 écus qu'elle
emploie entièrement à des pensions de réfugiés
dans les Provinces-Unies, soient exemptées de
l'impôt du centième et deux centième. Les Etats
résolurent, le 12 déc, d'acquiescer à cette de-
mande aussitôt qu'ils auront décidé que les biens
des villes dont les revenus servant, soit à l'en-
tretien du culte, soit à d'autres usages pieux, en
seront exemptés, et tant qu'elle paiera la pension
de il. 1000 qu'elle donne à la Société des Dames
de Harlem. (Voy. Bull, de la Commission de l'Hisi.
des Egl. wallonnes, IV, 327, d'après les Résol. des
Etats de IIolL, 1693, fol. 466 et 328).
— 28 —
Migault avait atteint la Hollande, terre
du Refuge par excellence, le 8 mai 1688.
Le 9 il put assister publiquement, à Rot-
terdam, au culte français que depuis si
longtemps il n'avait célébré qu'en secret.
Le 12, avec toute la troupe de Poitevins
qui l'accompagnait, il faisait, au temple,
« reconnaissance publique », c'est-à-dire
amende honorable de s'être laissé con-
traindre à un simulacre d'abjuration. Il
avait amené avec lui cinq de ses enfants ;
trois autres l'avaient précédé en Hollande
et en Allemagne. Enfin sa fdle Jeannclon,
qui semble avoir particulièrement hérité
de la fermeté de son caractère puisqu'on
ne put la forcer à signer sa prétendue
abjuration, le rejoignit le 27 juin à Ams-
terdam où il s'était fixé le 1 er . Il y
fut reçu dans l'Eglise le 20 juin et à la
bourgeoisie le 22, comme « maître d'école
venant de Mauzé ». Le 2 mai 1691 il s'y
remaria avec Elisabeth Cocuaud, origi-
naire des environs de la Rochelle, et dont
il eut encore une fille Madelaine, baptisée
le 24 février 1692 et un fds François-Louis,
baptisé le 4 février 1694 \ Le 22 mai 1696,
i Rens. de la Bibliothèque wallonne de Leide ;
27 personnes, dont 3 de Mauzé, firent « recon-
naissance » le 12 mai.
29
muni des attestations de l'Eglise wallonne
d'Amsterdam ', il se rendit à Emden, dans
la Frise orientale, où on l'avait appelé
pour faire la lecture à l'église française
et « enseigner à lire, écrire, l'orthographe,
l'arithmétique et les catéchismes ou fon-
dements de la Religion » aux enfants des
réfugiés, privilège « confirmé par le Ma-
gistrat », et dans lequel, au mois d'août
1700, il demandait à être maintenu à l'ex-
clusion de tout autre concurrent '-. On
sait encore qu'il tomba malade en 1706,
mais on ignore la date exacte de sa mort
survenue, croit-on, après le 4 août 1707.
Il atteignit donc l'âge de 62 ou 63 ans.
i Lorsqu'on se présentait dans une Eglise ré-
formée, il fallait montrer Un certificat du pas-
teur de celle qu'on avait quittée. En l'absence de
certificat, il fallait, ou faire « reconnaissance »
si l'on avait participé au culte catholique, ou pas-
ser un examen sommaire si l'on demandait à être
admis comme membre de l'Eglise.
-• Protocole de l'Eglise réformée française d' Em-
den du 19 août 1700. Migault s'était plaint « qu'il
se trouvoit quelques personnes qui tenoient éco-
les ». Le 5 février 1097, on lui avait alloué
20 1. 16 s. pour ses gages, depuis son arrivée jus-
qu'au 1 er janvier 1697. En 1706 il fut pensionné
avec 16 écus par an.
- 30 —
Lorsqu'il avait quitté sa patrie, il y
avait abandonne le peu de biens qu'il y
possédait, témoin cette note laconique de
feu M. A. Lièvre, l'historien du protes-
tantisme poitevin : « Biens saisis. Jean
Migault, aff[ermés] 5 1., estimés 26 ; une
maison, 3 boisselées de terre, une vigne
de borderie à Fressine et Thorigné, ad-
jugé à Jacques Belard, le 2 sept. 1688,
26 1. 1 » - - Semblable en cela à la pres-
que totalité des réfugiés que la Révoca-
tion avait surpris comme une catastrophe
incompréhensible et passagère, Migault
n'avait pourtant pas renoncé à tout es-
poir - - du moins pour ses enfants, — de
rentrer dans leur patrie et de retrouver le
bien familial.
C'est un fait fort remarquable, en effet,
que jusqu'à la fin du xvir 3 siècle ou plus
i Ce Jacques Belard était-il un prête-nom ? On
se le demande lorsqu'on lit dans le testament de
Migault qu'il accuse son fils Jean d'avoir « dis-
sipé et destruit autant qu'il a peu la majeure par-
tie des domaines et héritages » qu'il a laissés au
royaume. Ces biens, deux pièces de terre en la
vallée de Meschinot, et à ia vigne à Clouzeau, près
des Touches, sont désignés au testament. Cf.
p. 272.
— 31 —
exactement jusqu'à La paix de Ryswick
(1697), les réfugiés, qu'on voudrait faire
passer pour de mauvais français, cares-
saient l'espoir chimérique du rétablisse-
ment de l'édit de Nantes dont la révoca-
tion les avait précipités dans l'exil. A
Friedrichsdorf, par exemple, ils n'avaient
voulu, jusque-là, se construire que des ca-
banes en planches ; ils ne les remplacèrent
par des matériaux plus solides que lors-
que les stipulations de la paix de Ryswick
— qui ne mentionnait même pas les re-
quêtes de leurs plénipotentiaires — eurent
définitivement fait évanouir cet espoir 1 .
Eh bien ! Migault, lui aussi, garde au
cœur l'image de la patrie perdue, et re-
voit souvent par la pensée sa petite mai-
son de Moulay, ses boisselées de terre et
i Friedrichsdorf est une colonie de réfugiés
français près de Francfort-sur-M., où l'on par-
le encore français. Sur la paix de Ryswick et les
efforts que firent les réfugiés pour faire insérer
dans le traité une clause leur permettant de ren-
trer en France sans abjurer, voy. Bull. prot. fr.
XL, p. 369. C'est à cette même fidélité à la patrie
perdue qu'il faut attribuer l'emploi persistant de
la langue française pendant plus d'un siècle.
— 32 —
sa vigne. Il termine son Journal par un
aperçu généalogique de sa famille, afin,
écrit-il, « que si la Providence permet que
quelqu'un y retourne, il puisse savoir qui
sont les personnes qu'ils doivent recon-
naître pour parents ». Et lorsque, le 17
mai 1703, il rédige, à Emdcn, son testa-
ment, il y insère cette clause caractéristi-
que : « S'il plaisoit à Dieu, comme je l'en
prie du profond de mon cœur, de redon-
ner la liberté de conscience audit royau-
me de France et que mes enfans y retour-
nassent, soit pour y demeurer ou autre-
ment disposer des d'homènes que j'y ai
délaissé, ils les partageront également en-
tre eux. » Ce qui prouve que le vœu n'é-
tait pas platonique, c'est qu'il y ajoute,
pour le cas où il se réaliserait, des instruc-
tions minutieusement détaillées.
Avant de mourir il avait eu la joie de
voir la plupart de ses enfants honorable-
ment établis. Sa nombreuse postérité es-
saima en Hollande par le mariage de sa
fdle avec Charles Houël ; en Angleterre,
où Olivier, le dernier né de France, laissa
huit enfants grâce à l'un desquels sans
doute le Journal sortit du cercle intime de
33
la famille ; enfin en Allemagne, où elle est
encore représentée par des descendants
portant le même nom.
C'est à Zell qu'on trouve réunis, avant
cette dispersion, Marie, femme de cham-
bre de la marquise de la Roche-Giffard,
Gabriel qui était parti le 22 novembre
1089 de la Rochelle avec le pasteur Louis
de la Forest, Philémon, au service du
frère de la duchesse d'Olbreusc, et Olivier.
Une Eglise réformée française s'y était or-
ganisée dès le 10 avril 1686 1 . Gabriel, qui
était arrivé à Zell le 21 mai 1()8C>, marcha
1 Elle se réunissait au château, et et' n'est qu'a-
près l'échec des négociations préliminaires à la
paix de Ryswick qu'elle demanda et obtint la
permission de bâtir un temple. Un consistoire,
composé de E. de Maxuel de la Fortière, pasteur
devenu grand-fauconnier du duc, de Vilars-
Malortie, écuyer de la duchesse, Robert Scott, mé-
decin du duc et de ses troupes, I). Caulier, pre-
mier valet de chambre du duc, et S. de Lestoc,
chirurgien-major des gardes, y fut régulière-
ment élu le 20 déc. 1088. (D r Tollin, Geschichls-
blaettcr des deuischen Hugenolten Vereins, Zehnt
II, Heft 7 u. 8, 1893).
3.
- 34 —
exactement sur les traces de son père,
c'est-à-dire y fut lecteur, maître d'école et
ancien. Le 12 janvier 1687, il commença
« à faire la lecture en l'Eglise de Son Al-
tesse Madame la Duchesse ». En 1700, dit-
il, « j'ai eu l'honneur de mettre la premiè-
re pierre au fondement de l'église que nous
avons bâti en la ville neuve de Cell 1 ». A
cette occasion son père reçut une invitation
de la part d'un des anciens, Christophe
Chappuzcau, secrétaire privé du duc et de
i Né le 22 juin 1669 à Moulay, Gabriel épousa
le 8 juillet 1704, à Amsterdam, Jeanne LafFont,
née le 14 octobre 1(582 à Oloron en Béarn, d'Isaac
et de Rachel de la Forcade. Un de ses fds Rodol-
phe-Olivier, né à Zell le 25 novembre 1723, fut
aussi ancien de l'Eglise comme son père, et son
oncle Philémon, vers 1759. Il épousa, le 2 mai
1752, Marie-Madeleine Dcneken, de Brème, qui
mourut le 8 août 1757. Il fit alors « un voyage à
Bremen », et s'y remaria le 4 juillet 1758 avec
Jeanne-Marguerite Tileman. C'est le dernier fils,
issu le 20 novembre 1771 de cette union, Charles-
Olivier, docteur en droit, avocat et notaire, qui
eut. entre autres, pour fils Gerhard-Friedrich (14
mars 1806) et Ilermann-Carl-August (4 juillet
1815), le premier négociant et le second prési-
dent à la Cour supérieure, dont les enfants
Wilhelm-Julius et Marie Migault ont bien voulu
N
35
la duchesse 1 . Voici cette lettre qui montre
que sur la lerre du Refuge, de même qu'en
France, Jean Migault sul se faire de chauds
amis :
.1 Celle 29 octobre 1699.
Monsieur,
Après nous avoir témoigné réciproquement de
l'estime et de l'amitié l'un pour l'autre, il est bon
de nous en donner des marques de teins en teins.
Je prens l'occasion du commencement de la der-
nière année du siècle que nous courons, pour
vous renouveller avec elle les assurances du zèle
que je considère pour votre service, depuis que
j'ay eu l'honneur de votre connoissance, et de
jouir pendant quelques jours à Cell de votre so-
nous fournir ces renseignements et collaborer à
cette publication.
i Fils du polygraphe Samuel Chappuzeau,
aussi poitevin d'origine (cf. Franc, prot. 2 e éd.
IV, ÎD). Il épousa Catharina Pflaumbaum,
et mourut à Zell en 1732. Son portrait se trouve
au nouveau musée de Zell, ainsi que celui de la
duchesse Eléonore que nous avons fait repro-
duire. Ce portrait, ainsi que ceux de Migault, de
sa seconde femme et les vues de Zell, nous ont
été gracieusement communiqués par M. et M" e
Migault, de Brème.
36
lide et agréable conversation. Je vous souhaite
cette même année heureuse, de même qu'à Mad"" e
votre chère femme, et suivie de plusieurs autres
pleines de prospérité. Ma femme et mes filles, et
généralement toute notre famille dans laquelle il
se parle souvent honorablement de vous, joignent
leurs vœux aux miens, vous saluent humblement,
et prient Dieu qu'il vous comble de ses grâces.
Cependant je vis dans l'espérance d'avoir la joye
de vous embrasser, ou au printems prochain à
Embden pendant que notre cour sera à Bruchau-
se au voisinage de Bremen, ou à Cell l'automne
suivant, ne croyant pas que vous puissiez, Mon-
sieur, vous défendre de venir à l'inauguration du
temple que nous bâtirons au plutôt, s'il plait au
Seigneur, et pour lequel on prépare incessam-
ment les matériaux i.
Vous ne pourrez, dis-je, Monsieur, vous défen-
dre d'y venir parler le premier de la part de dia-
cre, et d'y faire entendre votre forte voix par
la lecture de Sa parole. Vous serez bien aise de
voir en même tems le fruit des soins tout parti-
culiers que prend depuis long tems et que pren-
dra jusqu'à la fin Monsieur votre fils pour l'exé-
cution de ce dessein, auquel présentement nous
ne voyons plus d'obstacles ; et si j'en étais crû,
il serait aussi employé comme très capable et
i C'est celui-là même dont une vue accompa-
gne ce récit. Les luthériens de Zell empêchèrent
que l'architecture de cet édifice rappelât celle de
leurs églises.
— 37 —
plus qu'aucun autre à la levée des deniers qui
nous sont encore nécessaires dans la suite '. Vous
savez sans doute déjà, Monsieur, qu'il est bien et
agréablement posté, pour avoir l'œil jour et nuit
sur les ouvriers, et qu'il s'est ajusté une maison
fort propre, entre laquelle et celle de \F De la
Forest le temple sera bâti -. C'est où vous serez
reçu avec bien de la joye, et vous en aurez aussi
beaucoup de votre côté, de revoir vos chers en-
i Ce vœu de Chappuzeau ne tarda pas a être
réalisé. Gabriel Migault, qui était ancien depuis
le 25 février 1690, fut nommé diacre en 1703.
L'année suivante il fut envoyé en Hollande et y
recueillit, « tous frais faits, la somme de quatre
cent trente rixdalers » pour le temple de Zell. En
1700, il se rendit, dans le même but, avec « le
sieur La Lippe » à Brème, et en rapporta, « tous
frais faits, la somme de six cent rixdalers ». —
Aussi, lorsqu'en 1747 il prit sa retraite, on lui
laissa, pour « son grand âge et ses services zélés
pendant le cours de sa vie, la possession tran-
quille de la maison qu'il occupe, moyennant qu'il
continue à la faire réparer comme ci-devant ».
Ses gages étaient de 50 rx par an. Il mourut à
Zell le 29 mars 1752 à l'âge de près de 83 ans.
{Protocoles du Consistoire et autres livres de l'E-
glise réformée de Zell).
2 Cette maison où il demeurait et où se tenait
l'école est celle dont nous joignons une vue à ce
récit. Elle porte les n os 59 et 60 de la rue de
Hanovre.
— 38 —
fans, et sur tout un lils aîné, qui est estimé et
aimé de tous ceux qui le connoissent. C'est ainsi
que dans le cours d'une année, il se sont fait dans
les seuls Etats de Brunsvic et Lunebourg, trois
inaugurations d'autant de temples pour les Ré-
formez sortis de France ; et il ne faut pas que
celle qui se fera dans l'ancienne et principale
résidence de Cell soit moins célèbre que les deux
autres d'Hannovre et de Hamel, qui ce sont faites
il y <t deux mois, et dont vous avez ouï parler.
J'ay crû, Monsieur, vous devoir réjouir par le
récit de ces petites particularités ; il ne reste
plus qu'à nous honorer de votre présence dans
le tout. Elle sera très agréable à tous ceux qui
vous connoissent, et particulièrement à celuy qui
est de tout son cœur, et plus qu'il ne vous le
peut dire,
Monsieur,
Voire très humble et très obéissant serviteur
Chappuzeau.
Je vous prie, Monsieur, d'assurer Mad'" c votre
femme de mon obéissance très humble, et Mon-
sieur Dursy mon cousin avec la sienne de mon
amitié et de mes services.
A Monsieur, Monsieur Migault à Embden.
— 39 —
Ainsi se reconstituèrent et prospérèrent,
dans tons les pays qui entouraient la Fran-
ce, les innombrables familles qu'une poli-
tique aussi maladroite que criminelle en
avait expulsées. Partout où elles se fixè-
rent elles apportèrent, avec leur énergie et
leur industrie, le respect de la conscience
qui leur avait fait affronter les dangers et
les privations de l'exil, plutôt que le re-
mords d'une soumission hypocrite. Partout
elles firent honorer le nom de français et de
huguenot. Et si quelque chose pouvait
nous consoler de leur départ et de tout ce
qu'il nous a fait perdre, c'est l'espoir qu'un
jour justice leur sera rendue dans la pa-
trie qu'elles durent abandonner, et que leur
mémoire y sera vénérée comme elle l'est
depuis longtemps par ceux qui, à l'étran-
ger, ont recueilli leur héritage.
Houlgatc, le 1 er septembre 1910.
N. Weiss.
JOURNAL
DE
Jean MIGAULT
COMMANCÉ A
MAUZÉ
EN FAVEUR DE SES ENFANS
ET CONTINUÉ A
AMSTERDAM
AU MOIS DE SEPTEMBRE
MDCLXXXIX.
MON F1LS\
Puis que tu te plais à lire mon écriture,
je me suis diverti] ces derniers jours à
t'en faire une bonne provision pour ton
premier jour de Van prochain, qui sera
environ le temps que tu recevras ce pa-
*
i Cette dédicace à Gabriel Migault, alors âgé
de 21 ans, est empruntée au manuscrit de Brème.
— 42 —
quel. Je eroij que tu en seras surpris, et
que tu ne t'attends pas de recevoir des es-
trennes de cette natture.
Je ne laisse pas de te demander de les
recevoir comme s'y cestoit quelque chose
de grand prix, et comme venant de ton
père qui t'ayme beaucoup et autant qu'il
est capable.
Je ne say sy au voyage que tu as fait
ycy depuis notre arrivée j'eus le temps de
te faire quelque petit récit de nos infor-
tunes après ton départ de France. Mais sy
je t'en ay fait une partye, j'ay cru que tu
serois bien ayse de savoir le tout, et je ne
doute pas que sy tu lis le tout avec un peu
d'attention, tu n'y trouve quelqu endroit
qui te touchera. J'ay pourtant eu en veue
principalement que tu y trouverois mat-
tière de bénir Dieu des grâces qu'il a feu-
les à moy, à toy et à tes frères et sœurs.
J'avay commancé mon journal dès Mauzé,
comme tu verras. Mais je ne l'avais point
visité x que lors que Dieu, par son adorable
providence, nous a eu conduit dans cette
ville, et mon loisir, comme je dis au com-
i Lisez « revu ».
— 43 —
mencement de la suit le, m'a fait faire la
continuation. Je ne croy pas advanser au-
cune ehose en iceluy : je dis naïfvement
les choses comme elles se sont passée. Sij
je n'arrange pas mon discours, c'est que
je ne suis pas accoutumé à escrire, et je
ne peux trouver de termes pour m'expri-
mer mieux.
Le pire de tout, c'est que je ne peux
parler bon françois comme je le souhai-
terois, mais tout cela ne m'a pas rebuté,
n'ayant dessein de faire cette eoppie que
pour toij, et pour l'eslrenner au nouvel
an, attendu que par tes deux dernières tu
me dis ne t'estre jamais lassé à lire mon
escriture, et que tu me demande de gran-
des lettres à toutes les fois que je t'escris.
Et je veux t'advertir ijeij de ne faire voir
cette eoppie à aucun pour les divertir de
mon mauvais langage. J'ay trouvé mattiè-
re de parler de beaucoup de personnes
qui sont à votre cour, et je ne say point
sy elles trouveroient de bon goust les cho-
ses que je dis. Je n'ay pourtant peu m'em-
pescher d'escrire une petite partyc des
obligations que je leur ay.
Je ne te deffens point de faire part du
44
tout à Monsieur de la Forest 1 , estant per-
suadé de sa charité en mon endroit, et je
m'assure qu'il aura la bonté de supporter
mon stille et mon langage ; et sy tu trou-
ve à propos de l'en divertir une après sou-
per, prie le de ma part, après l'avoir as-
suré de mon respee, d'excuser ma foibles-
se. Je m'assure bien qu'il le fera : il sait
bien mon peu de rapacité à dire et à es-
crire. Sy j'avois fait le voyage de Zell
comme je m'estois proposé, j'aurois porté
l'original pour divertir en chemin M lu de
Yilleneufve 2 .
Je m'oubliois à te dire qu'en lisant mon
Journal, tu verras les grandes obligations
que j'ay en particulier à M mes d'Olbreuse,
et De La Bessière, et en général à ceux
que je nomme, et je serois bien aise que
toy et tes autres frères vous en souveniez,
et en soyez reconnoissans avec moy tous
i Louis de la Forest, pasteur de Mauzé, devenu,
après la Révocation, à Zell, près de Hanovre, pas-
teur de l'Eglise des réfugiés protestants français,
dans laquelle Gabriel Migault exerçait, depuis
1687, les fonctions de lecteur et d'ancien. Cf.
p. 113 et s.
- Anne de Chauffepié, alors réfugiée en Hollande,
et dont il sera question dans le Journal, p. 166.
45
les jours de voire vie, voire jusques à la
moindre personne (/ni m'a aydé et secou-
ru dans ce temps misérable que je des-
cris. En un mot, quand tu auras tout lu,
mon fils, sy tu ne trouve point à propos
d'en faire part à aucun, garde le pour
toy. J'y ay joint, à la fin, ce que je say de
certain de ma parenté qui toute a resté
en France, en veiie que, sy Dieu veut que
mes os restent ycy, toy, ou quelqu'un de
tes frères ou sœurs qui un jour pourrez
retourner au pays de notre naissance,
puissiez connoistre ceux qui sont vos pro-
ches, et de qui vous estes dessendus.
Quand ton frère Philémon l sera auprès
de toy, selon que tu verras qu'il soit dis-
posé à lire mon escriture, fay luy en part
et m'apprends de ses nouvelles ; je t'e. .var-
ie toujours, à continuer tes soins envers
luy. Je ne luy veux point de mal, mais j'en
veux à son peu de mesnagement et Dieu
veuille luy faire connoitre son devoir.
J'attens de tes nouvelles et de la récep-
tion de ce paquet, et je ne te demande pas
une grande lettre pour cette fois d'autant
i Né le 2 septembre 1670.
46
que je Voccupe à lire pour longtemps. No-
tre santé est bonne, grâces à Dieu, et je ne
nie suis pas mieux porté de longtemps.
Fay les assurance de mon respec à Mes-
sieurs et Mesdames qui me font l'honneur
de m'aymer au lieu où tu es. Tes frères et
tes sœurs t'embrassent et moy particulière-
ment, mon fils, qui seray toujours, jusques
à la fin de ma vie, en te souhaitant toutes
sortes de bénédictions de Dieu,
Ton père et meilleur amy,
MIGAULT.
D'Amsterdam, ce 10 dessemb. 1690.
[Suscrjption] : Pour Gabriel Migau.lt,
chez Monsieur de la Forest, à Zell
— 47 —
POUR MA FILLE \ MARIE MIGAULT F. I). C. - DE
M nu ' LA MARQUISE DE LA ROCHE-GIFFARD ! ,
DAME D'HONNEUR DE S. A. S. 4 M mc LA DU-
CHESSE DE BRUNSWIG LUNEBOURG ET ZELL 5 ,
A ZELL.
Je n'ay pas crû, ma fille, m'estre oubliez
de t'envoyer comme à tes autres frères et
sœurs une copie de mon Journal ; au
contraire j'ai cru te l'avoir envoyée dès
i Cette dédicace ouvre le manuscrit de Paris.
2 Femme de chambre.
3 Arthémise, marquise de la Roche-Giffard, fut
(jusqu'en 1709) seconde dame d'honneur de la
duchesse de Zell, avec M'" es de la Motte-Fouqué
et de Beauregàrd, (V. Horric de Beaucaire.
Eléonore Dcsmier d'Olbreuse, p. 65, 171, etc.).
Si l'on en croit le confesseur Jacques de Barjac
de Rochegude, M 11 " de la Roche-Giffard était la
fille d'un gentilhomme poitevin (maries du Ver-
gier de Monroy, qui fut cruellement persécuté
en 108(3, à cause de sa fidélité à l'Evangile (Bull.
prot. fr., t. XXXVIII [1889], p. 538, et A. Lièvre,
Histoire des protestants du Poitou, t. III, p. 203).
4 Son Altesse sérénissime.
•"• Née le 3 janvier 1039, d'Alexandre Dcsmier
d'Olbreuse (ancienne famille poitevine protes-
tante) et de Jacquette Poussard de Vandré, Eléo-
nore était devenue en 16G5, la femme du duc
48
il y a trois ans. Mais si ainsi est que tu
ne l'aye pas reçue, tu la recevras avec
cette lettre puis que tu le souhaite. Je
l'ai écrit en veùe que vous tous que Dieu
a retirez de la persécution de France faite
à ceux de notre religion, profitassiez des
grâces que Dieu nous a faites en nous en
délivrant, et des châtimens qu'il a envoyé
au pays de notre naissance, le privant de
la prédication de sa pure parole. Tu cs-
tois bien petite, ma fdle, quand ces maux
ont accablé et nous et nos pauvres frères,
et tu ne te souvien que fort peu d'avoir
vu ce royaume 1 .
Georges-Guillaume de Brunswiek-Zell qui l'avait
remarquée à la cour du landgrave de Hesse, où
elle avait accompagné Emilie de Hesse, femme
de Henri-Charles de la Trémouille. Elle devint
ainsi duchesse de Zell (ou Celle), petite ville au
nord de Hanovre dont le château restauré se trou-
va bientôt le centre d'une cour brillante et un asile
pour les réfugiés huguenots. La fdle d'Eléonore,
Sophie-Dorothée, épousa en décembre 1682 le
prince Georges-Louis de Hanovre. Son petit-iils
Georges-Auguste fut le roi d'Angleterre Georges II,
et sa petite-fdle devint, en 1706, princesse royale
de Prusse et mère du grand Frédéric.
i Marie Migault étant née le 16 juillet 1678, n'a-
vait que sept ans lorsque l'édit de Nantes fut ré-
voqué.
49
Si tu lis une l'ois l'an colle copie que je
fenvoye, comme je t'y exorte et ainsi que
j'ai exorté tes frères et sœurs de la lire
aussi, tu comprendras, je croi, que nos
péchés estoient parvenus au comble, puis
qu'ils ont attirez sur nous un si rude châ-
timent. Admire cette bonté de Dieu en
général pour toute notre famille, ma fille,
de nous en avoir retirez, et pour toi en
particulier, et te souvien que de toutes tes
sœurs tu est celle qui te trouve la plus
heureuse et la mieux partagée ; n'oublie
pas en quel état tu t'est trouvée, soit à
Amsterdam ou à Groningue, et, en le com-
parant à celui où tu te trouve mainte-
nant, que ces reficelions te fassent pencer
à élever ton cœur à Dieu fort souvent
pour lui témoigner tes actions de grâces
et tes reconnoissances, non seulement pour
t'avoir ôté de la peine, mais pour l'avoir
pourvu d'une place honorable dans une
des premières maisons de l'Europe et
sous une aussi bonne et vertueuse dame
qu'est Mme la marquise de la Roche,
ta bonne maîtresse.
Je ne te parle point de la petitesse de
notre famille et ce à quoi mes enfans
— 50 —
eussent pu être employez et occupez si
nous avions demeuré en France ; tu ver-
ras ce que nous étions en lisant mon
Journal. C'est pour quoi, ma fille, je te
fais ici de fortes exortations de ne te
laisser jamais surprendre à la mondanité,
à l'orgeuil et à la vanité : ce sont semences
que le Démon a apportée en la terre pour
perdre les hommes. Au contraire, sois
humble, modeste, charitable et bienfaisan-
te à tous. Ménage toi de telle manière que
Dieu en soit glorifié, ton prochain édifié,
et mes vieux jours rendus plus joieux.
Sois soigneuse de ton devoir envers Mada-
me ta maîtresse et assidue à lire la Sainte
Parole de Dieu pour en profiter. Tu as du
tems pour cela, ma fille ; ne le néglige
pas. Plus Dieu nous fait de grâces, et
plus de conte nous avons à lui rendre.
Votre mère étoit un exemple de piété ;
fais en sorte de suivre ses traces, et Dieu
te bénira. Aime tes frères et sœurs, et te
fais aimer d'eux. Prie Dieu pour nous
tous, et pour moi en particulier qui suis
incommodé depuis dix-huit mois, et re-
çois pour une marque de ma tendre ami-
tiez cette lettre et cette copie, que je t'ay
51
faite avec peine, en t'avertissant que je
n'ay écrit mon Journal que pour mes
enfans, et je suis bien aise que personne
d'autres ne le voye point.
Je ne sçai s'il me reste plus guère de
teins à finir ma course, mais s'il plail à
Dieu me retirer en peu, je vous laisse à
tous votre frère Gabriel 1 pour vous tenir
lieu de père. Ecoutez ses conseils, les
miens vous sont assez connu à tous. Je ne
vous ai jamais prêché que la crainte de
Dieu, l'humilité et la charité, sois par
mes paroles ou par mes lettres, et après
ma mort je vous prêcherai encore la mê-
me chose à toute les fois que vous lirez
mes lettres et mon Journal. Je te recom-
mende aussi ta petite sœur Madelon en
particulier, persuadé que tu l'aime, et que
tu l'aimeras à cause de moi. Assure de
mon très profond respect Mme la mar-
quise de la Roche-Giffard. Je continuerai
toujours à prier Dieu pour la prospérité
et santé de leurs A. S. et pour elle. Ta
mère 2 , tes deux frères qui sont ici et Ma-
i Gabriel était né le 22 juin 1669.
- Il s'agit de la seconde femme de Jean Mi-
gault, Elisabeth Cocuaud, qu'il avait épousée à
— 52 —
delon t'embrassent aussi bien que moi,
qui suis ton meilleur ami et père,
MIGAULT.
A Embden, ce 16 juillet 1702.
Avertissement à mes Enfans
Le peu d'emploi que j'ay eu depuis que
je suis dans cette ville (d'Amsterdam)
m'a donnez lieu de repasser en ma mé-
moire les tems de prospéritez et d'adversi-
tez que j'ai eu en France, et comme on se
souviens plus volontiers d'un petit mal
qui nous a travaillé que d'un nombre de
bénédictions de Dieu qui nous environ-
nent continuellement, ma pensée s'est tour-
Amsterdam le 2 mai 1691, et dont il eut deux en-
fants, Madelaine ou Madelon qui était née le 22
février 1692 et François-Louis, né le 3 février
1694. Ce dernier est sans doute un des deux frè-
res auxquels Migault fait ici allusion. L'autre est
peut-être Olivier, âgé de 19 ans en 1702.
53
née plus volontiers et facilement au sou-
venir des peines que j'ai supportée pen-
dant sepl ou huit ans, qu'à seize ou dix-
huit ans de prospérité que j'ai goûtée du-
rant le vivant et heureuse compagnie
d'Elisabeth Fourcstier, ma très aimée fem-
me, votre bonne mère 1 . C'est pourquoi,
même peu de temps après que Dieu l'eût
retirée en son repos -, je pris un singulier
plaisir d'écrire une partie des peines qu'el-
le avoit eue et souffertes avec moi au com-
mencement de la persécution ouverte
qu'on fit en France contre ceux de notre
religion en l'année 1681.
C'estoit afin que les plus petits de vous
pussent connoitre par cet endroit celle qui
les avoit mis au monde, et qu'ils fissent
réflection (quand Dieu les auroit fait ve-
nir en aagc) sur le reste de sa vie, et
comme elle avoit combatu le bon combat
et parachevé sa course en la crainte de
Dieu.
i Première femme de l'auteur, qu'il avait épou-
sée le 14 janvier 10G3 et dont il eut quatorze en-
fants.
- Elle mourut à Mauzé le 28 février 1G83, après
avoir donné le jour à Olivier, son dernier enfant.
— 54 —
Ce que je me suis proposé d'écrire en
suite, et qui est la continuation du Journal
que j'avois commencé à Mauzé, a été en
vue de faire voir aux quatres aînés de
vous, principalement, et à tous dix en
général, si vous prenez la peine de don-
ner quelque moment à lire cette suite,
combien de traverses et combien de pei-
nes il m'a fallu supporter auparavant que
trouver lieu de sortir de la persécution de
ce désolé royaume, où je me suis trouvé
presqu'enseveli avec tant d'autres qui y
sont encore, et qui y gémissent depuis
longtems. J'ay cru aussi qu'en lisant ces
particularitez de ma sortie de France avec
l'aînée et les quatre plus petits de vous *,
il y auroit ample matière pour vous don-
ner lieu à louer la bonté de Dieu de ce
qu'il nous a choisi seuls d'entre toute nô-
tre parenté, quoique nous ne sommes pas
meilleurs qu'eux, pour nous amener dans
ces heureuses provinces, jouir en pleine
i Anne, née le 19 février 1G64 ; Marie, à la-
quelle cette copie du journal fut destinée ; Eli-
sabeth, René et Olivier, ces trois derniers nés en
1G80 (9 février), 1681 (5 août) et 1G83 (21 fé-
vrier).
— 55 —
liberté de la prédication de sa sainte Pa-
role.
Vous aurez encore un autre sujet de
bénir Dieu de ce qu'il a eu pitié de moi,
m'ayant fait la grâce de me relever de
cette terrible et malheureuse chute où
j'étois tombé 1 , et encore de ce qu'il lui a
plu me faire la grâce, en me dérobant
à la persécution, de pouvoir aussi dérober
et amener avec moi jusques au plus petit
de vous.
Vous y trouverez enfin, chacun à votre
égard, ample sujet d'admirer et bénir la
sage providence de Dieu de ce qu'il s'est
servi de moyens si efficace pour vous faire
sortir, chacun en son tems, de cette horri-
ble persécution et auparavant que vous
l'ayez ressentie.
Et dans cet endroit, je béni le Saint Nom
de Dieu de toutes les grâces qu'il m'a
faites, et pour vous et pour moy. Je vous
exorte aussi, mes chers enfans, d'être re-
connoissans, tous les jours de votre vie,
de la bonté de Dieu, et de lui consacrer et
i Allusion à l'abjuration de sa religion qu'il
avait été forcé de signer.
— 5G —
vos corps et vos esprits, pour le servir et
le glorifier selon sa volonté, en profitant
des châtimens et des coups de verges qu'il
nous a donnez, et vous souvenir que le
mépris de sa sainte Parole a été le princi-
pal objet de sa colère, et le juste sujet de
notre dispersion 1 . Prévenons ses châti-
mens à l'advenir par un sérieux amende-
ment de vie, et vivons en sa crainte pour
mourir un jour en sa grâce. Amen.
MIGAULT.
D'Amsterdam, au mois de septembre
1689.
i C'est un fait digne de remarque qu'au lieu
d'attribuer leurs souffrances uniquement à la
haine de leurs persécuteurs, les victimes de
Louis XIV et de l'Eglise catholique en aient trou-
vé l'origine dans les péchés du peuple protestant.
JOURNAL
DE
Jean MIGAULT
Commencé à Mauzé au mois d'Avril 1083
Mes chers enfans,
Dieu ayant voulu retirer de ce monde
votre bonne mère \ auparavant que la plus
grande partie de vous l'eussiez connue et
même avant que le plus jeune 2 eût ou-
vert les yeux pour considérer aucune cho-
se, puisqu'il fut (venant au monde) la
cause innocente de sa mort, j'ay cru qu'un
jour vous seriez bien aise d'apprendre
une partie des peines qu'elles a eus les
dernières années de sa vie pour vous se-
courir, et d'apprendre en même tems ce
qui nous obligea de quitter notre demeure
i Deux ans auparavant, le 28 février l(î«S3.
- Olivier né Je 21 février lo83.
58
ordinaire de Moullé 1 pour aller nous éta-
blir à Mougon, et comment ensuite nous
fûmes contraints, par les misères qui ac-
cablèrent une grande partie du Poictou,
d'abandonner Mougon pour venir nous
établir dans cette ville de Mauzé, où, par
la grâce de Dieu, nous sommes présente-
ment.
A Moulay (1663-1681)
Je commenceray par vous dire que nous
fûmes joints par mariage le 14 janvier
de l'année 10(53. J'avois dix-huit ans ac-
complis, et votre bonne mère en avoit
dix-neuf.
Dès la première année de notre mariage
nous vinsmes nous établir à Moullé,
paroisse de Fressine 2 , dans une petite
maison que feu mon père avoit acquis peu
i Moulé ou Moulay, vill., com. Fressines. La
maison occupée par Jean Migault, d'après la tra-
dition, et dont nous donnons la vue, a conservé
une cheminée du xxu" siècle. C'est ce qui nous
l'a fait préférer à celle indiquée par D. de Bray,
beaucoup plus moderne.
- Fressines, com., cant. Celles, arr. Melle (Deux-
Sèvres).
Z
O
s
<
59
d'année avant sa mort. Nous y demeurâ-
mes quelques années fort tranquillement
avec ma mère, qui vivoit encore l et qui
nous fut d'un grand secours pour le sou-
tien de notre ménage, ayant, par la béné-
diction de Dieu, beaucoup d'emploi et peu
de conduite, attendu notre âge, pour gou-
verner en toute saison plusieurs pension-
naires et grand nombre d'écoliers, qui
m'estoient envoyez des environs de notre
demeure 2 .
J'eus l'bonneur d'enseigner en public,
comme avoit fait mon père, et je lui suc-
céday en sa profession comme en son peu
d'héritage a .
i Françoise Ingrand, troisième femme de
Louis, père de Jean Migault.
- Parmi ses élèves, Migault comptait un jeune
homme de St-Maixent, Jacques Devilliers, sieur
de Boisbourdet, qu'il donna pour parrain à sa
fdle Elisabeth, le 9 février 1080. En décembre
1087, au moment de sa première tentative d'éva-
sion, il lui confia tous ses papiers. Jacques De-
villiers était alors procureur en l'élection de St-
Maixent ; sa femme s'appelait Esther Guillemcau
(Rens. A. Richard).
•'• Louis Migault était mort aux Touches, pa-
roisse de Thorigné, en septembre 10(52, Agé de
70 ans.
60
J'avois commencé à faire la lecture 1
clans notre Eglise de Mougon - dès son vi-
vant, et il eut le contentement, en mourant,
de me voir honoré de la charge de lecteur
après lui, qui avoit été lecteur, ancien et
scrihe ■"• du Consistoire 4 de cette Eglise,
le cours de quarante ans et plus.
i Dans les Eglises réformées, l'instituteur on
un ancien avaient coutume de lire la parole de
Dieu et les dix commandements avant la prière
et le sermon du pasteur.
- Mougon, com., tant. Celles, arr. Melle (Deux-
Sèvres). La circonscription de l'Eglise, dont le
siège avait d'abord été le village de Gros Bois,
puis le bourg d'Aigonnay, comprenait les parois-
ses de Celles, Cbavagné, Tborigné, Vouillé, Prail-
les, Aigonnay, Mougon, Fressines et Prahecq,
c'est-à-dire la plus grande partie du canton de
Celles et une partie de celui de Prahecq. Le tem-
ple fut démoli en août 1685 : le terrain et le cime-
tière échurent à l'hôpital de Niort.
3 On dirait aujourd'hui secrétaire.
4 On appelait alors Consistoire ce que nous
nommons aujourd'hui Conseil presbytéral, c'est-à-
dire le conseil composé du ou des pasteurs et
des anciens d'une Eglise protestante. Ce consis-
toire siégeait généralement tous les huit jours
après le culte et s'occupait des intérêts spirituels
et matériels de l'Eglise, faisait observer et res-
pecter la discipline, secourait les pauvres, etc.
— Gl —
J'étois Lien foible pour m'aquiter de
l'emploi que j'avoit embrassé, mais Dieu,
par sa bonté, me lit ressentir son secours
en toute sortes de manières, m'ayant lais-
sé ma mère pour soulager la vôtre et moi
aussi pendant le cours des cinq premières
années de notre mariage.
Je ne m'arresteray point à vous descri-
re les particularitez et le nombre d'affai-
res qui nous survinrent pendant le cours
de quinze à dix-sept années que nous de-
meurâmes dans notre maison de Moullé \
mon dessein n'estant que de vous racon-
ter ce qui nous obligea de l'abandonner,
lors que nous y étions logez assez commo-
dément, et après y avoir fait beaucoup de
dépence.
Vous étiez onze vivant dans l'année
1680-, et ce grand nombre d'enfans nous
i Migault fait sans doute allusion aux procès
que le clergé catholique suscitait à ce moment
aux Eglises protestantes, dans le but de les rui-
ner.
- Anne, Jeanne, Jacques, Gabriel, Jean, Philé-
mon, Madeleine, Louis II, (Louis I du nom, était
mort en 1CG5, l'année de sa naissance), Pierre,
Marie et Elisabeth, cette dernière née le 9 fé-
— 62 —
eût étonnez, voyant lever l'orage qui a
éclaté depuis, si la Providence divine ne
nous eût soutenus, et fait connaître à l'un
et à l'autre que quoi qu'il eût falu vous
mettre tous, vos premières années, chez
des nourices (puis que celle qui vous don-
noit la vie ne pouvoit vous y conserver),
notre méiuige et nos petites commoditez
augmentaient de jour en jour. Nous
avions toujours plus, par la seule béné-
diction de Dieu, à la fin de chaque an-
nées que nous n'avions au commencement,
de sorte que nous vivions content sans
porter d'envie à la condition d'autrui.
Avec Pembaras de l'école, j'avois exer-
cé un office de notaire, duquel le seigneur
dudit Mougon 1 m'avoit fait présent dès
l'année 1670 jusques au commencement
vrier 1G80 et Anne, l'aînée, le lî) février 1GG4.
Combien de Français ont aujourd'hui une aussi
nombreuse famille ?
1 Aubin Avice, seigneur de Mougon, époux
d'Artbémise de Nesmond, était mort en 1677. Au
baptême de Françoise Alleau, à Mougon, le 19 fé-
vrier 1G78, Jean Migault signe : « Parain Jean
Migau.lt, no™ ». Reg. de V Eglise réformée de Mou-
gon. (Arcb. départ, des Deux-Sèvres, B. 37).
— 63 —
di' l'année 1081, Sa Majesté ayant, dès la
fin de la précédente, supprimé tons les
officiers de notre religion par une déclara-
tion qui causa une grandi' désertion dans
nos Eglises, aussi bien que grand nombre
d'antres natures ; et l'on n'entendoit par-
ler alors que d'édits et déclarations qui
nous rendoient, pour la pins part, incapa-
bles de gagner notre vie l .
Ce fut une nécessité d'abandonner notre
maison, et nous vismes qu'il étoit teins de
changer de demeure pour pouvoir conti-
nuer notre école.
Messieurs de notre Consistoire m'exortè-
rent d'aller m'establir audit Mongon, et
m'accordèrent soixante livres de gages par
i Migault commet ici une légère erreur. L'arrêt
du Conseil du roi qui ordonnait aux notaires,
procureurs postulans, huissiers et sergens de la
Religion prétendue réformée « de se démettre de
leurs offices en faveur des catholiques... dans six
mois » ... est du 28 juin 1G81. Voy. Edils, décla-
rations et arrêts concernons la H. P. /?. Pa» - is,
Fischbacher, 1885, p. 93. Il se pourrait toute-
fois, car cela arrivait, qu'on eût interdit par anti-
cipation à Migault, d'exercer les fonctions qui
lui avaient été confiées par le seigneur de Mou-
gon.
64
année pour continuer mes fonctions de
lecteur et scribe *, comme j'avois fait les
années précédentes. Nous eûmes de la pei-
ne à nous résoudre, votre bonne mère et
moy, d'aller demeurer à Mougon, ayant
quelques pressentimens de ce qui nous y
devoit arriver. Enfin je m'informais d'un
logis, et comme le curé dudit lieu, qui
n'estoit pas si méchant alors comme il a
été depuis, ouit dire à quelques person-
nes que je cherchois une maison, il me fit
dire qu'il m'en vouloit affermer une qui
étoit à une demoiselle de ses amies. Je pris
cette maison à ferme de lui, et dans le
mois de février, ainsi que je voulois faire
transporter nos meubles audit Mougon, le-
dit curé, non seulement me dit qu'il ne
vouloit pas que j'allasse demeurer dans
cette maison, mais, comme tout furieux,
me fit plusieurs menaces de me ruiner si
j'alois m'établir dans son bourg (c'estoit
son terme). Cela, cependant, ne me rebuta
i Le registre de l'Eglise réformée de Mougon,
dont nous donnons un fac-similé, contient plu-
sieurs actes écrits et signés par J. Migault, « lec-
teur scribe », remplaçant le pasteur.
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à
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«i ^i?M f «NWS
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^
— 65 -
point. Je demanday en suite un logis, qui
pour lois étoit vide, appartenant à M. Ma-
gnen '. l'un de mes amis, lequel me l'ot-
troya, et sans attendre davantage, je vous
y menay tous avec nos meubles et une
douzaine de pensionnaires que nous avions
alors, et ce fut le 13 dudit mois de février
1681 -.
A Mougon (13 février-22 août 1681)
Nous eûmes assez de paix à Mougon
pendant quatre à cinq mois, au bout des-
quels arriva le régiment de cavalerie, qui
i Cet ami de Migault était fermier général de la
terre de Gacougirolle, et la maison dont il était
propriétaire avait été occupée par le pasteur Jean
de la Blachière pendant qu'il était pasteur à
Mougon (1003-1047). Quelques mois plus lard,
Pierre Magnen recueillit Migault et sa femme au
château de Gacougnolle (voy. p. 87). Le
30 janvier 1078, Gabrielle Magnen, veuve de Jean
Butré, fdle de feu Daniel M., s'était mariée au tem-
ple de Mougon, en présence de Moïze M. (Reg. de
l'Eglise réf. de Mougon).
2 Nous n'avons pu retrouver, à Mougon, la mai-
son occupée jadis par Migault ; elle a, sans doute,
été démolie.
00
a ruiné une grande partie des familles de
ceux de notre religion de cette province
de Poitou, et fut logé en divers villes,
bourgs et paroisses autour, et près de
Mougon 1 . On voyoit que les cavaliers
i Le Poitou eut l'honneur de voir appliquer
pour la première fois le système de conversion
par le moyeu des dragons, ou missionnaires bot-
tés, qu'on appela dragonnades, dette province
avait alors pour intendant ou représentant du roi,
Louis de Marillac. Vers la tin de l'année 1680, il
travailla à la conversion des protestants en exi-
geant d'eux seuls les impôts arriérés, puis en les
chargeant de taxes exorbitantes tant pour l'impôt
que pour le logement des gens de guerre. Ceux
qui se convertissaient étaient exemptés de ces
charges. Peu à peu il en arriva à employer la
violence pour hâter les conversions qui tardaient
à se produire. C'est ainsi qu'en 1081 il fut auto-
risé par le ministre de la guerre Louvois (18
mars) à se servir des soldats comme mission-
naires. On voit ici comment ces missionnaires
arrivaient à persuader aux protestants que l'Egli-
se catholique est supérieure à l'Evangile. Le suc-
cès obtenu par les dragonnades en Poitou décida
le gouvernement à les employer peu à peu dans
toute la France (voy. Lièvre, Hist. des prot. du
Poitou, t. II, p. !)5 ss). On trouvera le relevé of-
ficiel de tous les convertis du Poitou, dans un
— 07 —
n'estoienl loge/ que chez ceux de noire
religion, et qu'il n'en partaient qu'après
avoir entièrement ruiné leurs hostes. Ils
ne logeoient du tout point chez les papis-
tes. L'on voyoit tous les jours en grande
troupe ceux qui a voient jusques alors fait
profession de notre religion, aller à la
messe pour être deschargé des cavaliers
qu'on leur donnoit, et ce qui étoit de
plus pitoyable et étonnant c'est que la
pluspart changeoient de religion le jour
de leur arrivée en leur maison, sans avoir
souffert la moindre chose. Je me souvien
qu'un jour, étant au bourg de Fressine, un
seul cavalier, dans moin de deux heures,
fit changer trois des meilleures familles
dudit bourg, y étant seulement venu en
promenade de celui de Vouillé ' où il
étoient logez, présentant à ces pauvres gens
volume de la Bibliothèque de la Société
d'Histoire du Protestantisme Français : Rolle des
Nouveaux convertis à la foy catholique, aposto-
lique et romaine dans les diocèses de Poitiers,
Saintes et la Rochelle, depuis le mois de février
1681, in-4", 22S, 212, 150, et 11) p.
1 Vouillé, cant. Prahecq, arr. Niort (Deux-Sè-
vres).
- 68 —
des morceaux de papier qu'ils disoit être
des billets pour loger chez eux l .
Cette grande facilité à changer de reli-
gion faisoit que ceux à qui Dieu mettoit
au cœur de demeurer termes eu la reli-
gion, voyoient dans peu de jours leur
maison remplie de cavaliers, car quand
l'un changeoit, on envoyoit ses soldats
chez le plus proche de ses voisins, et tou-
jours s'augmentoit le nombre des cavaliers
chez ceux qui s'estoient disposez à tout
perdre plutôt que de changer de religion.
On voyait aussi, pour la plus part du
tems, qu'ils ne délogeoient des parroisses
où ils étoient qu'après qu'ils ne trouvoienl
plus rien chez leurs hostes pour vendre,
car c'étoit la coutume des cavaliers que,
si on ne leur donnoit chaque jour, aux of-
ficiers 15 livres, au lieutenant '9 livres, au
simple cavalier 3 livres et au moindre gou-
jat 30 sous-, ils vendoient meubles, che-
1 On trouver;! un Aperçu de ta Révocation de
l'édit de Nantes en Poitou, dans lequel le Journal
de Migault est d'ailleurs cité, dans un article du
Bull prot. />.. 1905 [LTV], p. 32(5 à 365.
- Le cavalier garnisaire devait se contenter,
suivant les ordonnances, de 20 sols par jour en
— 69 —
vaux, bœufs, brebis et jusques à la moin-
dre guenille qu'ils trouvoient dans la mai-
son.
Ce fut là que plusieurs papistes trou-
vèrent lieu et bonne commoditez de gar-
nir leurs écuries et remplir leurs cham-
bres de beaux et bons meubles à bon
marché. Les cavaliers ne faisoient point
de façon pour vendre leurs marchandises,
mais la livroient au premier qui la vou-
loit acheter, et au prix qu'il en promettoit.
L'on voyoit nos pauvres voisins qui,
après avoir soutenu avec leur bourse les
uns huit, les autres quinze jours et quel-
ques-uns plus, étoient contraints ensuite,
n'ayant plus rien à manger ni pour ven-
dre, de s'en aller et se dérober de nuit
se nourrissant, mais il se faisait toujours, en sus
de sa paye, livrer des victuailles à profusion. Les
chiffres donnés par J. Migault pour la solde des
dragons sont sensiblement plus élevés que ceux
de la Déclaration d'Abraham Papot, son voisin.
Le commissaire de l'intendant, à Vaumoreau, s'é-
tait fait payer trois écus, le capitaine deux, le
maréchal des logis un, et chaque cavalier vingt
sous. Cf. Une dragonnade en Poitou, Bull. prot.
/>., LU [1903], p. 250.
— 70 -
pour éviter la fureur de ces impitoyables.
Plusieurs couchoient dans les bois ou au
pied de quelques hayes, avec leurs petits
enfans, et, ce qui étoil de plus triste, la plus
part fuyoient quand ils n'avoient plus
rien de reste.
Je me souvien qu'environ trois ou qua-
tre jours auparavant leur arrivée dans
notre bourg j'estois allé pour quelqu'affai-
re au logis de la Bessière 1 , et en étant sor-
ti, je rencontray une pauvre femme de
ma connaissance qui fuyoit avec trois pe-
tits enfant dont l'un étoit à la mamelle, et
les deux autres la tenoient par la main.
Je lui demendois en l'arrêtant comme on
a voit l'ail chez elle. A peine cette femme
eut le tems de me dire quatre ou cinq
paroles, tant elle étoit effrayée, et elle pen-
soit, à ce qu'elle me dit, entendre toujours
les cavaliers qui la suivoient. Elle s'échap-
pa pourtant de leurs mains avec ses petits
enfans, et par ses fuittes, divers jours et
i Vill. et châteaiij coin. Vitré (Deux-Sèvres). La
terre de la Bessière appartenait à Claude Gour-
jault, seigneur de la Bessière, de Chàteauneuf et
de la Touché de Bessé, marié en secondes noces
avec Jeanne Doyneau (1C72).
— 71 —
diverses nuils, tantôt dans les bois et tan-
tôt ailleurs, elle se sauva, comme je l'ai
su du depuis.
Première visite des dragons (22 août 1681)
Il y avoit longtems que l'orage gron-
doit sur nous, et il éclata enfin. Ce fut le
mardi 22 jour d'aoust de ladite année 1G81
que la compagnie de cavalerie de M. de la
Brique arriva dans notre parroisse, dans
le moment que nous sortions de notre
temple, sur les dix heures du matin, heure
ordinaire pour la prière. Notre temple
n'étoit que fermé, lors que nous vismes
le cimetière, qui est devant icelui, garni de
cavaliers qui faisoient trembler ceux qui
avoient le meilleur courage.
On envoya d'abord chez nous un maré-
chal des logis avec un billet, lequel pour-
tant ne mis point pied à terre pour lors,
mais nous demanda, à votre bonne mère
et à moi, si nous voulions nous convertir
(c'étoit le mot et l'interrogation ordinaire
que ces convertisseurs faisoient), et après
notre réponce de ne vouloir point elian-
— 72 —
ger de religion, il sortit incontinent de
notre cour.
Nous étions seuls dans notre logis. Nous
vous avions ôté du chemin quelques jours
auparavant. Votre grand'mère, qui vous
gouverne présentement, étoit avec deux
de vous, Jean et Louis au château du
Grand Breuil \ appartenant à M me de la
Bessière -. Anne, Pierre et Elisaheth ; , vous
étiez cachez chez ledit sieur Magnen, au
château de Gascougnolle J . Jaques étoit
i Vill. et château, com. de Deyrançon, cant.
Mauzé (Deux-Sèvres).
- Jeanne Doyneau, .seconde femme de Claude
Gourjault, seigneur de la Bessière et de Château-
neuf, et de la Touche de Bessé. Sa première épou-
se était une sœur consanguine de la duchesse de
Zell. Bull. prot. fr., XXVI, p. 18.
3 Le manuscrit de Brème désigne constamment
cette dernière sous le diminutif d'Yzabeau.
t Com. Vouillé, cant. Prahecq (Deux-Sèvres).
La terre de Gacougnolle appartenait en 1 710 à
Françoise de Montault de Bénac Navaille, veuve
de Charles de Lorraine, duc d'Elheuf, et aupa-
ravant à Suzanne de Baudéan, sa mère. En 1002,
<( M. de Gascougnolles » était ancien de l'Eglise
de Mougon (Bens. H. Gelin). Le château a été dé-
moli vers 1810,
— 73 -
chez la veuve du cousin Abraham ' ; Char-
les, Gabriel, chez M. Jean Collon l'ainé - ;
Jeanneton et Marie chez le cousin Guion-
net ; , dans la ville de Nyort, et Philémon
étoit au grand Port de Périgné 4 , chez
M. Louis Collon. 11 ne nous restoit, de
douze que vous étiez alors, que le petit
René qui n'avoit que dix-sept jours, et
qui étoit chez un de nos voisins papistes
dont la femme le nourissoit et le devoit
nourir sa première année.
i Sans cloute un fils d'Abraham Ingrand, oncle
maternel de J. Migault. Il ne figure pas dans la
généalogie.
- Famille de tanneurs niortais. « Jean Col-
lon l'esné marchand, aagé de soixante-dix-sept
ans ou environ », mourut le 20 octobre 1682. Son
fils Louis Collon, marchand, et son gendre Michel
Pinet, tous deux amis de J. Migault, signèrent
comme témoins. (Arch. départ. Deux-Sèvres, B.
35).
3 Jeanne Guyonnet avait épousé Jacques Fi-
chet, tireur d'étain. Jean Migault fut parrain de
leur fille Marie, le 29 août 1683 à Niort, avec Ma-
rie-Anne Pinet, fille de Jean Pinet, régent, et de
Marie de Beausobre (Arch. Deux-Sèvres, B. 35).
4 Le Grand Port, ferme, com. Vernoux-sur-
Boutonne, cant. Brioux (Deux-Sèvres).
— 74 —
Il n'y avoit qu'un moment que le maré-
chal des logis étoit sorti, lorsque ledit
sieur de la Brique entra chez nous. Il
nous demanda si nous voulions lui payer
ses places chaque jour, nous disant que
nous aurions moins de cavaliers, et sili-
ce que je lui dit que je n'avois point d'ar-
gent, il se promena et visita les chambres
et les écuries, puis il sortit.
Peu de tems après arrivèrent deux cava-
liers avec un billet qu'ils me donnèrent,
et ayant mis leurs chevaux dans l'écurie,
nous commendèrent de leur chercher plus
de choses pour leur dîner que six person-
nes n'en pourroient apprêter dans une
semaine 1 . Et pendant que nous nous occu-
pions à leur apprêter à dîner, deux autres
cavaliers arrivèrent avec un autre billet,
1 Cette consommation démesurée de victuail-
les par les dragons, est attestée par les déclara-
tions de Pierre Boulays, à Baptreau, paroisse de
St-Martin de St-Maixent, d'Abraham Papot, à Vau-
moreau, paroisse de Vouillé, et, sur des points
tout à fait opposés, par la Carie à payer d'une
dragonnade normande, publiée par Louis Lacour,
1857, et par le Mémoire de Dupai, du Dauphiné,
publié par N. Weiss. (Cf. Bull. prot. fr., LU,
[1903], p. 257 et LVI [11)07], p. 415).
75
cl mirent aussi leurs chevaux dans l'écu-
rie. Ceux-ci n'en estoient pas sorti qu'un
autre arriva avec sou billet, qui se plassa
incontinent.
Ce n'etoit pas assez de ces cinq, car
auparavant que ce dernier eût attaché son
cheval, arrivèrent quatre autres cavaliers,
lesquels ne trouvans pas le foin à leur gré,
commencèrent à enchérir sur les jure-
ments et blasphèmes qu'avoient vomis les
premiers, et peu après vinrent dans la
chambre avec les autres. Ils demandoient
des choses impossibles à trouver dans
toute la parroisse, et leur ayant dit que
j'allois chercher quelques personnes pour
aller chercher des provisions audit Nyort,
qui n'étoit éloigné que de deux grandes
lieues, ils me laissèrent sortir du logis.
J'entrois incontinent chez des voisines
papistes ', dont le logis joignoil le nôtre et
se communiquoit par une petite porte au
milieu de la cour. Je trouvois ces dames, et
je leur demandois si elle ne savois point
quelques personnes que je puisse envoyer
i « Mesd. Paris », dit une note du manuscrit
de Brème. Elles tenaient un cabaret. Cf. p. US.
- 70 —
à Nyort chercher des provisions en les
payant de leur peines. Ces dames n'eu-
rent pas le tems de me répondre pour sor-
tir parler à six autres cavaliers, qui
s'arrêtèrent devant leur porte pour de-
mander la mienne. Elles leur montrèrent,
et après cela elles me dirent (c'étoit la
mère et les filles) qu'on avoit résolu de me
ruiner, et que j'en pouvois juger par ce
nombre de quinze cavaliers qu'on envoioit
tout à la fois, et que je ferois bien de ne
me produire point devant eux, et qu'as-
surément ils me traîneroient par force en
tel lieu où peut-être je ne voudrois pas
aller. En peu de paroles elles me firent
comprendre que le curé avoit envie de
me perdre, et qu'au plus il n'y alloit pour
moi que de la perte de mes meubles si je
voulois m'absenter.
Je goûtois leurs raisons, en me ressou-
venans que plusieurs de mes pauvres voi-
sins avoient été traînez par force dans des
églises, et que d'aucuns on faisoit croire
qu'ils avoient changé de religion, quoi-
qu'ils n'y avoient en rien consenti. Je dis
donc à ces dames qu'à la vérité ce grand
nombre de gens impitoyables m'espou-
77
vantois, cl que, si je pouvois avoir votre
bonne mère avec moi, je laisserois de bon
cœur tous mon ménage à la garde de
Dieu et à la discrétion des cavaliers,
mais que je n'avois garde de laisser ma
femme entre leurs mains, de plus qu'el-
le n'estoit pas bien relevée de ces couches,
étant encore fort faible, n'ayant quitté le
lit que dans cette pressante nécessité.
Ces dames me répliquèrent que, si je nie
voulois ôter du chemin des cavaliers et
me cacher à leur vue et ne paroître point
devant eux du tout, elles n'abandonne-
roient point votre bonne mère, et me pro-
mirent et jurèrent de faire en sorte de
leur dérober et la tirer d'entre leurs mains
auparavant que le jour ce passerait, quel-
que chose qui pût leur en arriver.
L'impossibilité que je voyois à pouvoir
soutenir ce coup, et le péril qu'il y avoit
de rester je ne savois pas combien de jours
et combien de nuits avec cette compagnie
de démons, me fit résoudre à prendre un
parti en leur faisant réitérer leurs promes-
ses. Une des filles sortit dans la rue de
derrière du logis, et n'i voyant personnes,
elles me conduisit dans un petit jardin
78
qui leur appartenoit, clos de hautes mu-
railles et qui fermoit eu clef, éloigne de
trois ou quatre cents pas du logis. Je res-
tais là, sous la clef, avec bien de la peine,
ayant laissé votre bonne mère en si mau-
vaise compagnie. J'y fus pourtant depuis
les trois à quatre heures jusques à huit du
soir, et bien que je n'y restois que ce petit
espace de tems, je proteste que jamais an-
née ne m'a semblé plus longue. Je m'ima-
ginois à tous momens entendre votre bon-
ne mère se plaignant de moy, l'ayant
abandonnée dans sa plus grande nécessité.
Je n'avancerois rien aussi en disant qu'el-
le fut presque réduite au dernier soupir
pendant ces quatres à cinq heures ; car
dès que ces satellites connurent que je
m'étois ôté de leur chemin, et craignant
qu'elle n'en fît autant, l'un d'eux la suivit
dans une chambre où elle avoit été avec
beaucoup de peines chercher quelque cho-
se pour les servir, et lui donnant plusieurs
coups de pieds, la ramena dans la chambre
où estaient les autres, et il leur dit qu'il
t'a 11 oit la garder et la faire chauffer 1 . Ils
i Cf. le récit d'un traitement analogue infligé
par les mêmes soldats à Elisabeth Papot, de Vau-
71)
La mirent aussitôt dans un coin de la che-
minée, et ils apportèrent quantité de bois,
et allumèrent un feu qui se faisoit sentir
dès la moitié de la chambre quoiqu'elle
lût fort grande. Ils jettèrent aussi dans ce
l'eu quelques pièces de meubles de bois,
et croyant gagner quelque chose sur elle
par leurs menaces, juroient et blasphé-
moient le nom de Dieu à leur ordinaire,
disant qu'ils la feroient brûler si elle ne
se vouloit convertir. Et quoique ces bour-
reaux la gardoient tour à tour pour la fai-
re' d'autant plus souffrir, cependant ils ne
gagnèrent rien sur son esprit : Dieu la
soutint par sa bonté. Elle fut pourtant si
affaiblie par cette grande chaleur, joint
le peu de force qu'elle avoit auparavant,
qu'elle resta presque sans aucun senti-
ment ni connoissance.
Et quoique ces dames voisines s'em-
ploiassent pour la faire éloigner de ce feu,
elles n'eurent pourtant aucun pouvoir sur
l'esprit de ces misérables, et peut-être y
eût elle expiré si Dieu par sa bonté et
moreau, quelques jours auparavant. Bull. prot. fr.,
LU, [1903], p. 261.
- 80 —
miséricorde ne lui eût envoyé du secours,
et voici comment.
Le vicaire, qui pour lors étoit au dit
Mougon et qui servoit pour le prieur 1
absent, étoit fort de mes amis et honnet
homme. Entendant raconter le grand dé-
sordre qui étoit chez nous, et comme on
traitoit votre bonne mère, fut touché de
compassion, et, quittant toute compagnie,
y vint et parla à ces impitoyables, les pria
et les conjura de la faire pas souffrir da-
vantage, et, pour l'arracher de leurs mains,
il la leur demanda en garde, avec pro-
messe de la convertir et leur remettre
ensuite. Ils lui accordèrent avec bien de
la peine, et, au moment, deux de ces da-
mes la prirent sous les bras et la condui-
1 Le prieuré de St-Jean-Baptiste de Mougon,
de l'ordre de Clunv, était en commande et valait
4.000 livres de revenu. Le prieur en 1G92 se nom-
mait Urbain de Particelle. Les bâtiments appar-
tenaient en 1840 à M. Rondier, juge d'instruction
à Melle. Le terrain de l'ancien temple faisait par-
tie du jardin. II résulte d'un acte du 15 nov. 1670
(minutes du notaire Jousseaume), que le prieur
de Mougon était en procès avec Aubin Avice, sei-
gneur de Mougon et protecteur de Migault.
81
sirent dans une autre chambre pour la
mettre sur un Lit. Et se resouvenants de
la promesse qu'elles m'avoient faite de la
dérober de leurs mains, prièrent ledit
sieur vicaire, nommé M. Billon \ de per-
mettre qu'elle entrât dans une autre cham-
bre pour y être un moment seule, lui re-
montrant qu'elle n'avoit pas sorti de sa
chambre depuis le midi. Il le leur accor-
da, leur disant : « Allez donc avec elle et
la ramené, car j'ay promis à ses messieurs
de ne la point quitter. »
Ces dames, au lieu de la ramener dans
la chambre où ledit sieur Billon les atten-
dent, la sortirent par une petite porte dans
la rue de derrière où je m'estois sauvé, et
à l'instant l'emmenèrent dans leur logis,
et la firent monter avec beaucoup de pei-
nes dans un grenier, et la cachèrent sous
de méchantes bardes et linges sales. Et
1 « Natif de Lyon », dit le manuscrit de Brè-
me. Ge trait d'humanité ne fut sans doute pas du
goût du prieur commandataire, car, trois mois
plus tard, c'est un sieur de Vaulmoreau qui rem-
plit les fonctions de vicaire et traite beaucoup
moins bien Abraham Papot et les siens. (Bull.
prot. />., LU, p. 252).
— 82 —
L'ayant un peu rassurée, elles retournèrent
dans la chambre où ce pauvre monsieur
les attendent, et leur ayant demandé où
elle étoit, elles lui dirent qu'elle s'estoit dé-
robée, et qu'elles ne savoient où elle étoit
allée. Il leur répondit : « Ils sont donc
échappez tous les deux ; Dieu les veuille
conduire ! » et aussitôt après il sortit par
la même porte de derrière, laissant les
cavaliers sans leur dire à Dieu.
Cependant ces blasphémateurs faisoient
un terrible ravage dans la maison, et
ayant remarqué qu'ils n'avoient ni hoste
ni hostesse, ils cherchèrent dans tous le
logis et dans celui de ces dames voisines,
qui, comme j'ay dit, joignait le nôtre. Pour
nous y trouver, ils visitèrent partout, et
même montèrent jusque dans le grenier
où votre bonne mère était cachée. Mais,
par la bonté de Dieu, ils ne remuèrent
point les bardes et linges qui la cachoient.
Jugez en quelle frayeur elle était pour
lors !
Quand ils eurent cherché partout et vu
qu'ils ne trouvaient point, ils s'apaisèrent
un peu, et encore plus, quand, au com-
mencement de la nuit, arriva chez nous
— 83 —
Jean Dillot 1 , lequel avait passe- une par-
tie de l'été à Bois-Martin -, cl ayant appris
que les cavaliers étoient arrive- à Mougon,
quitta son travail, et vint pour nous aider
à les servir. Ils eussent peut être exercé
leur fureur sur cet homme, leur ayant
dit qu'il m'appartenoit, n'eût été qu'il
fut reconnu par quelques-uns de ces ca-
valiers qui avoit auparavant logé audit
Bois-Martin, et lui ayant dit qu'ils ne lui
feroient aucun mal, ils lui tinrent leur pa-
role, car il passa la nuit avec eux, et les
servit, et il leur fournit ce qu'ils deman-
daient.
Le jour étant venu, toute la parroisse
se trouva être changée de religion :: , en
i Ce zélé serviteur ou ami de Migault lui prêta
secours lors de sa tentative malheureuse d'em-
barquement en janviei l(i<S<S, et finit par passer
avec lui en Hollande.
- Ferme, corn, de Fressines.
'■'• Le Bolie des nouveaux convertis depuis le
mois de février 1681, p. 111. relate plus de cinq
cents abjurations à Mougon, parmi lesquelles cel-
les de trois anciens, Jacques Nicolas, laboureur,
Jean Gilbert, meunier, Pierre Panou, et celle d'un
collègue de Migault, Jacques Gay, maître d'école,
âsé de 50 ans
— 84 —
dix-sept ou dix-huit heures, excepté quin-
ze ou vingt familles, lesquelles pour la
plus part avoient t'ait comme nous, acca-
blée de cavaliers le premier jour de leur
arrivée, s'étoicnt ôtées de leur chemin, en
abandonnant leur maison à leur discré-
tion. Les- nôtres furent contraints de des-
loger, et, pour se payer de leurs peines et
avoir de l'argent de leur journée, ils pri-
rent tous nos lits, linges, bardes, vaisselles
et autres choses qu'ils purent porter chez
les voisins, qui achetèrent pour cinq sous
ce qui, à bon marché, en valloit cent.
Toute la compagnie fut contrainte de dé-
loger aussi, et s'en fut dans la parroisse
de Souche 1 , où elle fit les mêmes désor-
dres.
Gacougnolle, Niort, La Rochelle, etc.
Je vous ai dit que ces dames voisines
avoient cachez votre bonne mère dans un
grenier sous de méchantes bardes. Elle
i Com., cant. de Niort (Deux-Sèvres). La mis-
sion bottée eut le même succès qu'à Mougon. Cf.
le Rolle des nouveaux convertis.
85
y demeura jusques à la nuit noire, la-
quelle étant venue, et que les cavaliers
furent un peu de repos et échauffés à
boire, nos voisines montèrent dans ce gre-
nier, et la firent descendre sans faire au-
cun bruit, et la conduisirent, à la faveur
des ténèbres, hors du bourg dans un petit
bois joignant le chemin conduisant de
Mougon à Nyort, lieu où je les avoit
prié de la conduire ; car, étant dans ce
jardin dès environs les quatre heures et
entendant de moment en moment passer
et repasser ces cavaliers le long du che-
min qui y joignit, et qui pour la plus part
s'entretenoit du ravage qu'on faisoit chez
nous, je fus pour en sortir à trois ou qua-
tre fois, mais j'en fus toujours empêché
par ces dames, qui des demie en demie
heures ou plus souvent me venoient voir,
en faisant semblant de chercher des her-
bes. Elles me réitérèrent leur promesse
de ne point abandonner votre bonne mè-
re, ajoutant que, si je me produisois à leur
fureur, j'aurois sujet de m'en repentir.
Enfin Dieu par sa bonté me donna la
patience nécessaire, et je restois sous la
clef, dans de mortelles inquiétudes, jus-
— 86 —
ques près de la nuit, que l'une de ces
dames, Taisant à son ordinaire semblant
de chercher des herbes à son jardin, me
dit en entrant, ce qu'elles avoient fait, et
comment, par le moyeu du dit sieur Bil-
lon, vicaire, elles avoient dérobé votre bon-
ne mère des mains de ses cavaliers. Et
m'ayant demandé ce que je voulois faire
en suite, je les priois de la conduire, à
la faveur de la nuit dans ce petit bois,
où elles raccompagnèrent comme j'ay dit,
tandis que moi, de mon côté, mis peine
en sortant de ce jardin, aussi à la nuit,
de l'aller trouver.
Je sortis du bourg du côté de Thori-
gné \ et fis le tour d'icelui, sans entrer
dedans, crainte d'en trouver dans mon
chemin. Dieu nous conduisit l'un et l'au-
tre, et nous fit la grâce de nous rencon-
trer dans ce bois hors des mains des ca-
valiers. Elle m'y attendoit avec beaucoup
d'impatience et de crainte, et au moment
après nous en partîmes, ayant remercié
nos guides et rendus grâces à Dieu de
notre délivrance.
i Com., cant. Celles (Deux-Sèvres).
— 87 —
Nous nous acheminâmes jusques au
château de Gascougnolle, mais ce fut avec
bien de la peine, attendu la grande l'oi-
blesse de votre bonne mère, joint le mal
qu'elle avoit souffert pendant cette jour-
née.
M. Magnen, qui était fermier de ce
château, eut la bonté de nous recevoir.
C'étoit environ sur les onze heures. Il
nous donna une chambre et un lit, mais
il nous fut impossible de fermer l'œil.
Nous étions trop près de Mougon, et nous
nous imaginions à notre tour d'avoir tou-
jours les cavaliers à nos oreilles. Nous
priâmes donc le dit sieur Magnen de nous
faire conduire à Nyort, qui n'étoit éloigné
de Gascougnolle que de deux petites lieue,
et aussitôt il nous donna son cheval et un
valet, à l'aide desquels nous arrivâmes
audit Nyort au poind du jour.
Nous fûmes chez M lles Monestier \ les-
1 On trouve dans les minutes du notaire Li-
gonnière, à Niort, le 18 février 1G83, « Suzanne
Monestier, veuve de Aubin Girault, éc, sieur de
Fiefdoix et Magdelaine Monestier, fdle majeure ».
Cette dernière, « aagée de 70 ans ou environ »,
mourut le 30 juillet 1083. Jacques Fichet, cousin
— 88 —
quelles nous reçcurent charitablement et
nous donnèrent une chambre où nous
restâmes deux jours, au bout desquels j'y
laissoit votre bonne mère, et delà je fus
visiter votre grande 1 et les deux qu'elle
avoit avec elle au Grand Breuil. Je n'i
restois qu'un jour et je retournois à Nyort,
et le lendemain votre bonne mère retour-
na au dit château de Gascougnolle, et ce
fut là qu'elle apprit le désordre qu'avoient
l'ait chez nous les cavaliers, et comment
ils avoient vendu tous nos meubles.
Deux ou trois jours après elle retourna
audit Mougon, avec Anne, Pierre et Elisa-
beth, et racheta partie de nos meubles.
L'autre partie demeura dans les mains
des acheteurs qui ne s'en voulurent point
défaire, les ayant eu presque pour rien.
J'étois pour lors desnué de toute sorte
de travail et ne sachant à quoi m'em-
ployer. Je pris avec moi Jaques et Ga-
briel, et nous nous en alàmes au Grand
Breuil, et le lendemain nous lûmes à La
de Migault et ami de la défunte, fut témoin aux
obsèques. (Arch. départ. Deux-Sèvres, B. 35).
1 Grand'mère.
— 89 —
Rochelle. Beaucoup de personnes de notre
voisinage, accablé des maux que les cava-
liers leur avoienl faits, firent ce voyage
aussi, et y ayant trouvé des vaisseaux
étrangers, se mirent dedans à sauveté et
s'en lurent, les uns en Holande, les autres
dans PAnglettere, dans l'Irlande et quel-
ques uns dans la Caroline, se délivrant par
ce moyen de la persécution '.
Le voyage que je fis lors à La Rochelle
étoit à même fin ; mais n'ayant aucune
habitude dans ce lieu, je ne trouvois pas
le moyen de sortir du pays, ayant ma
famille en divers endroits. Je retournois
avec les deux aînez de vous au Grand
Breuil, où je restois pendant les vendan-
ges ; après quoi, voyant que les cavaliers
s'étoient un peu éloigné de Mougon et que
votre bonne mère y étoit retournée avec
trois de vous, j'y retournois aussi à la sol-
licitation de quelques amis, qui se flat-
toient aussi bien que moi que les cava-
liers n'i retourneroient plus, y ayant resté
si peu de familles sans changer.
i Voy. sur cet exode, Bull. prot. fr. 1890, p. 57
et ss., et 1905, 341 et ss.
— 90 —
Je fis retourner votre grand-mère à Mou-
gon, et je vous rassemblois tous. Même une
partie de nos pensionnaires, que j'avois
congédié auparavant l'arrivée des cava-
liers, retourna chez nous, et je commançois
à ouvrir mon école, ne pensant pas au
malheur qui étoit proche.
Deuxième visite des dragons.
Fuite de Migault
Notre calme ne dura qu'environ douze
ou quinze jours, au bout desquels la com-
pagnie du sieur de Mal-Fontaine 1 arriva
dans la paroissse de Thorigné joignant la
nôtre. C'étoit au commencement du mois
d'octobre. Le premier logement qu'avoient
souffert les habitants dudit Thorigné n'é-
toit rien en comparaison de ce second. On
ne sauroit guère s'imaginer de sortes de
i Lisez probablement : « de Mortfontaine ».
Du <S au 23 octobre les dragons avaient été can-
tonnés à Baptreau, près de St-Maixent. (Cf. A. Ri-
chard, Poésies de Jean Hubii sur la ruine des Tem-
ples protestants. Poitiers, 1896, in-16, préface).
91
maux que ces pauvres gens ne souffris-
sent pendant tous ce mois. Presque toute
la paroisse, qui est fort grande, étoit de
notre religion, et n'y ayant eu que peu de
personnes qui changèrent au premier loge-
ment, les cavaliers, poussez par le curé '
et autres, firent des maux au delà de ce
qu'ils avoit l'ait ailleurs. Cependant le plus
grand nombre d'habitans eut une cons-
tance admirable. Peu se changèrent, et
beaucoup abandonnèrent leur maisons à
la merci de ces voleurs et à beaucoup de
voisins papistes qui ne valloient pas da-
vantage que les soldats.
Ce second logement de Thorigné et de
beaucoup d'autres parroisses « pour aller
amasser le reste », comme ils disoient,
nous fit croire que nous pourrions les
avoir encore une fois sur les bras. Votre
bonne mère et moi prîmes résolution de
nous ôter tout à fait de Mougon avant leur
arrivée, et a ous enmener tous dans notre
refuge du Grand Breuil, M me de la Bessiè-
re, à qui ce château appartenoit, ayant eu
1 Le curé de Thorigné se nommait Thebaulf
(1G49-1G83), son successeur, Gandouet.
— 92 —
la bonté de m'offrir cet asile à cette se-
conde fois comme à la première. #
Nous résolûmes de partir la nuit du
dernier jour de ce mois d'octobre, et, pour
cet effet, je fus prier un de mes amis n de
me prêter un cheval pour enmener et
porter les plus petits de vous. Cet ami
m'acorda un très bon mullet que je pris
aussitôt, et je m'en allois chez nous à des-
sein de partir la nuit, votre bonne mère
ayant apprêté ses paquets du peu de lin-
ge qui nous restoit, et tous étoit prêt de
bonne heure.
Il est bien vrai de dire que l'homme
propose et que Dieu dispose. La Provi-
dence n'avoit pas permis que nous em-
portassions davantage à cette seconde fois
qu'à la première, puis qu'environ midi
du dit jour, la compagnie des cavaliers
qui étoit à Thorigné arriva à Mougon. Et
comme j'étois la principale adversion du
curé qui les conduisoit, et qu'il n'i avoit
en tout le bourg que MM. de la Chabossiè-
1 « M. de Veyré », dit le manuscrit de Brème.
Sans doute Vairé, château, cotn. Exireuil, cant.
St-Maixent.
— 93 —
re-Senné 1 et de la Morinière-Fradin 2
«qui lussent des noires, votre bonne mère,
étant accompagnée seulement des deux ou
trois plus petit de vous, apperçut grand
nombre de cavaliers à chacune des deux
portes de la cour de notre logis, qui sor-
tait comme j'ay dit en deux diverses rues,
et, toute effrayée de leur bruit, ne put se
précautioner d'autre chose que de pren-
dre Marie et Elisabeth sous ses bras et
gagner cette petite porte qui, de notre lo-
gis, entre dans celui de nos voisines papis-
te, laissant tout notre ménage une seconde
fois entre les mains de ces bons ménagers.
Ces voisines ayant vu votre bonne mère
et ces deux petits tous effrayez, regardè-
rent dans les rues et virent le grand noni-
1 David Sonné, praticien, est témoin à Mougon,
le 2!) août 1G77, à l'enterrement de Guillaume
Massé, chirurgien. (Reg. réf. de Mougon. Arch.
Deux-Sèvres. B. 37).
2 Jean Fradin, sieur de la Morinière, est té-
moin du mariage de François Gibault et de Fran-
çoise de Salle, à Mougon, le 12 mai 1677. Loc.'cit.
Un Fradin, de Mougon, figure sur la liste des per-
sécutés de 1(581 donnée par Benoisl dans son His-
toire de l'Edit de Nantes.
94
bre de cavaliers qui étoieni à nos deux
portes, et ainsi qu'à la première fois la
tirent cacher dans une petite chambre
haute, et la couvrirent comme à la pre-
mière fois de linge sale et autres hardes.
Ces deux petits, quoique fâcheux à l'ordi-
naire, restèrent pourtant plus de trois heu-
res sans crier, et c'étoit bon besoin de faire
silence, car les cavaliers, assisté du curé,
ayant cherché dans toutes les chambres de
notre logis et n'y ayant trouvé personne, se
firent ouvrir les portes des chambres du
logis de ces dames où ils cherchèrent
longtemps, même dans la chambre où
votre bonne mère étoit cachée. Ils ne firent
pourtant qu'i entrer et sortir sans toucher
à aucune chose. Après quoi ils retournè-
rent chez nous, et y trouvèrent Pierre ]
qui, en pleurant, cherchoit et demandoit
sa mère. L'un de ses misérables prit se
petit enfant qui n'avoit lors que quatre
ans, et le jetta d'un bout de la chambre
à l'autre. Il n'en fut incommodé que fort
peu, et la peur qu'il eut le fit sortir de la
maison incontinent qu'il fut relevé et
i « Pierrot », dit le manuscrit de Brème.
— 95 —
s'aller cacher dans le jardin de notre logis,
sous les allées de bouys qui y sont. II y
eut passé la nuit si une femme du voisi-
nage, qui l'y vit cacher, ne l'eût été pren-
dre pour le mener coucher chez elle.
Pendant cette arrivée, votre grand mère
avoit été porter du bois au four, et elle
n'avoit qu'achevé de pétrir. Cette pauvre
femme, retournant dudit four et voyant
notre maison pleine de cavaliers n'osa s'i
produire, mais se cacha chez des voisi-
nes, d'où elle trouva moyen de recueillir
à soi, dès le même soir, trois ou quatre
de vous qui vous étiez ôtez de leur che-
min. Ils trouvèrent, comme j'ay dit, notre
ménage tout à paquet. Ils visitèrent tout
et prirent pour eux le linge dont ils
avoient besoin. Le reste, avec nos lits,
vaisselles, poisleries et habits, ils le portè-
rent la plus grande partie chez le nommé
la Fontaine-Banlier \ nouveaux papiste,
qui acheta le tout pour du vin qu'ils bû-
i On trouve sur le Bolle des nouveaux convertis
à Mou go n, René Banlier, 22 ans, et Marianne Ban-
lier, 15 ans, fils et fille de feu Rolland Banlier,
sergent.
— 96 —
rent en rompant et brisant nos meubles
de bois.
Quand ils eurent tous vendu, ils sor-
tirent du logis excepté deux, lesquels
incité par le curé, envoyèrent chez un
maréchal et s'estant fait apporter des
mails ou gros marteaux de fer brisèrent
avec ces outils tous nos meubles de bois,
sans en excepter une seule pièce, de ma-
nière que rien n'a servi en suite qu'à
mettre au feu. Ils firent ôter la paste de
la met t pour la porter au four et en avoir
du pain pour leur souper, et en suite étant
vuide, ils la mirent en plus de cent pièces.
Nos coffres, armoires, tables et sept
grands châlits ne furent pas mieux traitez.
Le curé, plein de rage, pour m'enpêcher de
retourner une seconde fois dans ce logis,
obligea ces cavaliers de rompre les portes
et les fenêtres 2 d'icelui ; et, de fait, dans
cette même nuit, après avoir achevé de
briser tous nos meubles, ils mirent en piè-
i Huche, en patois poitevin.
- Un autre procédé, pour empêcher les protes-
tants endurcis de rentrer dans leur logis, consis-
tait à mettre la toiture à découvert, en enlevant
les tuiles. Bull. prot. />., LU, p. 205.
— 97
ces toutes les portes el fenêtres de celle
maison au nombre de plus de trente-cinq.
Un beau cabinet ', qui étoit dans le retran-
chement d'une des chambres hautes et qui
étoit autrefois l'estude de l'eu M. de la Bla-
chière, ministre de ce lieu 2 , et auquel le
logis appartenoit alors, ne fut non plus
épargné, mais rompu et entièrement brisé.
De sorte que cette pauvre maison resta
désolée et ouverte de tous cotez près de
trois ou quatre mois, et depuis n'a pu ser-
vir qu'après y avoir fait refaire à neuf des
portes et fenêtres, et employé au moins
quarante à cinquante écus de réparation.
Pendant le commencement de ce débris,
votre bonne mère étoit dans cette cham-
bre, et entendoit aisément les coups de
mails et les blasphèmes que ces malheu-
reux desgorgeoient, n'i ayant que la mu-
raille entre deux. Mais quand ce fut le
commencement de la nuit, et qu'elle vou-
lut sortir avec ces deux petits enfans
qu'elle avoit avec elle, il falut descendre
i Bahut.
- Jean de la Blachière, pasteur de Mougon } de
1G03 a 1647.
98
par la fenêtre de cette chambre, regardant
dans la rue pour n'estre point exposée à
la vue des dits cavaliers et d'autres per-
sonnes qui étoient continuellement dans
ce logis, attendu que c'étoit un cabaret,
et ayant eu de l'aide pour descendre par
cette fenêtre ] , on lui donna par iceilc ses
deux pctis, c'est-à-dire qu'à cause qu'elle
est assez haute, on les laissa tomber du
haut entre ses bras, et, par bonté de Dieu,
ils ne se firent aucun mal. Et s'estant ainsi
échappée dudit logis et de la vue des ca-
valiers, elle s'en alla avec ses deux en-
fans 2 chez la nourice du plus petit qui
n'estoit âgé que de deux mois et vingt-
cinq jours.
Cet enfant étoit malade depuis huit
jours, et quoi que sa nourice le trouvât
fort mal, votre bonne mère ne put lui
donner de tems que pour le baiser et le
recommender à Dieu et au soin de sa
nourice. Puis elle se rendit au logis de
i « S'estant fait dévaler », dit le manuscrit de
Brème.
2 « Marie et Izabean », dit le manuscrit de
Brème.
— 90 —
M. Champion ', notre pasteur, pour y cher-
cher de mes nouvelles, n'eu sachant point
de toute la journée ; car, comme j'ay dit,
dès le matin j'avois été cherché quelque
montures pour nous servir en la retraite
que nous avions résolu ce même soir à
la nuit.
J'arrivois à Mougon fort tard, et dès
l'entrée du bourg, étant accompagné de
Dillot, qui venoit pour nous conduire sans
avoir rien appris de l'arrivée des cava-
liers, j'en rencontrois un qui étoit occu-
pé à abruver son cheval, lequel en blas-
phémant ainsi que je passois près de lui,
me demanda si j'étois catholique, et sur
ma réponce qu' c< oui, par la grâce de
Dieu ! », il ne me demanda plus rien, ou
n'eut pas le teins de me suivre ni me
questionner davantage. Le fils de M. de la
Chabossière, qui étoit avec lui, le quitta
et me vint dire à l'oreille ce qu'on avoit
tait chez nous, et m'exorta de n'entrer
1 Jacques Champion, dit Hours, pasteur de
Mcugon, s'expatria à la Révocation (Lièvre, Hist.
des prot. du Poitou, t. III, p. 332), avec Suzanne
Eveillard, sa femme. Il avait succédé à Jean de la
Blachière.
— 100 —
point dans le bourg. Je le crus et ayant
mis pie à terre, je lui donnois ma mon-
ture, et je le priois de la mener chez
M. Champion, son logis étant hors du
bourg, et au moment, accompagné de Dil-
lot, à la faveur de la nuit qui étoit déjà
obscure, me transportai chez la nourice
de notre petit, et j'y apris que votre bonne
mère étoit échappée encore une fois des
mains des cavaliers, et qu'elle ne faisoit
que sortir de cette maison pour aller chez
ledit sieur Champion.
J'exortois cette nourice d'avoir soin de
votre petit frère : je le baisois en le re-
commendant à Dieu. 11 ne vécut après
mon départ que cinq ou six heures, et il
expira environ sur la minuit.
Le lendemain venu, qui étoit le premier
jour de novembre, ce malheureux prêtre x ,
poussant sa rage contre moi jusques au
bout, ayant appris la mort de cette petite
créature, voulut obliger le mari de cette
nourice de jetter aux chiens ce petit corps
mort. Mais cet homme, quoique papiste,
autant chrétien que le prêtre étoit bar-
i Le curé de Thorigné.
— 101 —
bare, n'en voulut rien faire, mais porta
cet innocent cadavre chez le dit sieur
Champion, lequel eut la honte de le faire
enterrer au soir dans les sépultures de
ceux de notre religion, audit Mougon.
Nous n'apprîmes la mort de cet enfant
que quatre jours après, car, comme je
vieil de dire, au sortir de chez cette nou-
rice, j'allois chez M. Champion où je trou-
vois votre bonne mère qui s'i étoit rendue
peu de tems avant moi, avec Marie et
Elisabeth. Elle étoit un peu rassurée de la
peur qu'elle avoit eue. Elle m'exorta de
nous ôter promptement de ce lieu, et aus-
sitôt j'envoyois Dillot dans le bourg avec
un autre homme pour vous chercher, et
vous ayant trouvé, ils laissèrent Louis et
Madelon, avec votre grand mère, chez un
de nos voisins ] qui avoit changé de reli-
gion. Ils ammenèrent avec eux les deux
aînés de vous avec Pierre, et à l'instant
nous partîmes, et cheminâmes toute la
nuit, n'ayant qu'une monture chargée de
quatre personnes, savoir votre bonne mè-
re qui tenoit Elisabeth entre ses bras,
i « J. Moreau », dit le manuscrit de Brème.
— 102 —
Pierre et Marie étoient chacun dans une
basse 1 , dont je m'estois fourni à cet effet :
les deux aînées et moi étions à pié.
Nous vînmes nous reposer sur la minuit
dans une métairie - sur le chemin, où de-
meuroit un de mes amis :! , et après un mo-
ment de sommeil pour les petits, nous
continuâmes notre chemin jusques audit
château du Grand Breuil, auquel lieu nous
recueillîmes notre famille, et ce fut à di-
verses fois. Dillot vous amena les uns
après les autres, et votre grand mère aussi,
de sorte que, par la grâce de Dieu, toute
notre grande famille fut sauvée de la
main de ces barbares.
Gabriel fut le dernier à se rendre ',
ayant demeuré cachez chez la dite dame
de la Bessière 3 pendant cinq ou six semai-
i Petite cuve en bois servant à transporter la
vendange au pressoir, à dos de cheval.
- « Joignant le grand chemin, appelée la Croix
Naslin », dit le manuscrit de Brème. C'est la
ferme de la Croix-Nolin, commune de Prahecq.
3 « Estie[nne] Fouché », dit le manuscrit de
Brème.
J Se rendre, en Poitou, veut dire « revenir ».
5 Sans doute au château même de la Bessière.
103
nos. Et lorsque je l'amenois, les eaux
étoient fort grande 1 au dessous du bourg
de Pré ', et étant en croupe derrière moi,
il se laissa glisser en bas au milieu de
cette grande eau, et se trouvant à terre
dans l'eau jusques par dessus les genoux
et ne pouvant remonter, il fallut qu'il che-
minât au travers de cette rivière desbor-
dée plus de deux cent pas, se tenant et
supportant à la queue et au harnois de
mon cheval. Il n'eut pourtant autre mal
que celui d'être tombé dans l'eau et tout
mouillé -.
Au Grand Breuil
Il ne se passoit point de semaines que
nous n'ussions des nouvelles de Mougon
i Praliecq, chef-lieu cant., arr. Niort. Pré est la
prononciation patoise. La fosse de Paix, tout près
du bourg, est encore sujette à des débordements
subits qui submergent la route.
- « Toute notre grande famille fut cette se-
conde fois, comme la première, sauvée des mains
des cavaliers, et nous eusmes de nouvelles grâ-
ces à rendre à Dieu pour notre délivrance, »
ajoute le manuscrit de Brème.
104
et des environs dudit lien par des per-
sonnes qui fuyoient comme nous avions
fait \ et on continnoit toujours les cruau-
tés accoutumées. On ne parloit plus guère
de logemens. Les cavaliers alloit sans bil-
let chez les personnes qui avoient demeu-
ré fermes dans notre religion ; ils y pre-
noient et voloient tout ce qu'ils rencon-
troient. Plusieurs papistes, et même des
nouveaux, achetoient des cavaliers, divers
meubles pour cinquante à soixante sou qui
étoient de valeur de cinquante à soixante
livres. Quelques un en achetèrent de ces
bons marchands de valleur de 20 à 30 li-
vres pour deux pièces de trois sou et demi.
Cet article se prouve par les meubles que
les cavaliers prirent dans notre maison,
car ayant pris quelques linges pour eux,
ils portèrent le reste chez le dit Banlier
qui ne leur donna pour leur payement
que deux pintes de vin.
Quant j'apris que nos meubles avoient
été porté chez cet homme, je ne les crus
i « Et nous sachans réfugiez dans ce châ-
teau, ils nous y venoient voir, » ajoute le manus-
crit de Brème.
105
pas perdu, attendu que j'avois eu sa fille
ainée en pension, et qu'il m'en devoit en-
core le payement. Mais j'en fus désabusé
dès la première fois que je retournois au-
dit Mougon, car ayant été chez lui et lui
ayant parlé, je reconnus par ses raisons
que non seulement nos meubles étoient
perdus, mais aussi l'argent qu'il me devoit
pour l'école de sa fille. Ce misérable ne
voulut jamais m'en rendre une seule piè-
ce. Sa femme et ses filles ont porté à la
vue de tout le voisinage les linges et au-
tre choses comme habits, chemises et coif-
fures qui servoient à votre bonne mère
et aux deux aînées de vous. Les deux pin-
tes de vin qu'ils donna aux cavaliers, qui
brisèrent nos meubles de bois, lui valu-
rent bien quarante à cinquante livres au
moin.
Quelqu'autre voisins en attrapa quel-
que pièce. Je ne les veux point nom-
mer : ce qu'ils ont eu de cette manière ne
leur servira guère longtems. Et quoi que
nous sortîmes de Mougon de la manière
que je vien de raconter, nous eûmes tous
sujet de louer Dieu de sa bonté, car tous
ce qui étoit nécessaire à l'entretien de
— 106 —
cette vie ne nous manqua point. Nous
trouvâmes audit château du Grand Rreuil
de quoi nous subvenir. Il y avoit quantité
de blé, de vin et de bois apartenant à
M me de la Bessière, qui avoit fait faire la
récolte de celte maison, n'i ayant point de
fermier pour lors. Cette charitable dame
ayant appris que j'y étoit réfugiez pour
une seconde fois avec toute ma famille,
m'envoya les clefs de ses greniers et de ses
celliers, pour disposer de tous selon nos
besoins.
Le mois de novembre se passa dans le
milieu Poictou comme avoit fait les pré-
cédent, savoir en continuelles vollerics et
pilleries sur le pauvre peuple de notre
religion. Au commencement de décembre,
ses furieuses troupes s'apprètoient pour
aller piller et ravager le bas Poictou,
comme elles avoient ravagé et pillé le
haut et le milieu pendant plusieurs mois ;
mais elles en furent empêchées 1 . Sa Ma-
1 L'évêque de Luçon, Henri de Barillon, mani-
festa ses regrets de celte retraite des troupes
dans sa Confession : « Lorsque les conversions
s'allaient répandre dans mon diocèse, les choses
ont changé et on a rappelé les troupes. J'appré-
— 107 —
jeslé leur commanda d'en sortir, et elles
se retirèrent tous d'un coup \ au grand
regret de ceux qui n'avoient pas achevé
de remplir leurs maisons de nos dépouil-
les.
Sur la fin du mois de décembre, nous
commençâmes encore à penser de retour-
ner dans notre pauvre province, ne pou-
vant demeurer davantage dans ce château
où nous n'avions aucune occupation. Ce-
pendant nous avions beaucoup de répu-
gnance pour retourner à Mougon, attendu
les maux et peines que nous y avions
souffertes pendant neuf mois que nous y
avions demeuré.
Dans ce teins, messieurs du Consistoire
de ce lieu (de Mauzé -) me tirent l'hon-
hende d'y avoir contribué par précipitation, in-
quiétude et présomption, et d'avoir été cause par
mes péchés que cette bénédiction ne se répandit
dans mon diocèse. » Manuscrits de D. Fonteneau,
t. XIV et LXY, cité par Lièvre. Hisl. des prot. du
Poitou, t. II, p. 120.
1 « Et de là s'en allèrent dans la ville de Ber-
gerac », dit le manuscrit de Brème.
2 Mauzé-sur-le-Mignon, chef-lieu cant., arr.
Niort (Deux-Sèvres). Son Eglise ne s'est pas rele-
108
neur de me demander si je voulois m'y
établir pour enseigner les enfans de ceux
de notre religion, n'i ayant pour lors au-
cun maître d'école de notre communion,
celui qui enseignoit auparavant avoit
changé de religion ] quelque mois pre-
mier, et pendant la persécution qu'avoit
fait à Mauzé le sieur de Demuin -, inten-
dant de Rochefort et d'Aunix.
vée depuis la Révocation. On conserve à la bi-
bibliothèque Marsh, de Dublin, le journal manus-
crit des dragonnades à Mauzé, adressé par les
membres du consistoire, au mois de septembre
1681, à de Ruvigny, député général des Eglises ré-
formées. Les pièces concernant la démolition du
temple (1685-1086) sont aux Archives Nationa-
les, TT. 252.
1 II se nommait Barbolin, et se lit l'instrument
du curé de Mauzé pour empêcher J. Migault de
continuer à enseigner. (Cf. p. 122). Il faut sans
doute lire « quelques mois auparavant ».
- Honoré Lucas de Demuin, intendant d'Aunis
de 1674 à 1684. Le pamphlet intitulé les Héros de
la Ligue (Paris, 1686), lui a donné place dans sa
galerie des vingt-quatre ennemis les plus achar-
nés du protestantisme. (Bull. prot. fr., XXXIX,
p. 62). On trouvera le récit de ses exploits à Mau-
zé dans Tessereau, Histoire des réformés de In
Rochelle, p. 162 et 163.
109 —
Nous eûmes beaucoup de peine à nous
déterminer à venir nous établir dans celle
ville, car, quoi que nous n'eussions que
peu ou point d'envie de retourner dans
ce désolé bourg de Mougon, néanmoins
l'amour qui m'étoit porté et que je por-
tois à quantité de personnes qui, malgré
les violences des cavaliers et des prêtres,
a voient restez de notre religion dans
l'étendue de l'Eglise de Mougon et les-
quels, après le départ des troupes, s'é-
toient remises et retournées dans leurs
maisons, joint l'honneur que j'avois eu dès
mon bas âge de faire la lecture, les écri-
tures nécessaires pour l'enregistrement
des bastèmes, mariages et enterremens \
et de conduire l'air des pseaumes le court
de vingt ans entiers dans cette Eglise,
nous faisoit pencher l'un et l'autre pour
nôtre retour, attendu aussi que nous
n'avions dans cette ville que fort peu de
connaissance.
1 L'unique registre de l'Eglise réformée de
Mougon conservé aux Archives départ, des Deux-
Sèvres, B. 37, et qui va du 28 mars 1077 au 2!)
avril 1()7<S, est, nous l'avons dit, en partie écrit
de la main de J. Migault,
— 110 —
Je peux seulement nommer MM. Pier-
re Burjaud 1 et Jean Jousseaume, sieur
de la Revestizon -, desquels j'avois eu
leurs enfans en pension à Mougon et à
Moullé quelques années auparavant. Ces
messieurs nous aidèrent beaucoup à nous
déterminer à venir nous établir ici, et ac-
cepter l'honneur et l'offre qu'on me fai-
soit pour mon établissement. De sorte
qu'ayant demandé à Dieu de nous con-
duire et adresser par sa sage providence,
nous primes enfin la résolution de nous
établir dans ce lieu, et nous ne restâmes
au Grand Breuil que trois mois entier,
au bout desquels nous vinsmes avec toute
notre famillle occuper une maison appar-
i Pierre et Jean Burjault, nouveaux convertis,
lurent condamnés à l'amende honorable et au
bannissement, le !) septembre 1082, pour être re-
tournés au temple de Mauzé. (Arch. Nat., TT. 252).
2 Dans le procès qui aboutit à la démoli-
tion du temple de Mauzé, on trouve Jacques Jous-
seaume, marchand à Mauzé, nouveau converti et
relaps, c'est-à-dire revenu au protestantisme.
(Arch. Nat., TT. 252). La Revètison est un hameau
voisin de Mauzé, com. St-Pierre-d'Amilly (Char.-
Inf.).
— 111 —
tenant à M. de Ranques \ et laquelle s'ap-
pelloit le Breuil de Mauzé 2 , et ce fut le
dernier jour de janvier HïK2.
A Mauzé (31 janvier 1682)
Mort d'Elisabeth Fourestier,
première femme de Migault
Dès la première semaine de notre éta-
blissement, nous eûmes des écoliers, et,
peu de jour après, nos pensionaires, que
j'avois été obligé de congédier, retournè-
i Trois membres de la famille de Ranques fai-
saient partie en 1681 du consistoire de Mauzé :
Henri, Hector-Henri et Victor. Outre le fief du
Breuil-en-Mauzé, ils étaient seigneurs de Grange
et de Prin.
- Cette maison a servi depuis de caserne de
gendarmerie. C'était le siège du fief noble du
Breuil-Barabin-en-Mauzé, qui comprenait la par-
tie de la ville située au midi et à l'ouest des bal-
les, et appartenait depuis plusieurs siècles à la
famille de Ranques. Les jardins et dépendances
de la maison touchaient aux fossés de la ville,
ce qui explique comment Migault put échapper
aux dragons par cette voie détournée. Cf. p. lit.
— 112 —
rent continuer leur école. Enfin nous eû-
mes de quoi nous employer doucement,
sans avoir lieu de regretter le bourg de
Mougon. Dieu nous fit la grâce d'être aimé
de tout ce qu'il y avoit d'honnête gens
dans cette petite ville, notre travail étoit
suffisant pour gagner de quoi nous entre-
tenir avec notre grande famille, et nous
avions tous sujet d'estre content.
La prospérité nous accompagna jus-
qu'au bout de la course de votre bonne
mère. Elle avoit eu beaucoup de peine
pendant ses dernières années, mais Dieu
voulut l'en délivrer et la retirer à lui.
Ce fut le 28 et dernier jour de février,
un dimanche à midi, de l'an 1683 qu'elle
rendit son âme à Dieu. Elle avoit mis au
monde le petit Olivier le 21 du même
mois, qui étoit le dimanche précédant.
Elle s'accoucha et se délivra fort heureu-
sement, mais, vingt et quatre heures après,
elle fut saisie d'une violente fièvre qui ne
l'abandonna qu'avec la vie. Pendant cette
triste semaine, elle fut la plus part du
tems dans de grands assoupissement. Je
me tenoit le plus souvent à son chevet, et
lors quelle se réveilloit, elle me prenoit et
■s
-
<
— 113 —
me serroit une de mes mains que je lui
donnois.
Le second jour de sa fièvre, me tenu ut
une de mes mains dans la sienne et me
la serrant, je lui demandoit si elle me
voulois dire quelque chose. Elle me ré-
pondit : « Je me meurs, mon cher ami,
ayez soin de nos enfans. » Ce fut tous
pour l'heure. Une autre fois je lui demen-
dois si elle ne souhaitois point voir son
petit enfans. Elle me répondit : « Appor-
tez le moi ici. » Je lui apporlay incon-
tinent, et en tirant ses foihles mains du
lit, elle le prit et le regarda un peu, et
puis dit : « Dieu te veuille bénir, mon
petit enfant », et me le redonna inconti-
nent. Elle me dil plusieurs choses pour
me consoler quand elle m'entendoit sou-
pirer. Son espérance fut si ferme en la
miséricorde de Dieu qu'elle consoloit tous
ceux qui lui parloient.
M. de la Forest ', notre très honoré pas-
i Louis de la Forest, sieur de Puycouvert, mi-
nistre de Mauzé en 1081, présida le synode pro-
vincial de Saintonge à Barbezieux en 1682. Il
était parent d'Eléonore d'Olbreuse, duchesse de
Zell, et beau-frère, par sa sœur Claude de la Fo-
rest, du pasteur Second de Chauffepié.
— 114 —
tciir et M" 1 " de la Forest 1 aussi la visitè-
rent fort souvent. Ces charitables person-
nes ne l'abandonnèrent point que Dieu
n'eût accompli son œuvre en elle la reti-
rant du monde.
Il m'est impossible de vous descrire les
circonstances de cette courte maladie et
de cette triste mort et séparation. Mes
yeux et mon cœur ne me peuvent souffrir
de plume pour cela. Je m'arrèterois en
cet endroit, mes chers enfans, en vous
disant que vous êtes enfans d'une mère
qui avoit la crainte de Dieu, ayant sur
toute chose aimé la lecture de la sainte
Parole, même dès la plus tendre jeunesse.
Elle aimoit aussi en particuliers l'Histoire
des martirs -, et donnoit à cette lecture ses
heures de loisir comme aussi à la lecture
des Consolations de l'âme fidelle contre les
frayeurs de la mort '■'■. Nos pseaumes lui
1 Ces deux sœurs du ministre habitaient en-
semble à Mauzé. L'aînée portait le titre de M" e de
Puycouvert, la cadette, celui de M"" de la Ver-
gnais. (Journal d'Anne de Chauffepié. Bull. prot.
fr., VI, p. GO).
■' Par Jean Crespin.
:; Par Charles Drelin court.
— 115 —
tenoient aussi fort au cœur. Je lui en avoit
appris les airs la seconde année de noire
mariage. Elle les avoit, dis-je, si forte-
ment en esprit que souvent, môme en dor-
mant la nuit, elle en chantoit quelque
ligne et quelque fois des couplets tous
entiers. Je me souvien que la seconde ou
troisième nuit de sa maladie mortelle,
étant accablée de sa violente fièvre et en
un profond "assoupissement, j'ouïs qu'elle
chantoit assé intelligiblement d'une voix
mourante ces trois à quatres lignes du
Pseaume 17 :
C'est le Dieu très haut
Que craindre il nous faut,
Le grand Roi qui fait
Sentir
Elle s'arrêta en cet endroit, et quand
je vis qu'elle en demeuroit là, je l'éveil-
loit et lui dit en pleurant de continuer.
Elle me demanda : « Que voulez-vous,
mon ami ? » Je lui dit : « Tu chantois
tout à l'heure, ma chère femme, et tu n'as
pas achevé le verset. » Elle me fit répé-
ter ce qu'elle avoit chanté, et, après un
petit souris, se rassoupit.
— 116 —
Imitez, mes chers enfans, ces belles ver-
tus, lesquelles je ne vous peux assez exor-
ter d'avoir devant les yeux, et vous sou-
venez toujours que, pour mourir en la
grâce de Dieu un jour, il faut que vous
viviez en sa crainte. C'est ce que vous
souhaite à tous, du profond de son cœur,
votre père et meilleur ami,
MIGAULT.
De Mauzé, au mois d'avril 1083.
SUITE DU JOURNAL
de
Jean MIGÀULT
En faveur de ses Enfans
Si la Providence de Dieu nous avoit
laissé jouir de la liberté de nos exercices
au lieu de Mauzé, peut être que cet écrit
auroit été parachevé comme il est ci-des-
sus. Mais puis que sa bonté et sa sagesse
adorable, en continuant ses soins pour
le salut de notre pauvre famille, en a
autrement disposé, nous ayant apporté
comme dans sa main les uns et les autres
pour nous faire jouir en pleine liberté de
la prédication de sa sainte Parole, nous
retirant du profond abîme de maux qui
a continué et qui continue encore dans le
royaume de France, le roy ayant révoqué
l'édit de Nantes et par conséquent interdit
l'exercice de notre religion, j'ay voulu et
— 118 —
trouvé à propos, mes chers enfans, de vous
laisser par écrits une partie des choses qui
ont fait mes malheurs, mes peines et mes
misères depuis la mort de votre bonne
mère jusques à présent, afin que vous puis-
siez comprendre ensuite combien vous et
moi avons d'actions de grâces à rendre à
ce bon Dieu, qui nous fait ce bien de nous
faire trouver encore jouissans d'une pro-
fonde paix dans cette grande ville (d'Ams-
terdam), après tant d'années de maux et
de malheurs qui ont accablé notre patrie
pendant la cruelle persécution qui a été
exercée contre notre religion.
Et parce qu'il y en a quelques uns de
vous éloigné de moi, et les autres en
partie en bas âge, ceci vous remettra en
mémoire aux uns et aux autres les gran-
des grâces que Dieu nous a faite à tous
en général, et à chacun en particulier, si
vous prenez la peine d'y faire attention et
qu'il plaise à Dieu nous rassembler en ses
miséricordes, soit dans ces heureuses pro-
vinces ou ailleurs.
— 119 —
Mauzé. Nouvelles persécutions
Je commenceray où j'ai fini ci-dessus
en vous disant que la mort de votre bon-
ne mère fut le commencement de mes
peines et le présage de mon malheur.
Dieu la retira en son repos pendant un
petit calme dont nous jouissions alors au
lieu de Mauzé. Sa vie a voit été paisible
avec tous ceux qui la hantoient, et sa
mort fut la fin de la paix que j'ay goûtée
en France.
Environ douze jours après cette triste
séparation, parut une déclaration du Roy 1
qui deffendoit à tous maîtres d'école de
notre religion d'avoir aucuns pensionaires
dans sa maison. Ce coup m'eût été fort
sensible dans un autre teins, attendu que
c'étoit le principal moyen dont Dieu se
i L'arrêt du Conseil d'Etat du 11 janvier 1683
faisait défense « aux ministres de tenir un plus
grand nombre de pensionnaires que celui porté
par l'ait. XI de la Déclaration de 16G9, et aux
maîtres d'école d'en avoir aucuns à peine de mille
livres d'amende, d'interdiction du ministre et de
suppression des dites écoles... » Edits, déclara-
tions et arrests concernons la Religion P. Réfor-
mée. Paris, 1885, in-12, p. 127.
120
servoit pour nous faire subsister, mais la
tristesse où j'étois plongé ne me permit
point de le sentir, quoi que j'aimois beau-
coup ceux qui estoient commis à mes
soins, étans tous de bonne famille 1 .
M. de la Forest, notre très honoré pas-
teur, m'ayant appris cette nouvelle,
m'exorta à la recevoir comme un coup de
verge venant de la main de Dieu. Je le
consultois après l'avoir écouté, et nous
trouvâmes qu'il faloit obéir à cette décla-
ration, et dès le lendemain je plassois
tous mes pensionaires au nombre de
six - dans trois maisons bourgeoises '■•, en
attendant que j'eusse des nouvelles de
leur pères qui étoient de lieux différents et
assez éloigné de Mauzé, comme Benestz 4 ,
1 Parmi eux se trouvaient Pierre Rousset, le
fils de Guichet de la Gratière, venu de la Châtai-
gneraie, et les fils de trois bourgeois de la Rochel-
le : Hélie Hérault, Jacques Martin et David Bion,
qui plus tard vinrent en aide à Migault pendant
sa captivité.
- Plus tard il en eut jusqu'à vingt.
•: « Auberges », dit le manuscrit de Brème.
4 Benêt, cant. Maillezais, arr. Fontenay-lc-Com-
te (Vendée). Son temple avait été démoli par ar-
rêt du Conseil du (i août 1GG5.
121
la Chastagneraie 1 en Bas Poictou, cl ail-
leurs. Ces messieurs vinrent en peu de
jours, visitèrent leurs enfans, et avant ap-
prouver les choix des personnes chez qui
je les avois plassë pour y être logé, nour-
ri et blanchi, je continuois à les ensei-
gner, et je faisois pour eux tout ainsi qu'au
teins qu'ils mangeoient avec moi.
J'eus une autre affaire peu de mois
après. Le maître d'école papiste, qui, com-
me j'ay dit, avoit abjuré notre religion,
me fit appeller par devant le juge dudit
Mauzé, pour une contravention qu'il pré-
tendoit que je faisois au déclaration du
Roy, en faisant chanter les pseaumes à
mes écoliers et leur enseignant les prin-
cipes de la musique, voulant me restrein-
dre à n'enseigner qu'à lire, écrire et l'a-
rithmétique. Je répondis à l'assignation
qui me fut donnée à la requête du pro-
cureur fiscal, et après que nous eûmes été
ouï, le juge ordonna qu'il seroit informé
de nos dires.
1 - La Châtaigneraie, arr. Fontenav-le-Conte
(Vendée). Temple démoli par arrêt du Conseil du
(> août 1C65.
— 122 —
Et pendant que le sieur Barbolin (c'est
ainsi que se nommoit ce régent) faisoit
son enquête, la compagnie de notre Con-
sistoire, qui s'intéroissoit fortement dans
cette affaire, dressa un dire ou remon-
trance qu'elle fit signifier tant au procu-
reur fiscal qu'an juge et à ma partie, avec
déclaration qu'ils intervenoit en la cause
en prenant ma garentie, et demendant le
renvoi d'icelle par devant nos seigneurs
du Conseil, attendu que le juge de Mauzé
n'esloit pas compétant pour connoître ces
sortes d'affaires, avec protestation requi-
ses. Ce dire et remontrances arresta cette
affaire, et elle demeura comme morte,
dans la vue que le curé dudit Mauzé ] (et
qui faisoit agir ce Barbolin), avoit de voir
de jour de jour la ruine de notre exercice.
Peu de mois se passèrent après cela lors
que l'on ouït parler de la descente des
dragons que le roy envoya d'abord dans
la province de Poictou, uniquement pour
1 Yves Bernard fut curé de Mauzé de 10G2 à
1684. Son successeur, Jean Tremblay, mourut en
1(195.
— 123 —
ruiner les ramilles qui restoient du nauf-
frage de Tan 1681 1 .
On apprenoit aussi de jour en jour les
désolations que faisoient les cours sou-
veraines et les intendant des provinces,
qui avoient commision de juger en der-
nier ressort les Eglises qui se trouvoient
accusées de quelques chose, et, en peu de
jours, on s'apperçut qu'accuser et voir con-
damner un de nos exercices - étoit un mê-
me chose.
On ne manqua pas de susciter des affai-
res à toutes celles qu'on voulut, et, soit par
les cours ou par les intendants, la plus
grande partie de nos exercices, non seule-
ment d'une province, mais de tout le ro-
yaume, furent condamnez. Et il ne res-
loit que très peu de temples et de pas-
leurs en état de donner de la consolation
à nos frères.
Nous eûmes à Mauzé celle de voir notre
temple debout, et notre cher pasteur au-
i Le 20 août 1085 le régiment d'Asfeld «arriva
en Poitou.
- On appelait « exercice », le droit de célé-
brer le culte protestant.
— 124 —
près de nous jusques près de la révocqua-
tion de l'édit de Nantes, et avec cela la
douleur de voir nos pauvres frères privez
de leurs saintes assemblées, de manière
que presque pendant un an il s'assemhloit
à Mauzé un si grand nombre de person-
nes qu'il nous fut impossible de les con-
noître, quelque précaution que nous eus-
sions prise, pour leur donner des mar-
reaux \ lorsqu'on célébroit la sainte Cène.
La pluspart de vous êtes mémoratifs
comment notre maison étoit remplie de
gens tous les samedis au soir pour y avoir
le couvert, et non seulement la nôtre,
mais aussi toutes celles des honnêtes
gens, sans conter tous ceux qui logeoient
dans les hôtelleries qui étoient en grand
1 Le « marreau » ou « méreau » était un je-
ton en plomb que les « anciens » remettaient à
ceux qui étaient autorisés à prendre part à la com-
munion, c'est-à-dire qui n'en étaient pas exclus
pour quelque faute grave. Les protestants qui
avaient cédé à la violence en abjurant leur reli-
gion étaient dans ce cas. Le pasteur qui, par mé-
garde, les aurait admis à la sainte Cène, s'exposait
à voir fermer le temple pour y avoir reçu des
« relaps », c'est-à-dire des convertis au catboli-
cisme retombés dans le protestantisme.
— 125 —
nombre, cl toutes étoient remplie, et quel-
quefois la hasle eu logeoit un grand nom-
bre aussi, ue pouvant trouver de couvert
ailleurs. Ces peuples venoient des Eglises
condamnée de la Rochelle 1 , Marans 2 , la
Jarrie •"•, Charante 4 , Thonné-Boutonne ■"',
St-Savenien ,: , Arvert 7 , la Tremblade \
i Le temple de La Rochelle fut condamné à être
démoli et l'exercice interdit par arrêt du parle-
ment de Paris du 16 janvier 1085. Le 1"" mars, il
fut mis à bas.
2 Marans, chef-lieu cant., arr. La Rochelle
(Charente-inf.). Le temple fut fermé à la même
époque.
3 La Jarrie, chef-lieu cant., arr. La Rochelle.
Le temple ne fut démoli cpie le 3 septembre 1685.
* Charente ou Tonnay-Charente, arr. Roche-
fort (Charente-inf.).
•"> Tonna} -Boutonne, chef-lieu cant., arr. Sl-
Jean-d'Angély (Charente-inf.).
c > Saint-Savinien, chef-lieu cant., arr. St-Jean-
d'Angély (Charente-inf.). Temple démoli par ar-
rêt du Conseil du 12 janvier 1082.
" Cant. La Tremblade, arr. Marennes (Charen-
te-inf.). L'exercice fut interdit le 23 mars 1G83.
Temple démoli par arrêt du Conseil du 2 mars
1082. Le manuscrit de Brème ajoute à ces loca-
lités « Marennes ».
8 Chef-lieu cant., arr. Marennes (Charente-inf.).
Le culte fut interdit par arrêt du 2 avril 1085.
— 126 —
Aulnay 1 , Civray 2 , Chef-Boutonne 3 , Mel-
le 4 , Nyort 5 , St-Maixant °, Mougon 7 , Cher-
veux 8 , Fontenay °, Coulonge 10 , et de plu-
sieurs autres lieux plus éloigné. Il y vint
même des personnes de Poictiers, de
Bourdeaux 11 et autres endroits, chercher
i Aulnay-de-Sâintonge, arr. de St-Jean-d'Angé-
ly (Ghàrente-inf.). La démolition du temple fut
ordonnée par le Conseil en 1685.
- Chef-lieu arr. (Vienne). Le culte y fut inter-
dit le 27 juillet 1682.
3 Chef-lieu cant., an-. Melle (Deux-Sèvres).
4 Chef-lieu arr. (Deux-Sèvres). Temple démoli
en 1685.
s Niort, chef-lieu dép. des Deux-Sèvres. La Cè-
ne y fut célébrée pour la dernière fois le 27 août
1684.
(i St-Maixent, chef-lieu cant., arr. Niort. Tem-
ple démoli le 17 avril 1685.
7 Le temple fut démoli en août 1684 et rem-
placement donné à l'hôpital de Niort.
s Cant. St-Maixent, arr. Niort (Deux-Sèvres).
Le temple fut fermé par ordre de l'intendant le 2
mai 1685.
'■> Fontenay-le-Comte, chef-lieu d'arr. (Vendée).
Temple fermé en juin 1685.
io Coulonges-sur-1'Autize, chef-lieu cant., arr.
Niort (Deux-Sèvres).
1 ' Lisez Bordeaux.
Eléonore d'Olhreuse, duchesse de Lunebourg-Briwsvic-Zell
127
consolation parmi nous, qui subsistions
comme par un espèce de miracle.
Dieu se servit pour nous conserver pen-
dant ces dernières années du ministère et
protection de S. A. S. M me la duchesse du
Brunsvich Lunebourg et Zell. Cete pieuse
princesse avoit toujours eu une considé-
ration toute particulière pour notre Egli-
se. Elle se souvenoit d'estre née dans son
sein et y avoir reçu le saint baptême, et
tout ainsi que M. d'Olbrcuse \ son digne
frère, et M. de la Forest, notre pasteur,
ne cessoient de l'informer de tems en
tems des troubles qu'on nous faisoit et
suscitoit. Son Altesse Sérénissime aussi,
ne cessoit de son côté d'en calmer à la Cour
toutes les poursuites, et même avoit eu
la bonté de demender au Roy notre con-
servation.
Dieu se servit de ces moyens et d'autres
qu'il trouva propre pour nous faire sub-
1 Alexandre Desmier, seigneur d'Olbreuse, dit
le marquis d'Olbreuse, marié le 22 juillet 1664 à
Jeanne Geay, épousa en secondes noces Madelei-
ne Sylvie de Ste-Hermine, fille d'Hélie, seigneur
de la Laigne, en août 1683. Il mourut sans pos-
térité en 1689.
— 128 —
sister parmi les orages qui renversèrent
dans deux ou trois ans tous les lieux
d'exercices de notre voisinages.
Nous eûmes pendant notre dernière an-
née, et particulièrement pendant trois ou
quatre mois avant la révocation de l'édit
de Nantes, tant d'affaires sur les bras
qu'il estoit impossible d'en pouvoir sou-
tenir davantage.
M. de la Forest fut obligé, à plusieurs
lois, de suivre M. l'Intendant 1 , tantôt avec
nombre d'anciens, tantôt avec tout le
corps du Consistoire duquel j'avois l'hon-
neur d'être membre 2 , soit à la Rochelle
ou à Roehefort :: . Ces diverses courses,
qu'on faisoit faire à M. de la Forest,
étoient particulièrement en vue d'ôter à
tous le peuple, qui venoient de ces lieux
que j'ay déjà nommé, la consolation d'en-
i Pierre Arnou, seigneur de Vaueresson et de
la Tour, intendant d'Aunîs et de Saintonge depuis
le 17 février 1683.
- Jean Migaud, marchand (sic), ancien du con-
sistoire de Mauzé, est interrogé le 26 mai 1685,
dans la procédure pour la démolition du Temple.
(Arch. NaL, TT. 252).
3 Chef-lieu arr. (Charente-inf.).
— 129 —
tendre la parole de Dieu '. Si je voulois
vous raconter ici tous les voyages qu'il
falut faire pour parer au coups qui nous
étoient donnez de jour en jour, je n'au-
rois pas fait de longtems ; mais je ne
vous veux point parler des maux que j'ay
souffert en général, ainsi seulement de ce
qui me touche en particulier. Je vous
diray seulement que pendant le dernier
voyage que M. de la Forest fit à Roche-
fort, étans à la suite de M. l'Intendant
qui étoit venu lui même le chercher à
Mauzé il y avoit dix ou douze jours, et
n'ayant pour lors avec lui que Gabriel
pour le servir, arriva cette fatale jornée
qui doit être contée pour funeste à ce
désolé lieu de Mauzé, puis que les dra-
gons achevèrent à peu près le triste ou-
vrage qu'a voient commencé M. de De-
muin, intendant d'Aulnix, dès ladite année
1681. Il n'y eut que ceux qui abandonnèrent
tout qui furent exempt de la funeste et
terrible chute qui a désolé nos Eglises.
i C'est-à-dire : provoquées par les procès qu'on
intentait au pasteur ou aux anciens pour essayer
de faire fermer le temple de Mauzé.
130 —
Troisième visite des dragons
Mauzé, 23 septembre 1685
Dieu m'avoit fait la grâce de prévenir
ce coup. Il y avoit plus d'un mois que
j'avois donné congé à tous mes pension-
naires et escoliers, qui étoient au nombre
de plus de vingt, logé en diverses auber-
ge, comme j'ay dit, le nombre s'en étant
accru à mesure que les exercices étoient
condamnez dans les villes et lieux voi-
sins, car aussi tôt que les exercices étoient
ôtez d'un lieu, les maîtres d'école de notre
religion étoient obligés de cesser leurs
fonctions, et ayant renvoyez mes écoliers
chacun dans sa maison, j'avois aussi mis
ordre à ce que je pusse sortir sans peine
lorsque les dragons arriveroient.
Pour cet effet, je vous avoit tous ôtez
de la maison. Votre grand-mère avoit
trouvé un azile chez M. de La Leigne : .
i Hélie de Ste-Hermine, soigneur de la Laigne.
(cant. Courçon, arr. La Rochelle), avait épousé
Madeleine Le Vallois de Villette. Il était beau-
père du marquis d'Olbreuse. Le logis de la Laigne
abrita bientôt aussi les deux sœurs du minis-
tre île la Forest. (Journal d'Anne Chauffepié).
131
L'aînée de vous, avec les deux plus petits
Elisabeth et Olivier, en trouvèrent un
chez M. d'Olbreuse. Jeanneton, Pierrot et
Marie étoient partis les premiers, et
avoient été enmenez par M. et M me de
Puv-Arnault dans leur maison de la
Bouillardière l , proche St-Jean-d'Angély.
Ce gentilhomme et cette dame avoient eu
la bonté de me les demander pour les
cacher pendant l'orage qui nous mena-
çoit. Jacques, qui étoit à St-Maixant, achè-
vent justement ses deux années d'appren-
tissage. A l'arrivée des dragons audit St-
Maixant, et quoi que les portes de la ville
fussent gardées jour et nuit afin que per-
sonne de notre religion nvn sortit, Dieu
lui fit la grâce de se dérober à leur vue.
Son maître (M. Moreau) - lui avoit dit
i Lieu-dit, corn. Puyrolkmd, cant. Tonnay-
Boutonne, arr. St-Jean-d'Angély, voisin du ha-
meau les Arnault, d'où la famille de Puv-Arnault
a sans doute tiré son titre (Rens. Eug. Réveillaud).
- Sur le registre de l'Eglise réformée de St~
Maixent, eonservé aux Arch. des Deux-Sèvres,
B. 37, on trouve Jean Moreau « menuzier », ma-
rié à Marie Treuille qui fait baptiser, le 1 er mars
1684, sa fdle Marie, et, le 19 mars 1084, le bap-
132
de se sauver s'il pouvoit. Il arriva à Mau-
zé huit ou dix jours auparavant les dra-
gons, et aussitôt je Fenvoyois chez M. de
Chaban 1 . J'avois en même tems envoyé
Jean chez M. de Gajemond 2 en sa maison
près Melle, lequel eut aussi la bonté de le
recevoir. Enfin je me trouvois seul de ma
grande famille dans le moment que les
dragons 3 arrivèrent à Mauzé, qui fut le
dimanche 23 septembre 1685. <
J'étois dans notre maison avec deux ou
trois personnes du Poictou 4 qui étoient
tême d'Elisabeth, fille de Jean Moreau «< bon-
netier » et de Magdeleine Devallée. Vn Jean Mo-
reau, fugitif de St-Maixent, habitait New-Rochel-
le aux Etals-Unis, en 1712 (Baird, Histoire des
réfugiés huguenots en Amérique, p. 317).
i Henri de Pontard, chevalier, seigneur de Cha-
ban, épousa en 1678 sa cousine Louise de St-
George et s'expatria avec elle le 4 septembre 1687.
Il mourut en Allemagne (Areh. Nat., TT. 114).
Cram-Chaban, cant. Courçon, arr. de La Rochel-
le, est à 6 k. de Mauzé.
- Louis Prévost de Gagemon, époux de Marie
Lhuillier en 1664, fut enfermé successivement au
château de Bougouin, à Pierre Encise, à Sauir.ur,
à Poitiers. C'est un des gentilshommes poitevins
qui eurent le plus à souffrir de la Révocation.
;; C'étaient des dragons du régiment d'Asfeld.
4 Le manuscrit de Brème donne leurs noms en
— 133 -
en fuite à cause des cruautez qu'on faisoit
chez eux, et entendoil le bruit que causa
l'arrivée de ces barbares, j'abandonnois le
reste du ménage à leur discrétion. J'en
avoif caché quelque peu chez des voisins
papistes et chez quelques autres qui avoit
change de religion dès il y avoit cinq ans,
et aussi chez M. de la Forest, croyant que
sa maison seroit exempte de loger les
dragons, n'ayant point ouï dire aupara-
vant qu'ils logeassent chez aucun minis-
tres ny gentilhommes. J'en avois aussi
caché quelques pièces dans des mazure,
devant la porte du logis, à couvert des
feuilles de lierre. Il se trouva à la fin,
quand les dragons furent partis, que ce
qui étoit caché de feuille fut le mieux
conservé, et que ce que je croyois le plus
sûrement étoit le plus perdu.
La maison de M. de la Forest ayant été
exposée presqu'au pillage dès l'arrivée
des dragons 1 , les officiers y ayant été lo-
abrégé : « Pierre Rouss[et], Anth. et Dan.
Mart[in]. »
i « Les dragons sont venus chez M Ues de la Fo-
rest le 15 ou 10 septembre et en trois jours ont
pillé, volé et vendu tous les meubles qu'ils ont
134
gé, la nôtre ne fut pas épargnée, et il ne
resta que les quatres murailles. Non seu-
lement les dragons pillèrent et vendirent
ce qu'ils y trouvèrent, mais aussi des voi-
sins aidèrent et s'accommodèrent du reste,
comme j'ai su du depuis.
Notre temple fut pillé aussi, et les cho-
ses qui s'i trouvèrent furent emportées.
La providence divine nous avoit l'ait met-
ire à couvert nos livres et papiers conser-
nant notre droit d'exercices, quelques legs
ou donnation l'ait par les seigneurs dudit
Mauzé pour l'entretien du ministère audit
lieu, et ausi les livres et papiers du Con-
sistoire concernants les actes de baptê-
mes, mariages et enterrements. Le tout
fut confié à la garde de M. et de M me d'Ol-
breuse, et a resté dans leur maison audit
lieu dans un coffre après leur départ de
France sans que personne autre que moi
eu connoissance de ce qui étoit audit cof-
fre. Et d'autant que le dessein que j'avois
formé d'abandonner le royaume ne me
trouvé dans la maison. » (Journal d'Anne de
Chauffepié). Le ministre était à Rochefort, où
l'intendant l'avait ajourné. (Tcssereau, p. 282).
135
permettoit pas d'avoir soin à l'advenir
des susdits livres et papiers, peu de jours
avant mon départ, je visitois le tout, et
j'en confiois le secret et la garde à la fille
ainée de M. Galaudet, fermier dudit 01-
breuse \ et ayant remis en icelui coffre
en sa présence tous les sudits livres et
papiers avec la bible -, je le refermois et
lui donnois la clef, en la priant et conju-
rant au nom de Dieu de conserver le
tout, et ne dire à personne de sa maison
ce qui étoit dans le sudit coffre, lequel
a'avoit point été ouvert depuis le départ
de Madame. Cette tille m'en promis la
conservation préférablement à tout ce
qu'elle avoit de cher et de prétieux.
i A l'époque de la Révocation, Pierre Elisée
Gallaudet, natif de Mauzé, alla s'établir à New-
Rochelle. C'est l'ancêtre de Thomas Hopkins Gal-
laudet, le grand philanthrope, bienfaiteur des
sourds-muets d'Amérique. Par fermier il faut en-
tendre l'adjudicataire des revenus du domaine.
2 Dans chaque temple, il y avait une bible qui
servait pour les lectures.
— 136 —
Fuites et retraites successives,
Olbreuse, etc.
Je veux retourner à mon discours et
vous dire qu'aussitôt l'arrivée des dra-
gons, je sortis du logis et je fus accompa-
gné de l'une de ces trois personnes qui
étoit avec moi x . Nous passâmes pour sor-
tir de la ville le long des fossez - qui
étoient secs et sans eau jusques près de
l'église d'Amilly '•'•. Nous rencontrâmes
quelques femmes et filles qui se sauvoient
en fuyant ainsi que nous. Nous nous ren-
dismes à la nuit au château de Marsay 4 ,
et nous y restâmes deux jours.
De là, nous fûmes chez M. de Pny-
i On verra plus loin qu'il s'agit d'un jeune
homme nommé Pierre Rousset.
2 Mauzé était autrefois entouré de douves, dont
on pouvait suivre encore les traces au milieu du
xix° siècle.
■i Saint-Pierre-d'Amilly, cant. Surgères, arr. Ro-
chefort (Charente-inf.).
^ Marsais, cant. de Surgères, arr. Rochefort
(Charente-inf.). Le château appartenait à Louis de
St-Georges, seigneur de Marsay, né le 3 avril 1635,
marié le 7 octobre 1676 à Louise de Lescours.
^
137
Arnault, et nous y séjournâmes deux
jours aussi ou peu plus, et ce fut là que
nous apprîmes qu'en la province de Poic-
tou principalement, les dragons logeoient
chez les gentils-hommes. Quelqu'ami du
dit sieur de Puy-Arnault le fît advertir
secrettement (et ce fut un papiste dudit
St-Jean), d'ôter de sa maison ce qu'il y
avoit de plus considérable. Cette nouvelle
m'obligea à envoyer Marie 1 par un voi-
tûrier papiste, au logis de La Leigne, et je
pris avec moi Jeanneton et Pierrot, ne
voyant point lieu de rester plus longtems
chez le dit sieur de Puy-Arnault, qui, aus-
si-tôt cette nouvelle reçeue, ôta de chez
lui tous ses meubles, et se mit en état de
se cacher soi-même.
Je retournois à Olbreuse avec Jeanne-
ton et Pierrot, et parce que vous étiez
quatre de vous dans cette maison en seu-
reté, en contant Philémon qui y étoit il
y avoit deux ans, je ne pus y rester avec
ces deux autres. Ainsi dès le lendemain
qui étoit le premier jour d'octobre, je pris
ces deux, Jeanneton et Pierrot, et je les
i « Marion », dit le manuscrit de Brème.
— 138 —
emmenois dans le Poiclou chez un de
mes amis ' qui eut la bonté de les garder
pendant tous ce mois.
Je me promenois dans le Poietou chez
mes amis, sans pourtant oser paroître de
jour que fort rarement, et je ne restois en
chaque endroit que deux jour au plus.
Les dragons étoient presque partout, et
alloient journellement visiter les maisons
qu'on soubçonnoit avoir quelque compas-
sion de ceux qui vouloient demeurer cons-
tans dans notre religion.
La terreur et l'effroi étoit tellement
dans Tàme de tout le peuple réformé
qu'un frère n'osoit pas même recevoir son
frère en sa maison. Le mien - chez lequel
je restois trois jours à Vcnsay 3 proche
1 « Qui avoit eu le malheur de changer », dit
le manuscrit de Brème.
2 C'était un frère d'un autre lit. Louis Migault,
père de Jean, avait eu, de son premier mariage
avec Jeanne Durivault, Pierre M., marié avec Su-
zanne Girard, et Jacques M., marchand, mort en
K5ÎKS. C'est de lui qu'il est question dans le Rolle
des nouveaux convertis, p. 224 : Jacques Migault,
fermier, et Françoise Bavot, sa femme.
•"• Vançais, cant. Lezay, arr. Mellc (Deux-Sè-
vres).
139
Couhé pendant mes promenades, crai-
gnoit autant les dragons pour l'amour de
moi que ce qu'il faisoit auparavant qu'il
eût abjuré, ayant succombé avec ma belle
sœur dès leur arrivée.
Celui qui se sauva avec moi à l'arrivée
des dragons à Mauzé ne m'abandonna
point durant tous ee mois. G'étoit un jeu-
ne garçon, nommé Pierre Rousset \ lequel
j'avois eu sous ma main à l'école trois ou
quatre ans. Il m'aimoit véritablement et
je l'aimois de même. Il est frère de la
marraine de Philémon et natif de la Cha-
gnaye -, près Moulé.
Au commencement de novembre, je re-
tournay de nuit à Olbreuse, et j'y restois
caché huit jours. Ensuite j'allois à La Lei-
gne, et de là je menay votre grand-mère
et Marie à la Grève :; , chez M. de la Sau-
i Le 1 er août 1(177. un Pierre Rousset est témoin
à Mougon de l'enterrement de Louise Monnet,
veuve de François Nycollas, de la paroisse d'Ai-
gonnay. {Reg. de l'Egl. réform. de Mougon).
- La Chenaye, vill., com. Fressines et Ste-Xéo-
maye.
3 Com. St-Martin-de-Villeneuve, cant. Courçon,
arr. La Rochelle.
— 140 —
zay Micou 1 . Ce fui pour faire panser une
blessure que Marie avoit à la tête. Elles y
restèrent huit jours pendant lesquels je
retournay de nuit à Mauzé et je visitay
mes amis. On me recevoit partout où j'ai-
lois, pourvu que ce fut dans les ténèbres,
sans être vu que des domestiques.
Je retournay à la Grève, et Marie étant
guérie de sa blessure, je remenois votre
grand-mère et elle dans leur azile à La Lei-
gne, et de là je retournay achever de
passer ce mois dans le Poictou chez di-
vers particuliers de mes amis, qui avoient
vu le malheur de succomber sous le faix
de la persécution.
Au commencement de décembre, il fa-
lut ôter Jeanneton et Pierrot de la maison
où ils étoient (la Groye Labbé) - ; on
n'osa les y cacher davantage. Je les pris
donc avec moi, et nous retournâmes du
côté d'Olbreusc. Nous y couchâmes, et le
lendemain je les menay tous deux chez
i « M' Chirurgien », dit le manuscrit de Brè-
me.
- La Groie-l'abbé, ferme, com. Celles, arr. Mel-
le (Deux-Sèvres).
— 141 —
M. de Marsay '. Mais on ne les garda que
deux ou trois jours, après lesquels ou me
les renvoya à Olbreuse où j'cstois retour-
né.
Je me trouvois alors fort embarassé, ne
sachant où me retirer moi-même et où
cacher Jeanneton et Pierrot, et n'eût été
une vielle fille papiste de ma connois-
sance, nommée Bertrande -, dudit Olbreu-
se, au frère de laquelle j'avois rendu quel-
que service, laquelle cacha Jeanneton
huit jours, je ne savois de quel côté me
tourner. Après ces huit jours, j'envoyois
Jeanneton par un homme papiste, chez
un mien parent nommé Thomas Marché :î ,
1 Louis de St-Georges.
- Femme ou fille de Bertrand. L'usage de fé-
miniser les noms propres s'est conservé dans les
campagnes poitevines. Le manuscrit de Brème ne
parle pas de cette vieille fille : « Un papiste voi-
sin d'Olbreuse, auquel j'avoy rendu quelque servi-
ce, qui s'offrit à moy pour garder Jeanneton chez
lu y. »
:: Il avait abjuré. On le trouve sur le Rolle des
nouveaux convertis dans le diocèse de La Rochel-
le, p. 44 : « Thomas Maschot (sic), meusnier,
Pierre, Isaac et Jacques, ses enfans, âgés de 8, 5 et
1 an. » Il figure comme témoin du prétendu acte
d'abjuration de Jeanne Migault.
— 142 —
demeurant à Croisette x près de Nyort.
Elle resta dans cette maison quinze jours,
et elle eût pu y rester davantage, si une
troupe de dragons n'eusse été advertie
par des voisins qu'elle y étoit cachée pour
la religion. Deux d'entre eux y allèrent et
fouillèrent toute cette maison, et, après
ne l'y avoir point trouvée, cassèrent et
brisèrent plusieurs pièces de meubles à
ces pauvres gens, et firent plusieurs insul-
tes pendant toute une nuit.
Le lendemain matin venu, ils la cher-
chèrent hors de la maison, et ils la trou-
vèrent dans un monceaux de paille qui
étoit devant l'écurie. Elle avoit passé la
nuit dans un petit bois éloigné de la mai-
son de plus de huit cent pas. Elle s'i étoit
sauvée et sortie de la maison dès l'arri-
vée des dragons, et au point du jour, crai-
gnant d'être apperçue dans ce bois, elle
vint se jetter dans ce monceau de paille,
d'où ils la tirèrent et, l'ayant éfrayée de
i Logis et moulin, coin. St-Maxire, arr. Niort
(Deux-Sèvres), en face du château de Mursay. Ben-
jamin Chauffepié, sieur de Liste, en était pro-
priétaire à la lin du xvii p siècle.
— 143 —
leurs blasphèmes, lui ôtèrenl quelque peu
d'argent qu'elle avoit. Ils la traînèrent
en suite chez le curé de la paroisse 1 , qui
est St-Maxire.
Il y a lieu de bénir Dieu en cet endroit
de la constance qu'il lui donna, n'ayant
jamais voulu signer l'abjuration - que le
curé écrivit, quoi que ces deux dragons
lui lissent souffrir beaucoup de maux, et
bien qu'elle ne voulût rien signer. Le
curé, pour se déchargé d'elle et des dra-
gons, employa dans son billet, ou pré-
tendu acte d'abjuration, qu'elle ne savoit
i René Auchier, curé de St-Maxire depuis 1661,
mourut en octobre 1086. Etienne Lalîton lui suc-
céda (1687-1694).
- Voici ce prétendu acte d'abjuration : « Le
16 de janvier 1686 a fait abjuration de l'hérésie
de Calvin et en a reçu l'absolution par moy sous-
crit, Jeanne Migault, Agée de (le chiffre est sur-
chargé), de la paroisse de Fressine, et a déclaré
ne savoir signer, présents le sieur de Saint-Mes-
main, dragon, Thomas Marchet, meusnier, et
Jeanne Tristan, tous les deux nouveaux convertis,
qui ne savent signer fors les soussignés. René Au-
cher, prestre curé de St-Maxire ; Faucheux, (c'est
le dragon), sieur de St-Mesmain. Etat civil de St-
Maxire. (L. Desaivre, St-Maxire, p. 120).
— 144 —
point signer, quoi qu'elle leur déclara
qu'elle le savoit bien faire, mais qu'elle ne
signeroit point.
Deux jours après cela elle se fit con-
duire et ramener à Olhreuse, lieu parti-
culier pour mon azille et pour le vôtre. J'y
a voit resté cette espace de tems avec Pier-
rot. M. d'Olbreuse eut la charité de dire
aux personnes qui parloient de moi qu'il
m'avoit retenu pour son service, et disoit
cpie je lui étois fort nécessaire. G'étoit
bien plus vrai qu'il avoit compassion des
peines que j'avois souffertes pendant trois
mois entiers, n'ayant cessé de courir de
lieu en lieu, non pas le jour, mais la nuit
pour me dérober à la vue des dragons,
des prêtres et papistes qui ne m'aimoit
pas. De plus il savoit bien, qu'après Dieu,
je n'avois recours qu'à sa protection.
Ce charitable nouricier ne fut pas seu-
lement appui et retraite pour moi et pour
vous, mais encore pour toutes les person-
nes qui vinrent lui demender secours et
retraite durant la persécution, de quelque
provinces qu'ils fussent. Sa charité, ainsi
que celle de Madame son épouse, se trou-
va sans exemple, n'ayant jamais refusé
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10.
- - 145 —
leur maison à aucun pour se mettre à
couvert du furieux orage qui étoit par-
tout.
Ce fut particulièrement un azillc pour
un petit nombre d'habitans de Mauzé qui
y restèrent ce qu'ils voulurent, et, pour
comble de bonté, ils fournissoient toutes
les choses nécessaires à la vie à tous ceux
qui étoient cachez dans leur maison. Les
chambres, les greniers et môme la grange
étoient remplis de gens de toute qualitez,
soit de Xaintonge, d'Aulnix et du Poictou,
et quoi qu'ils fussent advertis de jour en
jour que les dragons dévoient venir dans
leur maison pour visiter s'il n'y avoit point
de personnes étrangères, ils ne se relâchè-
rent en aucune manière.
M. et M me de La Leigne n'en firent guè-
re moins, ayant eu pendant ces trois mois
leur maison remplie de gens qui fuyoient
aussi la persécution de divers lieux, et de
toutes qualitez aussi, et lesquels trouvè-
rent à peu près les mêmes secours.
Toute la noblesse de notre religion, tant
de la province d'Aulnix, Poictou que de
celle de Xaintonge, fut accablée de dra-
gons. Il ne resta dans tout le pays que
116
ces deux maisons, Olbreuse et La Leigne,
qui ne fussent exposées au pillage. Tout
enfin tomba dans le précipice, je veux dire
abjura, ou s'ôta du chemin en abandon-
nant tout, comme avoient fait quantité de
pauvres gens, ou fut fait prisonnier, soit
par des lettres du petit cachet, ou autre-
ment.
La désolation fut extrême pendant ces
quatre mois, septembre, octobre, novem-
bre et décembre. Il n'y eut que peu de
personnes qui demeurassent debout. L'é-
dit de Nantes fut révoqué 1 , les derniers
temples furent démolis, la noblesse et
quelques autres personnes qui avoient
soutenu la fureur des dragons furent faits
prisonniers, et, ce qui fut bien affligeant
pour moi et d'autres qui étoient dans ces
deux maisons de refuge, fut que M. de
La Leigne fut conduit dans la ville de Lo-
ches par une lettre du petit cachet au
mois de novembre, et, sur la fin de dé-
cembre, par mêmes ordre du roy, M. d'Ol-
breuse fut conduit à Paris, et eut ordre de
suivre la Cour jusques à ce que sa Ma-
jesté en ordonnât autrement.
i Le 18 octobre 1685.
— 117
Je restois cependant à Olbreuse avec
quatre de vous '. Je me trouvay dans un
grand embarras lorsque Jeanneton fut ve-
nue de Croisette, ne sachant où la placer,
et, pour comble d'affliction, j'appris que
M me de La Leigne, se trouvant seule dans sa
maison par l'absence de Monsieur, avoit
dit à toutes les personnes qui y étoient ca-
chées qu'elles souhaiteroit qu'ils puissent
trouver retraite ailleurs, craignant qu'on
ne vînt visiter le logis, comme on la me-
naçoit tous les jours.
Tout ce que je vien de dire ne fut qu'un
échantillon de ma peine, car peu de
jours après le départ de M. d'Olbreuse
pour Paris parut une déclaration du Roy -
qui derl'endoit à tous ceux de notre reli-
gion de n'avoir aucuns domestiques de
leur religion.
Cette déclaration fut un coup qui pres-
i « Comprenant dans ce nombre Pliilémon qui
y estoit, il y avoit trois ans », ajoute le manuscrit
(te Brème.
- « Ordonnance du roi du 11 janvier 1686 con-
cernant les domestiques dont les P. R. et les nou-
veaux convertis peuvent se servir. » Edits, dé-
clarations et arrests, etc., p. 268.
148
que m'accabla, me voyant dans la néces-
sité de sortir d'Olbreuse L'aînée de vous
avoit passé pour servante et domestique,
aussi bien que moi et Philémon. La mê-
me déclaration lit aussi sortir Jean de
chez M. de Gajemond pour venir me cher-
cher. Je me trou vois alors avec sept de
vous sans savoir aucun lieu pour nous
cacher ni les uns ni les autres.
Votre grand-mère et Marie estoient sor-
tie de La Leigne au même tems que Mada-
me avoit témoigné le souhaiter, et elles
a voient demeuré chez ladite fille papiste,
dont j'ay parlé 1 , et laquelle ne 'es pou-
vant ou ozant cacher davantage, je fis
conduire votre grand mère avec Pierrot
dans le Poictou, et ils s'i cachèrent en di-
vers lieux chez des amis, et je trouvay à
placer Marie, Elisabeth et Olivier, la der-
nière semaine de janvier 2 , qui fut aussi la
dernière semaine de notre azillc à Olbreu-
se, chez deux personnes fort pauvres, et,
moyennant bonne pension que je leur don-
nay, ils y restèrent jusques sur la fin du
mois de lévrier.
1 Bertrande.
2 1686.
— 149 —
Le souterrain d'Olbreuse
Le cachot de la Rochelle
Ce fut au commencement de ce mois
que M me d'Olbreuse se trouva obligée de
voir sortir de sa maison tous ces domesti-
ques et ceux qui passoient pour domesti-
ques de la religion, avec quantité d'autres
personnes qui y avoient demeuré jusques
à cette funeste déclaration.
J'étois un des plus embarassé, attendu
que je vous avoit presque tous sur les
bras, et après avoir longuement pensé et
repensé à divers moyens pour nous sau-
ver, ne sachant plus où mettre le pied, je
pris le parti de cacher deux de vous, An-
ne et Jeanncton, avec douze ou quinze
autres personnes (tant desdits domes-
tiques qu'autres qui s'étoient réfugiez
dans cette maison, jusques à la fin dudit
mois de janvier), dans une caverne ou
grotte x qui est au milieu du grand bois
dudit Olbrcuse, et éloignée de toutes mai-
sons d'un quart de lieue. M me d'Olbreuse
i Ce souterrain existe encore dans les bois
d'Olbreuse. Voy. la gravure.
150
approuva cette entreprise, désirant de
vous voir à couvert, et promis son secours
et ses soins pour tous.
Cette caverne a été faite autrefois avec
beaucoup d'industrie et de travail (et j'ay
ouy dire à Olbreuse que ce sont les Anglois
qui l'ont persée). Son entrée est fort pe-
tite et faite de telle façon qu'il faut y
descendre tout debout, comme pour en-
trer dans un puy, et y étant dévalé cinq
à six pié de profond, on trouva qu'elle
s'élargit peu à peu. Ce travail a été fait
de telle manière que ce sont une quantité
de chambres sous terre, toutes séparées les
unes des autres, y ayant à toutes des
bancs de sable ou terre d'un côté, coupé
et taillé proprement, et où l'on se peut as-
seoir commodément. Il n'y a de porte
pour aller de l'une à l'autre qu'un trou
en forme de gueule de four pour passer
un homme, et la séparation est d'épaisseur
de deux bons pieds 1 . Je m'y étois promené
ladite dernière semaine de janvier avec
i « De façon qu'on peut occuper tant de cham-
bre qu'on veut, et fermer l'entrée des autres »,
ajoute le manuscrit de Brème.
o
s.
151
quelques uns de ceux qui s'i cachèrent
pour voir si Ton y pourrait demeurer.
Nous allâmes fort avant en icelle caverne
avec deux chandelles et du feu dans un
vaisseaux, en espérance d'en trouver le
bout, ce que nous ne pûmes faire tant elle
est profonde. Les personnes qui m'y ac-
compagnèrent, non plus que moi, n'obser-
vèrent aucune autre chose, sinon que ces
chambres les plus proches de l'entrée ser-
voient pour la retraite de plusieurs ani-
maux, y ayant des ossemens en iccllcs de
diverses menues bestes.
Cette troupe d'environ quinze ou seize
personnes sortit de la maison d'Olbreuse le
dimanche premier jour de février 1G86,
une heure avant le jour, et ayant dit au
voisinage, la semaine qui précédoit, qu'ils
s'en alloient tous en Poictou, ils allèrent
se renfermer dans cette grotte, conduit
par un valet de la maison, papiste toute-
fois mais fort fîdelle. Auparavant que sor-
tir du logis, Madame avoit donné l'ordre
de porter avec eux du pain et toute sor-
tes de provisions nécessaires pour leur
conservation, sous l'espérance que le cal-
me reviendrait. De plus, cette charitable
152
dame eut le soin de leur en faire porter
toutes les nuit par le môme valet, tout le
temps qu'ils y parent rester cachez. Nous
avions pris un extrême soin de nettoyer
trois ou quatre de ces chambres en les
visitant. Cependant vous savez, vous deux
qui y avez été renfermé, qu'il vous fut
impossible d'y rester qu'environ trois se-
maines, et encore avec tant d'incommo-
ditez et de peines qu'à votre sortie vous
étiez tous autans morts que vifs, ayant été
enterré sans voir aucun air ni de clarté
(pie la chandelle, n'y ayant que la petite
entrée dont j'ay parlé, qui vous fournis-
soit la respiration, et de laquelle vous
étiez assez éloignez.
Ce même jour, premier de février, je
vous accompagnay dans ledit bois, et pas-
sant outre avec Philémon, j'allay à La Lei-
gne pour y trouver Jean qui y étoit allé il
y avoit quatre jours. J'avois en vue d'aller
à la Rochelle, et esssayer de trouver quel-
que moyens pour embarquer ces deux, et
les envoyer en Hollande ou dans l'Angle-
terre.
J'arivois à La Leigne au soir, d'où Jean
étoit parti dès le vendredi pour aller à
— 153 —
la Rochelle, et on me <Ul que je l'y trou-
verais. Le lundi matin, accompagné de
Philémon, je continuay mon chemin et,
arrivant à Verine \ j'y trouvay Jean qui
me venoit chercher pour me dire qu'il y
a voit espérance de les pouvoir mettre sur
un vaisseau, et qu'un de mes amis luy
avoit dit de m'en advertir. Je continuay
mon chemin avec beaucoup d'inquiétudes,
présage funeste du malheur qui me sui-
voit. Je savoit la peine qu'on avoit dans
cette ville pour trouver à ce mettre à cou-
vert étans de la religion, un frère n'osant
pas le donner à son frère, et on visitoit
tous les soirs les auberges en prenant le
nom de tous les étrangers et hostes qui
y étoient logez, et en suite on en portoit
la liste chez le gouverneur. Les bourgeois
et marchands avoient expresses déffenecs
de loger ni de recevoir chez eux aucune
personne.
A mon arrivée, qui fut assé tard, je
laissois Jean et Philémon chez un pauvre
homme de ma connoissance, nommé Da-
i Corn., cant. La Jarrie (Charente-Inf.).
11.
— 154 —
niel Bonnault, autrefois mon [voisin] 1 en
Poictou et ancien de l'Eglise de Mougon,
lequel la persécution avoit fait retirer
dans le faux bourg St-Esloy - il y avoit
deux ou trois ans. Cet homme les reçut et
les cacha dans un grenier. J'entrois aus-
sitôt en ville, et je fus chez un mar-
chand de mes amis, (c'est M. Jean
Gayot) 3 . Sa femme me demanda où je
logeois, et sur ce que je lui dit que je
n'en savois rien encore, elle me dit : « Ce
sera céans, s'il vous plait ; je vous donne-
rois un lit, quelque chose qui en arrive. »
Je pris au mot cette charitable dame, et
sans tarder, je fus me reposer, étant si
las que je n'en pouvois plus.
i Le mol manque.
2 Saint-Eloi, com. Cognehors, cant. La Rochelle
(Charente-inf.).
! John Gayot, Jane, wife (c'est-à-dire, sa fem-
me), figurent sur les listes de naturalisation à
Londres en avril 1G87 (D. Agnew, Protestant exi-
les from France, 1886, t. II, p. 55). Famille noble
rochelaise. Jean Gayot, fils de Jean G. et de Marie
Brevet, né le 7 mars 1633, épousa en 1656 Anne
Moriri. (Rens. Pandin).
155 —
Le lendemain, qui étoit le mardi 3 de
lévrier, cette dame m'informa de plu-
sieurs choses, et de là j'allois visiter deux
de mes amis, en espérance de trouver à
faire sortir de France ces deux que j'avois
avec moi. En suite j'allois chez M. du Bei-
gnon Allaire \ environ deux heures après
midi, et sortant de sa maison, suivant une
grande rue qui conduit sur la rive -, vint
à ma rencontre le gouverneur de la Ro-
chelle 3 , accompagné de ses gardes. J'étois
seul et ainsi que je passois en saluant, il
s'arresta, et me demanda qui j'étoit, d'où
je venois, et chez qui j'allois. Je lui ré-
pondit sincèrement à tout. Il avança, et
je continuay mon chemin aussi, et sur ce
que je lui avoit dit, que je venois de
chez M. du Beignon et que j'allois chez
i Sans doute Antoine Allaire, sieur du Bugnon,
beau-frère du pasteur Louis de la Forest.
- Quai de la Grande rive, aujourd'hui cours
des Dames.
3 Pharamond Green de Saint-Marsault, baron
de Châtelaillon, récemment converti, fut nommé
commandant de La Rochelle et des tours, de la
Chaîne et du Havre. Mais comme la commission
n'est que du 27 mai 1680, il s'agit peut-être de son
prédécesseur de Jeure Milet, nommé le 13 mai
1(!83 en remplacement du maréchal de Navailles.
— 156 —
M. Mouschard 1 sur la rive, soit que quel-
qu'un de ses gardes m'eût reconnu pour
être tous allez souvent à Mauzé, ou soit
qu'il crût que je déguisois la vérité, je
n'avois pas avancé cent cinquante pas
que j'entendis un homme qui me suivoit.
Je n'en fis aucun semblant, et je conti-
nuay mon chemin jusques sur la rive,
ayant toujour cet homme à mes talons
sans dire mot.
Etant arrivé sur les murailles 2 , il me
parla, et me dit que M. le gouverneur lui
avoit ordonné de me suivre chez M. Mous-
chard pour savoir si on me connoissoit.
J'y allay avec lui, et étant entré et ayant
salué M me Mouschard, ce garde l'in-
terrogea si elle me connoissoit, et lui
ayant dit qu'oui, elle confirma ce que '•'•
■ Sans doute Isaac Mouchard, marchand à La
Rochelle, qui abjura en 1085 (Bull. prot. fr.
XXXIX, p. 27). Jacob M., sieur de Vaugouin, vivait
en 1727 ; Abraham M., marchand à La Rochelle,
en 1700. (Rens. Pandin).
- Aujourd'hui rue Sur-les-murs.
' : Dans la publication de M. de Bray, à partir
de cet endroit, manquent quatre pages arrachées
au manuscrit original.
157
j'avois déjà dit. Cela n'empêcha pas que
je lusse arrésté et conduit chez M. le gou-
verneur qui me vouloit parler. Je recon-
nus alors que toutes nies fuites n'avoient
été qu'autant de teins que Dieu m'avoit
donné pour me préparer à souffrir la pri-
son. Il y avoit longtcms que j'y pen-
sois, et même que je croyois y être pré-
paré. Mais ô malheur, et comment poli-
ra y-je assez exagérer ma foiblesse ! Je
n'avois pas assez rejette ma charge sur
l'Eternel, et j'avois trop conté sur mes for-
ces, lesquelles s'évanouirent dans un mo-
ment.
Ce garde me conduisit chez le gouver-
neur, lequel ne s'i étant point rencontré,
on me conduisit au corps de garde, et on
me recommenda au capitaine pour être
gardé jusques au lendemain. Je passois la
nuit avec des gens qui m'insultèrent à
diverses fois, et le lendemain, qui estoit
le mardi 3 février, environ sur les huit
heures du matin, on me conduisit à la
tour appelée St-Nicolas 1 , et l'on m'enfer-
1 La plus élevée des deux tours qui ferment
l'entrée du port de La Rochelle. Elle avait déjà
158
ma tout au haut d'icelle, (Unis un petit
étage qui, avec beaucoup d'autres, sont
dans l'espaisseur des murailles. Et quoi
que dans ce trou je n'avois pas assé d'es-
pace pour m'y pouvoir coucher de tous
mon long pour dormir, que pendant trois
ou quatre semaines je ne vis ni feu ni
chandelle, qu'il fit un extrême froid, et
([lie je ne puisse me promener pour me
réchauffer, ni voir le jour que par un petit
trou, cependant j'étois assez bien de toute
manière pour y pouvoir vivre deux, mê-
me plusieurs années, attendu que trois
de mes amis qui sont MM. Hélic Hé-
rault 1 , Jacques Martin -, et David Bion 3
servi de prison en 1(582 à plusieurs ministres ou
gentilshommes : Chauffepié de l'Isle, Melin, Po-
ndes, Loquet, de Dompierre, de Chalais, etc.
(Tessereau, p. 172).
i Hélie Hérault ou Ayrault, d'une famille ro-
chelaise qui comptait de nombreux représentants
au xvii' siècle, notamment un receveur des fer-
mes et un officier au Canada. (Rens. Pandin).
- Jacques Martin, marchand à La Rochelle,
quitta le royaume après 1699 et mourut à l'étran-
ger. En 1737, sa cousine Esther Georget, née Bil-
lon, demandait à être mise en possession de ses
biens. (Arch. XuL, TT. 179).
'■> Sans doute David Bion, fils de Gédéon et de
— 159 —
prenoient un soin particulier de m'en-
voyer chaque jour ce qui m'étoit néces-
saire, et, dès le premier jour de ma pri-
son, de quoi me coucher asssez propre-
ment. Ces messieurs demandèrent bien
permission de venir me visiter, mais ils
ne purent l'obtenir. Je voyois seulement
leurs trois enfans, qui avoient été mes
escoliers à Mauzé, du haut de cette tour,
par la petite ouverture qui regarde sur
le pont levis 1 , lesquels m'apportoient
des provisions chaque jour, sans toute fois
que je pusse me faire voir à eux ni leur
faire connoitre que je les voyois. Je fus
visité seulement d'un jésuite - qui ne
m'ébranla en aucune manière, quelque
chose qu'il pût me dire. J'ai toujours été,
grâce au Seigneur, fortement persuadez
de la vérité et des doctrines qu'enseigne
notre religion.
Jeanneton eut permission de me voir
Jeanne de La Motte, banquier, qui épousa en 1680
Marie-Anne Hérault. (Rens. Pandin).
i Ce pont-levis faisait communiquer sans dou-
te le rempart du Gabut et le port extérieur.
- Après la prise de la ville en 1628, Louis XIII
avait donné le collège des réformés aux Jésuites.
— 160 —
avec une de mes parentes 1 qui étoit en
condition à la Rochelle, et ce fut au bout
de trois semaines que, sortant de cette ca-
verne du bois d'Olbreuse avec les autres
personnes qui s'i étoient cachez et appre-
nant ma prison, vint à la Rochelle et, à la
prière de quelqu'ami qu'elle y trouva, il
lui fut permis de me voir. Elle m'apprit
l'état de vous tous et comme, au sortir de
cette caverne, Anne étoit allée en Poictou,
Marie et Elisabeth hors de la maison où
je les avois mis, sans que personne voulût
ou osa les recevoir, Jean et Philémon re-
tourné à Olbreuse sans oser de jour entrer
en aucune maison, et elle qui me parloit
ajouta qu'à son retour elle ne savoit à qui
s'adresser, personne ne voulant aucun
d'eux.
Tout cela n'étoit point capable d'ébran-
ler une âme bien persuadée de la bonté
et du secours de son Dieu, et entièrement
résigné à sa volonté. Et bien que je n'aye
aucune, voire la moindre raison à allé-
guer pour couvrir, pallier, ou diminuer
mon péché contre Dieu et le scandale que
' « F. Brochure », dit le manuscrit de Brème.
— 161 —
j'ai donné à son Eglise et à nies frères, je
veux bien dire pourtant que pendant ces
trois semaines j'étois entièrement résolu
de me soumettre à tout ce qu'il plairoit à
Dieu m'envoyer. Je n'écoutois pas môme
les pleurs de Jeanneton ni les prières
qu'elle me fît d'avoir pitié de vous et de
votre misère. Je la renvoyay sans changer
de résolution.
Cependant je eroi que cette visite fut
un lacs qui contribua beaucoup à me fai-
re trébucher et un piège que Pennemis
de mon salut m'avoit tendu, tant il est
dangereux d'écouter la chair quand il est
question de suivre J.-C.
Oui, je l'advoue, que quoi que je me
fusse dépouillé autant que mon infirmité
le pouvoit permettre de cette affection
charnelle et naturelle, et que je deman-
dasse à Dieu continuellement son secours
et pour vous et pour moi, je fis malheu-
reusement réflection, après son départ, sur
ce qu'elle m'avoit dit de votre état, et je
m'apperçu bien en peu que je ne m'estois
pas bien résigné comme il falloit à la sage
Providence, puisque quatre jours après
(ô malheureuse journée !), je demanday
— 162 —
à sortir de cotte prison sans penser que
j'allois me précipiter dans une antre, ou
plutôt dans un abîme, où j'usse péri et
demeuré enseveli à toujours, si la miséri-
corde de Dieu n'eût abondé par dessus
mon péchez.
Mais, grâces immortelles soient à ja-
mais rendues à ce bon Dieu, à ce bénin
Sauveur et Rédempteur, lequel a eu pitié
de moi et de vous ! Il a fait passer arrière
mon péché, et il ne veut plus se souvenir
de mon iniquité, m'ayant retiré de cet ef-
froyable abyme de malheurs où je m'étoit
précipité si lourdement, et m'ayant en sui-
te, pour comble de grâces et de bénédic-
tions, accordé le plaisir et la consolation
de vous voir, neuf de vous, en pleine liber-
té d'écouter sa sainte Parole.
Hors de la prison.
Délivrance de Philémon, Jacques et Gabriel
Au sortir de cette prison, un officier
me conduisit au couvent de l'Oratoire 1 ,
' La maison des prêtres de l'Oratoire sert au-
jourd'hui d'Ecole normale d'institutrices, et l'é-
Intérieur de la Tour S 1 -Nicolas
1(53
et là je signoit un billet sans m'enqué-
riï de ce qui étoit écrit. Je ne faisoit
pourtant point de doute de ee qu'on y
employoit, et ce fut eela môme qui pres-
que m'accabla dès un moment après que
j'en fus sorti. L'horreur de mon péché se
présenta si fortement à moi, dès que je
ne vis plus de garde autour de moi, que
je fus presque au désespoir pour quelque
tems.
M. Martin, qui m'étoit venu voir au
sortir de ma prison, m'enmena chez lui,
où, ayant un peu repris mes forces et mes
esprits et goûté les consolations qu'il me
donna, je résolus de retourner vous cher-
cher. Je le remerciay, et mes autres amis
aussi, et je sorti de la Rochelle le même
jour au soir, cheminant toute la nuit pour
arriver au matin à Mauzé, distant de trois
mille K
glise, de salle de conférences. En 1684 cette con-
grégation régissait quatre des cinq paroisses de
La Rochelle. (Tessereau).
i II y a évidemment un lapsus dans le manus-
crit. Mauzé est à quarante kilomètres de La Ro-
chelle. Le passage manque dans le manuscrit de
Rrême.
— 164 —
Je ne saurois exprimer en cet endroit
combien mon mal augmenta, lorsque je
fus à Mauzé, et embrassé de quantité d'a-
mis. Ils pensoient, quelques uns d'eux, me
faire grand plaisir en me disant qu'ils
étoient joyeux de me voir sortir de prison.
Leurs félicitations étoient des coups qui
me navroient le cœur. Je connoissoit mon
péché, et jamais criminel n'a eu tant d'ac-
cusateur que j'en trouvois chez moi pour
me reprocher mon crime et mon péché.
Je fus quelque tems sans oser prier Dieu,
et quand par fois je voulois commencer
à élever mes yeux au ciel, une frayeur me
saisissoit et me faisoit demeurer dans une
grande consternation. J'ay souvent pensé
à ce que Dieu dit au méchant au Pseau-
me 50 i.
J'eus encore une nouvelle peine à me
i Aussi dira l'Eternel au méchant :
Pourquoi vas tu mes édits tant preschant,
Et prens ma Loi en ta bouche maligne,
Veu que tu as en haine discipline,
Et que mes dits jettes et ne reçois !
Ps. L, 16 et 17. (Trad. de Cl. Marot).
— 165 —
déterminer, si je devois entreprendre d'al-
ler voir M"" d'Olbreuse. Je me souvenois
bien qu'elle avoit reçu diverses visites de
personnes tombées dans le péché où j'étois
tombé, mais je savois aussi qu'il n'i en
avoit aucun pour qui elle eût tant fait
comme pour moi, et c'étoit la raison qui
m'empèchoit et me faisoit craindre de me
présenter devant elle. Cependant, après
avoir beaucoup resvé et pensé, je fus à
Olbreuse, et ayant fait demander à Mada-
me si elle vouloit bien avoir la bonté de
permettre que j'entrasse la saluer, on me
dit que je pouvoit entrer librement. J'en-
tray incontinant, triste et confus au delà
de ce que je me suis jamais rencontré.
M me d'Olbreuse étoit accompagnée d'une
petite troupe de demoiselles, qui avoient
demeuré cachées dans la maison auprès
d'elle. Je fus si interdit pendant demie
heure qu'à peine pouvois-je ouvrir la
bouche pour répondre à quelques inter-
rogations qu'on me tit. Mes yeux et mon
cœur parlèrent plus que moi dans cet in-
tervalle, et après quelques salutaires re-
proches que cette charitable troupe me
fit, chacune à son tour, (c'étoit M 1Us de Som-
— 166 —
maise 1 , de Villeneufve-Chaufepié -, de la
Croix 3 , et George 4 ), elle changèrent in-
continent de discours et de langage, et
elles me consolèrent et exortèrent, et à
l'envi les unes des autres, elles tâchèrent à
i Elisabeth Bénigne de Saumaise, tille du cé-
lèbre érudit, née en Hollande, avait perdu sa
mère à Paris en 1057. Après une détention dans
la citadelle de Ré et dans un couvent de Niort,
elle reçut l'autorisation de repasser en Hollande
(mai 1687).
- Anne de Chauffepié, dite M"' de Villeneuve,
sœur des pasteurs de Couhé et d'Aulnay, s'était
retirée à Mauzé auprès de ses tantes de la Forest.
A l'arrivée des dragons, elle s'était réfugiée au
château d'Olbreuse. Elle a laissé une très intéres-
sante relation de sa détention dans la citadelle
de l'île de Ré et dans divers couvents de 1686 à
1688. Elle passa en Hollande en septembre 1688.
(Bull. prot. />., VI, p. 57, 256 ; LU, p. 250).
3 Catherine de Chauffepié, dite M 11 " de la Croix.
La troisième sœur, Marie-Claude, dite M lle des
Aubiers, était alors à La Rochelle chez les de-
moiselles Bion. Elle y resta cachée et s'embar-
qua pour la Hollande en mars 1687. {Bull. prot.
/>., LU, p. 24!)).
■i Peut-être de la famille du médecin roche-
lais D. Georges, cité dans Exagoge mirabilium na-
turae, 1628, p. 89. Ses descendants existeraient
encore en Angleterre. (Rcns. Pandin).
167
dissiper le mal qui me rongeoit incessa-
ment.
Je dois beaucoup à ces demoiselles,
ayant contribué pour ma consolation,
avec M" 1 " d'Olbreuse, autant qu'il leur fut
possible, surtout à M lk de Villeneufve, la-
quelle à mon sujet dressa un formulaire
de prière pour les personnes qui avoient
eu le malheur de tomber, et cherchoient
leur consolation en Dieu seul. J'en garde
une copie, et j'en ai laissé plusieurs en
France à diverses personnes pour leur
consolation.
M me d'Olbreuse me parla de vous, et elle
me dit que je l'erois bien de prendre une
chambre pour vous rassembler, et que
pour moi, si je le souhaitois, je pourrois
demeurer dans sa maison comme aupa-
ravant mon malheur, et que je m'eiii-
ployerois à mon ordinaire à prendre soin
de beaucoup d'affaires qu'elle avoit sur
les bras depuis le départ de Monsieur 1 .
J'acceptay de bon cœur ces obligeantes
offres, et de fait je demeuray dans la
i A la fin de décembre 1685. (Cf. p. 140).
168
maison jusques à son départ pour Paris.
Je tronvay votre grand-mère audit 01-
breuse. Elle y étoit arrivée quelques jours
avant moi et tombé dans le même péché.
Je pris donc une chambre à Olbreuse, et
je vous rassemhlay tous auprès d'elle.
L'aînée, comme j'ai dit, étoit allée dans
le Poictou. Elle s'i cacha plus aisément,
attendu les amis et les habitudes qu'elle
y avoit en divers lieux. Quelque jours
s'étant passez sans en savoir de nouvel-
les, j'y allay exprès pour la chercher, et
m'étant informé d'elle à diverses person-
nes, j'appris enfin où elle étoit. Mais
étant arrivé chez un amis qui l'avoit gar-
dée quelque jours, on m'apprit qu'elle en
étoit partie au matin pour retourner à
Olbreuse. Je retournay aussi et je la trou-
vay arrivée avant moi. Elle y a demeuré
depuis, et au Grand Breuil, avec votre
grand-mère et vous jusques à notre départ
de France pour ces heureuses provinces,
sans que (grâces à Dieu) personne lui ait
fait faire aucune chose contre sa cons-
cience.
Quelques jours après, Jeanneton fut de-
mandée pour aller à la Rochelle servir
— 169
M ma de la Croix ', et s'employa à gouver-
ner ses enfans «et ceux de M. Vlamin-.
Elle a resté à la Rochelle jusqu'à son
embarquement.
11 n'y avoit aucun de vous qui me fût
plus à charge que Jean, attendu son âge,
et que je n'étoit point en état de l'avan-
cer davantage à lire et à écrire, et après
avoir pencé ce que je de vois faire à son
égard, je résolus de lui faire apprendre
une vocation. Je l'y exortay, et il me pro-
mit beaucoup pour tenir rien. Cependant
je le donnay pour deux ans à un mar-
chand sergetier de St-Maixant, et je m'o-
bligeay de lui payer soixante livres pour
ce teins d'apprentissage. Vous savez la
pluspart de vous comment il s'est acquité
de son devoir.
Peu de tems après, arrivèrent les fêtes
de Pâques qui nous enlevèrent M me d'Ol-
i Plusieurs membres de la famille de la Croix
devinrent directeurs de la Chambre de commerce
de la Rochelle (Rens. Meschinet de Richemond).
2 Famille de marchands et de banquiers ro-
chelais. Henri Vlamin, fds d'Henri et de Su-
zanne Henry, épousa Suzanne de la Croix (1683).
(Rens. Pandin).
— 170 —
breuse. Elle prit la route de Paris pour
joindre Monsieur qui l'y attendoit pour
passer en Allemagne, le roy leur ayant ac-
cordé leur congé pour sortir du royaume.
Ce départ m'affligea beaucoup, quoique cet-
te charitable dame me donna mille témoi-
gnage de sa bonté, et pour comble, elle
voulut bien ammener Philémon avec elle,
en m'assurant que Monsieur ne manque-
roit pas de travailler à son salut, et le fai-
re suivre ou aller de va ni eux lors qu'ils
se verroient en état de partir.
J'eus l'honneur d'accompagner M me d'Ol-
breuse jusques à St-Maixant et, après lui
avoir témoigné mes très humbles recon-
noissances, je lui dit à Dieu, et j'embras-
say Philémon dans l'incertitude s'il auroit
le bonheur de pouvoir suivre son bon
maître. Dieu, par sa grâce, bénit leur
voyage, leur fit ressentir son secours en
les délivrant de la persécution généralle
qu'on faisoit dans ce grand royaume à
ceux de notre religion. J'appris l'arrivée de
Philémon en Allemagne, en même tems
que j'appris celle de M. et M me d'Olbreuse.
J'en remerciois Dieu de tout mon cœur.
Ma joye s'augmenta quelques jours
— 171
après, en recevant une lettre de voire
aine l . Elle étoit datée et écrite de cette
ville (d'Amsterdam), et j'y appris qu'il
y a voit trois mois qu'il étoit sorti de
France. J'ay dit que dès la St-Michel
(1685), il avoit été chez M. de Chaban
pour éviter l'arrivée des dragons à Mauzé.
Ce gentilhomme, qui avoit la crainte de
Dieu -, quitta sa maison peu de jours
après, ne prenant avec madame son épou-
se qu'une femme de chambre, un cocher
et un laquais, avec votre aîné qui servoit
de postillon, et, prenant le chemin de Pa-
ris, y arrivèrent dans peu de jours, et
après y avoir séjourné environ un mois,
prit le chemin qu'il crut le plus propre et
le plus sûr pour sortir du royaume. Dieu
permit qu'ils fussent arrestez étans fort
proche de la frontière. L'intendant du
lieu les retourna à la prochaine bourgade,
d'où on les arresta, et les ayant fait souf-
1 Jacques.
- « Car au lieu d'attendre les dragons comme
firent la plus grande partye de la noblesse, il
quitta et abandonna sa maison et tout son bien,
ne prenant, etc. ». dit le manuscrit de Brème.
172
frir plusieurs duretés, il les renvoya avec
tout l'équipage à Paris. Et c'est de là que
votre aîné partit seul, et, prenant la route
qui lui fut enseignée, Dieu lui fit la grâce
de se rendre dans cette ville ' .
Ce surcroit de délivrance me fit espé-
rer que Dieu aurait pitié de moi. Je
voyois trois de vous hors des peines et
des persécutions, Gabriel ayant eu le
bonheur de suivre M. de la Forest, aus-
si son bon maître, peu de teins après
la révocqualion de l'Edit de Nantes, et
lors qu'il parut une déclaration du roy
qui banissoit tous les ministres du royau-
me 1 -, M. de la Forest n'ayant pas eu moin
de bonté pour le salut de Gabriel qu'il en
avoit eu de celui de M. Goribon, son ne-
veu :; , les ayant tous deux l'ail embarquer
i Henri de Pontard passa en Allemagne, avec
sa femme, le 4 septembre Ki87.
- L'article IV de l'édit du mois d'octobre 1685
bannissait tous les ministres du royaume. Le 1"
juillet 1686 une Déclaration du roi édicta la peine
de mort contre les ministres surpris en France et
les galères à perpétuité contre ceux qui leur don-
neraient asile.
:: Nous n'avons aucun renseignement sur ce
personnage.
— 173 —
avec beaucoup de dépenses et de périls
dans le même vaisseau qui l'apporta, avec
M 1U de la Forest, dans ces Provinces '.
Je vous voyois encore un grand nom-
bre auprès de moi, mêmes les plus petits :
cependant je résolus en moi de sortir du
royaume avec le secours de Dieu pour le
pouvoir glorifier en toute liberté.
Préparatifs de départ
Je commençois à y travailler peu de
jours après avoir reçu les nouvelles de
Jaques ici et de Philémon en Allemagne.
Je fis pour cela quelques voyages à la Ro-
chelle, où ayant communiqué mon des-
sein à quelques uns de mes amis, on me
dit qu'il étoit impossible pour lors de
pouvoir sortir. On gardoit le port et les
costes si exactement, que même on étoit
en péril étant soupsçonné de vouloir sortir
du royaume. Je retournay à vous, et pour
ce que je n'avois aucune chose à m'em-
ployer, je me donnai au prières de M me et
i Les Provinces unies, la Hollande.
12.
— 174 —
M lle de Mizeré 1 (chez qui j'ai eu l'honneur
de demeurer en qualité de précepteur dès
l'année 1660). Cette dame et cette demoi-
selle n'avoient pas eu plus de fermeté que
moi, étant tombé dans un pareil mal-
heur-. Elles avoient beaucoup de confian-
ce en moi, et ne me cachèrent point le
dessein qu'elles avoient formé de sortir
de France, et se dérober à la persécution
à la première occasion qu'elles pourroient
trouver. Elles m'exortèrent souvent de pen-
ser à leur sortie et à la mienne, m'ajou-
tant qu'il ne manqueroit point or ny
argent si j'étois assez heureux pour leur
rendre quelque bon office pour cela.
i Elisabeth d'Aix ou d'Aitz, épouse d'Antoine
Gillier, baron de Mauzé, seigneur de Mizeré et de
la Petousse. Elle avait deux fdles, Elisabetb, qui
vivait en 1700, et Catherine, née le 19 mars 1661.
Réfugiée avec sa fille Elisabeth à Nimègue et
tombée dans une grande misère, elle reçut des
Etats de Gueldre, en 1697, un secours de cent
florins, plus une pension d'environ 500 livres.
(Voy. M'" e Alex, de Chambrier, Henri de Mirmand,
p. 276 et app. p. 22 et 108).
^ L'abjuration de M me et M lle de Mizeré figure
sur les registres paroissiaux de Mauzé à la date
du 6 avril 1686 (Rens. H. Gelin).
175
Un an entier s'écoula sans pouvoir rien
faire, quoi que, pendant ce tems, je fis di-
vers voyages à la Rochelle^ «Pavois aussi
d'autres affaires à négotier pour M mc de
Mizeré, tantôt dans un lieu et tantôt dans
un autre. Vous savez, au moins Anne et
Pierrot qui a demeuré avec moi pendant
la plus grande partie du tems que j'ay de-
meuré chez M me de Mizeré, combien d'en-
nuis et de chagrins il m'a l'alu essuyer
pendant vingt mois entiers.
Les quinze premiers se passèrent en al-
lant et revenant de l'une de leur maison
à une autre, et souvent j'étois seul dans
celle où elles n'étoient point, pour vendre
leurs fruits, les recevoir et tirer les paye-
ment de divers arrérages de leurs cens et
rentes, n'y ayant aucune de leurs terres
affermées.
La conduite de Jean m'affligea sensi-
blement pendant ce tems. Vous savez
comme il se débaucha de son apprentis-
sage au bout de six à sept mois et lors
qu'il commençoit à travailler. Il quitta
effectivement son maître, et pendant les
mois de novembre et décembre 1686, il fit
diverses promenades de maison en mai-
17C
son, chez des personnes qu'il savoit être
de mes amis, leur disant mille choses con-
trouvées. En un mot il s'abandonna à être
garnement. J'en fus avertis par quelques
uns chez qui il avoit passé, et n'i pouvant
mettre d'autre remède, j'envoyay Jean
Dillot le chercher de lieu en lieu, et lequel
le trouva à la Chatagneraye chez M. Gui-
chet de la Gratière \ duquel j'avois eu le
lils en pension à Mougon et à Mauzé. Dil-
lot le ramena avec bien de la peine, et
ayant demeuré quelques jours auprès de
moi, je l'observay exactement et ayant re-
marqué que son esprit étoit enclin à tou-
tes sortes de bassesses, je pris le parti de
suivre le conseil de M. Jacques Martin, du-
quel j'ay parlé et à qui je contay ma dou-
leur à son sujet, qui fut de l'envoyer aux
Iles pour se mortifier pendant trois ans,
m'ajoutant que c'étoit le seul remède dont
1 Gabrielle Guichet, de la Châtaigneraie, 28
ans, révoqua son abjuration à l'Eglise de la Sa-
voye à Londres, le 30 janvier 1687. (Bull. prot. fr.,
LIV, p. 356). Le Rolle des nouveaux convertis ne
cite que Jeanne Flamand, veuve de feu André
Guichet.
— 177 —
on se servoit à la Rochelle pour ramener
les jeunes gens qui s'écartoient ainsi de
leur devoir, et qu'au bout de ce teins, s'il
plaisoil à Dieu lui faire la grâce de se
rcconnoître, je le reverrois honnet homme.
Je pris ce parti avec beaucoup de dou-
leur, et étans advertis qu'un vaisseau par-
toit en peu pour St-Domingue, lequel em-
menoit plus de 25 garnemens, j'y allay
incontinent, et ayant trouvé l'équipage
prêt à partir, j'envoyois un bomme exprès
de la Rocbelle chercher le mien. Cet hom-
me l'amena et je lui demanday s'il vou-
loit aller sur mer ? Il me dit qu'oui,
n'ayant autre dessein plus à cœur que de
s'éloigner de moi. Je le laissay chez
M. Martin. Je l'embrassay en pleurant, et
on l'embarqua le même jour, et ce fut au
commencement du mois de février 1687.
Le navire appartenoit à M. Louis Mas-
siot 1 . Son souvenir fait ici pour moi une
1 Louis Massiot, négociant et raflineur, époux
de Marie Nezereau, avait signé en septembre 1685
une promesse d'abjuration avec Jacques Gode-
froy et autres. Lettre de Chastellurs à Amou, 20
septembre 1085 (Arch. de Saintonge, XIII, p. 200).
178
tristesse continuelle, n'en ayant pu avoir
aucune nouvelle depuis son arrivée en la-
dite isle de St-Domingue. Le capitaine
dudit vaisseau nommé Chabosseau *, le-
quel, au lieu de retourner à la Rochelle,
vint ici pour se dérober à la persécution,
et m'a dit qu'arrivant à St-Domingue il
avoit laissé votre frère au port de Pay 2 ,
chez M. Godefroy 3 .
Les affaires de M me de Mizeré étoient
fort avancées. Elles a voient vendu la ter-
re de Mauzé qui appartenoit à Mademoi-
selle 4 , et en avoit touché une partie du
prix. J'avois de plus trouvé des fermiers
pour leurs principales terres, comme pour
1 Sur la liste des officiers français réfugiés en
Hollande, en juillet 1688, on trouve Jean Chabos-
seau, capitaine d'une frégate du roi. (Bull. prot.
/>., XXXVI, p. 199).
- Port de Paix, sur la côte nord-ouest d'Haïti.
3 Famille rochelaise qui a donné un maire à la
commune en 1627 (Rens. Mesehinet de Riche-
mond). Le manuscrit de Brème porte « Geof-
froy » .
4 La baronnie de Mauzé appartenait aux Gil-
lier.
17!)
Petousse ; , Beaulieu -, de Touchelonge :: ,
lesquels fermiers leurs payèrent chacun
une année d'avance ou peu moins, et en-
core comme leur procureur et chargé à
diverses fois de leur procuration généralle
et spécialle, j'avois en leur nom vendu
quelques d'homaines qui n'étoient pas at-
tachez à leur terres. Tout cela leur fit une
somme de vingt à vingt-cinq mille livres
qui les obligea à penser plus particulière-
ment à sortir de la persécution.
J'étois aussi de mon côté tant las de
leurs affaires que je n'en pouvois plus,
n'ayant point eu de repos depuis que je
m'étois donné à leur service. Je ne fai-
sois qu'aller et retourner d'un lieu à l'au-
tre, comme j'ay dit. J'étois partout en
Aulnix, en Xaintonge et en Poictou, et ce-
pendant je ne demeurois en aucun en-
droit, Dieu se servans de ces moyens pour
i Vill., corn. Exoudun, cant. la Mothe-St-He-
ray (Deux-Sèvres).
2 Sans doute vill., coin. Usseau, cant. Mauzé
(Deux-Sèvres).
s II y a deux Touchelonge en Saintonge, l'un
commune de Marennes, l'autre de St-Laurent-de-
la-Prée.
— 180 —
m'oster à la vue de quatre prêtres, en-
tr'autres de Chavagné 1 , de Mougon, de
Mauzé et d'Usseau 2 , lesquels avoient con-
çu une haine mortelle contre moi, sa-
chant que je n'avois fait aucune desmar-
che pour visiter leurs parroisses, et que
j'avois leur service en adversion plus que
jamais.
Les trois derniers mois que j'ay demeu-
ré chez M me et M Ue de Miseré se passè-
rent en promenades à La Rochelle, es-
pérant d'y trouver un vaisseau qui en-
treprit le voyage de quelques personnes.
M me et M Ue de Miseré me promettoient
souvent de ne me laisser point, ni au-
cun de vous, si l'occasion d'un navire se
trouvoit. Après bien des tours et voya-
ges, un maître anglais se laissa gagner à
l'espérance de recevoir six cents écus pour
notre passage. Le marché et convenances
furent arrestées, et il n'étoit plus ques-
] Cant. St-Maixent, arr. Niort (Deux-Sèvres).
En 1687, le curé de Chavagné se nommait Bou-
det (1626-1693).
- Cant. Mauzé, arr. Niort. Le curé d'Usseau se
nommait Baron en 1692.
— 181 —
lion que de partir de Mauzé, où Madame
et Mademoiselle étoient pour lors.
Mais comme il n'y avoit guère de sta-
bilité dans leurs entreprises, elles changè-
rent de volonté tous d'un coup, et au lieu
qu'auparavant elles ne parloient que de
s'embarquer, elles dirent qu'elles vouloient
aller à Paris, d'où elles pouroient s'échap-
per plus aisément, adjoutant qu'elles pren-
droient le prétexte d'un procez qu'elles y
avoient. J'y eusse été avec Pierrot si je
n'usse eu à cœur de vous voir tous en li-
berté, m'ayant offert de nous enmener, et
ajoutant que, si elles voyoient jour pour
partir, elles mettroient ordre pour vous
aussi.
J'étois si accoutumé de les voir changer
d'advis, que, sans différer, je pris le parti
de rester pour attendre une autre occa-
sion, espérant que Dieu auroit pitié de
nous.
Déceptions et retards
M rae et M lle de Miseré partirent, et ce fut
le 24 novembre 1687 que je leur dis à
182
Dieu au bourg de Chenay 1 , près leur mai-
sou de Petousse, d'où elles prirent leur
chemin de Paris. Elles me laissèrent une
ample procuration pour faires leurs affai-
res et suite de leur procédure qu'elles
avoient à St-Maixant et à la Rochelle 2 .
Après leur départ, je passay dans leur
dite maison de Petousse mettre ordre à
quelques affaires. De là je fus à St-
Maixant, à Nyort, à Bougouin •"■ et autres
lieux où leur dites affaires m'appeleroient,
ensuite à Mauzé 4 , mettre à couvert les
meubles qu'elles y avoient laissez, en ayant
fait voiturer à Paris tous ce qu'un roulier
put mettre sur sa charette.
Je ne restois à Mauzé que deux jours, et
je me rendis à la Rochelle au troisième
pour la sollicitation d'un procez contre
M. le comte de la Villedieu 5 . J'avois deux
i Cant. Lezay, arr. Melle (Deux-Sèvres).
- « Contre M. le comte de Villedieu », dit le
manuscrit de Brème.
:: Château et village, corn. Fressines et Chava-
gné.
■■' « Cher le sieur Guillos », dit le manuscrit
de Brème.
5 François-Charles Gillier, comte de la Ville-
— 183 —
vues dans ce voyage et deux sortes de
sollicitations : celle de notre sortie de
France me touchoit bien plus que l'autre.
Je voyois M me et M IIe de Miseré prendre
une route toute contraire à celle qu'elles
me faisoient espérer pendant vingt mois
que j'avois demeuré dans leur maison. Je
m'apperçu, mais bien tard, que j'avois fait
leurs affaires, et négligé en partie les
miennes. Cependant je ne désespérois
point. J'avois fait beaucoup de connois-
sanec, d'habitudes et d'amis à la Rochelle.
Je, veux mettre en premier rang M me de
Choisi ', laquelle depuis près de dix-huit
mois, avec Mademoiselle sa fdlc, avoit
abandonné sa maison de Chantemerlière -,
près d'Aunay en Poictou, ayant avec elle
dieu, capitaine au régiment Dauphin, épousa
le 15 février 1680, Louise de la Chesnaye et mou-
rut à Paris le 2 juillet 1719.
1 Louise de Cumont venait de perdre son mari
Auguste de Laste, sieur de Choisy, capitaine du
château de Chef-Boutonne. Elle passa en Hollan-
de, peu de temps après la tentative malheureuse
que nous allons voir. Ses biens confisqués, furent
donnés à sa sœur Jeanne de Cumont, convertie.
- VilL, corn. Contré, cant. Aulnay, arr. St-Jcan-
d'Angély (Charcnte-inf.).
184
M. Meneguerre ] qui alloit et négotioit ses
affaires, cherchant le moyen de se déro-
ber aussi de la persécution. Et parce que
cette dame étoit venue nombre de fois à
Mauzé, étant parente de M me de Miseré 2 .
j'avois l'honneur d'être aimé d'elle et de
Mademoiselle sa fille. M. de Meneguerre
et moi avions aussi fait amitiez ensemble,
et nous ne nous cachions point nos des-
seins. Estant arrivé à la Rochelle, je ren-
dis mes premières visites à M me de Choisi,
et ayant conféré ensemble et avec M. Me-
neguerre, et repassé en nos mémoires les
entreprises que nous avions faites avec
M me et M 1Ie de Miseré, nous étans les uns
et les autres appuyé sur le secours que
nous espérions en avoir, et d'autant que
nous nous en trouvions frustrez tout d'un
conj), nous prismes résolution de travail-
ler de concert plus fortement à notre dé-
livrance. M me de Choisi me promit d'avoir
soin de notre sortie comme de la sienne,
i Menncguerre finit par passer en Hollande
avec Jean Miganlt en 1G88.
- René Gilliers, sieur de Salles et de Fongeray,
avait épousé Louise de Choisy.
— 185 —
et M. Meneguerre m'assura ([n'en mon ab-
sence il y travailleroit comme pour eux,
et que cependant je pouvois retourner à
Mauzé et auprès de vous au Grand Breuil
pour y attendre de ses nouvelles.
Je retournay au Grand Breuil, où vous
étiez 1 , il y avoit quelque mois, et je n'i
restay que quatre jours au bout desquels
je reçu une lettre de M. Meneguerre, par
laquelle il me mandoit d'aller prompte-
ment le trouver. Je partis le même jour et
étant arrivé à la Rochelle et nous étant
entretenus, nous fumes ensemble donner
nos paroles pour contribuer à fretter un
vaisseau hollandois, lequel, moyennant
mille écus, le capitaine nous devoit rece-
voir en son bord jusques au nombre de
soixante et dix ou quatre-vingt person-
nes. Chacun devoit payer- sa part de cette
somme.
Cette affaire fut bien commancée, mais
très-mal ménagée pour nous et pour nom-
bre d'autres qui étoient de la partie, nous
laissant conduire à l'un qui se croyoit
plus sage qu'il n'étoit.
1 « Où je vous avais plassé dans une petite
maison », dit le manuscrit.
13.
— 186 —
Ce marché et convenances étant faites
avec ce maître de navire, je retonrnay
auprès de vous, et j'emploiay cette in-
tervalle de tems pour exoïter votre grand-
mère, comme j'avois fait autre fois, de
ne nous abandonner point, et venir glo-
rifier Dieu avec nous. Vous savez que mes
raisons ne purent la détacher du pays, et
qu'à mon grand regret elle a demeuré
dans la misère. Je lui déclaray alors ma
dernière résolution, et je lui dis que je
n'attendois qu'à recevoir des nouvelles
d'un de mes amis pour partir avec vous.
Elle s'affligea beaucoup, me voyant ré-
solu de m'exposer avec vous à tans de
dangers ; mais lui ayant dit que je remet-
tois le tout de mes affaires entre les mains
de la providence de Dieu, et après lui
avoir représenté les peines que je souf-
frois en mon âme pour la faute que j'a-
vois commise, elle ne me répondit que
par ses larmes.
Ayant donc pris ma dernière résolution
et vu qu'il étoit impossible de l'ôter du
pays pour nous accompagner, je donnay
les ordres nécessaires à votre aînée afin
de se tenir prête de partir à toute heure
187
avec les petits. Elle s'i employa comme je
le souhaitois, el je lui rends ce témoigna-
ge en cet endroit qu'elle a bien l'ait son
devoir dans une occasion où il s'agissoit,
non seulement de se sauver, mais aussi
de sauver quatre petis enfans qui ne poil-
voient (au moins trois d'entreux) me sui-
vre sans avoir une personne pour les gou-
verner en particulier. Elle fit quelques
petits paquets de linges pour nous servir,
et peu d'autre choses, de manière que je
me reposay de ce côté siir son soing.
Le lendemain je retournay à Mauzé, et
j'y trouvay une lettre à la poste, par
laquelle M. Meneguerre m'advertissoit
qu'aussitôt sa lettre vue, je me transpor-
tasse à la Rochelle et que je portasse avec
moi tous mes papiers, jusques à la plus
petite pièce, attendu que mon procez étoit
sur le point d'être jugé. Je compris incon-
tinent ce qu'il me vouloit dire, sachant
que le maître de ce vaisseau n'attendoit
qu'un vent favorable pour lever l'ancre.
M me de Choisi avoit offert sa maison à
une fille qui avoit servi M me de Miseré,
et laquelle avoit resté à Mauzé depuis son
départ. Cette fille, nommée Marthe Ba-
188
bault 1 , avoit volonté de se sauver avec
nous, et ayant advertie de partir aussi
sans tarder, j'envoyay Pierrot avec elle,
et tous deux trouvèrent retraite chez
M me de Choisi. Cette dame dit à ses voi-
sins qu'elle prenoit cette fille pour la ser-
vir et que Pierrot étoit filleul de feu
Monsieur son mari, pour ôter tout prétexte
aux voisins qui avoient l'œil ouvert à tout
ce qui se passoil dans sa maison. Je me
rendit le lendemain à la Rochelle, et j'y
trouvay les choses tellement prêtes que ma
famille seule manquoit pour faire que le
nombre de l'entreprise fut complet.
Je cherchois dans le même jour un voi-
turier, et on m'en fit trouver un, qu'on
m'assura fidelle, ayant quatre bons che-
vaux. Je lui promis tout ce qu'il demanda
pour aller vous chercher. Cet homme me
donna parole d'être le lendemain à deux
heures du soir à Mauzé, et je lui marquay
un logis, où m'étant rendu de bonne heu-
re, je l'attendis jusqu'à la nuit sans qu'il
y vînt du tout. Jamais homme ne fut plus
i Marthe Babault finit en effet par passer en
Hollande avec J. Migault et ses compagnons en
1688.
189
embarassé que je le fus alors, ne sachant
de quel côté me tourner pour mettre or-
dre à notre départ.
La nuit étant venue, j'allay chez un voi-
turier dudit Mauzé qui avoit une fort bon-
ne monture. Je lui demanday pour aller
à la Rochelle, et je lui promis ce qu'il me
demanda, moyennant quoi il m'accorda
de partir à l'heure qu'il me plairoit pour
aller avec moi vous chercher au Grand
Breuil. Nous y arrivâmes sur la minuit, et
j'avois envoyé advertir Anne dès le soir
de coucher de bonne heure les petits afin
qu'ils pussent avoir un peu dormi avant
notre départ. Etant arrivé au Grand Breuil
je cherchay et je trouvay deux autres
montures de voitures, et m'étant accordé
avec les maîtres pour les avoir avec leurs
chevaux pour nous conduire, je trouvay
un peu de consolation.
Il y avoit quelques jours que j'avois
trouvé un prétexte pour vous enmener
tous d'un coup. C'est qu'étant hors du
roîle des tailles 1 de Mauzé, je ne pouvois
i Les receveurs des tailles avaient ordre de
taxer les protestants le plus sévèrement possible.
On détaxait les nouveaux convertis et l'on repor-
190
m'empêcher d'être imposé en celui d'Us-
seau, et pour prévenir cette imposition, je
disois aux voisins que je voulois vous
enmener avec moi pour demeurer à la
Rochelle. Cela fil l'effet que je m'étoit pro-
posé, et personne ne me soubçonna de
vouloir aller plus loin. Aussi étoit-il bon
besoin que mon entreprise fût secrète, y
ayant des gens à Mauzé et à la Rochelle
qui m'ussent bien arresté.
Je ne me cachay pourtant pas à tous
mes voisins. Il y en avoit un en qui j'avoit
une entière confiance, avec raison ; il étoit
papiste, mais bonnet homme, secret aussi
bien que sa femme. Ils m'aidèrent à mettre
à couvert mes papiers, et je les envoyay
par cet homme, nommé François Chauveau
dudit Grand Breuil, et par un de ses en-
fans dans la ville de St-Maixant, où ils
sont présentement chez un de mes amis
nommé M. Jacques de Villiers, sieur de
Boisbourdet, qui avoit été mon pension-
tait leur rôle sur les récalcitrants dont la charge
s'en trouvait augmentée. La progression était ef-
frayante. Abraham Papot, de 93 livres en 1680,
passa à 126 livres en 1682 et à 368 livres en 1683.
On comprend que beaucoup préféraient l'exil.
191
naire à Moullé et avoit présenté au bap-
tême Elisabeth', la plus jeune de vous, en-
semble mes livres et cahiers ou proto-
coles, obligations à mon profit, et généra-
lement ce que j'avois de papiers et con-
tracts. Et, à leur retour à St-Maixant, ce
bon voisin m'accompagna du Grand Breuil
jusques au delà de Mauzé, et là il me dit
à Dieu en pleurant et m'embrassant. Ils
nous ont rendu beaucoup de services, sa
femme et lui, et pour les récompenser je
leur ai laissé en partant plusieurs petits
meubles, et ils me dévoient même quelque
peu d'argent.
Première tentative d'évasion
Une heure après minuit du lundi 15 dé-
cembre 1687, le froid étant extrême, nous
partîmes avec quatre chevaux et quatre
hommes pour nous conduire. Nous laissâ-
mes votre grand-mère fort affligée de no-
tre départ et, assurément, je ne l'étoit pas
moin de la voir résolue de rester après
nous, y ayant dix huit ans qu'elle étoit
avec notre famille, mangeant d'un même
— 192 —
pain avec nous. Elle avoit quitté ses au-
tres enfans, Louis et Françoise, peu de
teins après la mort de votre grand-père
Fourestier *, son mari, pour venir auprès
de votre bonne mère, qui étoit l'aînée et la
meilleure de ses trois enfans.
Je ne vous dirois point ce que nous
souffrîmes de froid en général, et les trois
petits en particulier, le reste de cette nuit
et le jour qui nous éclaira ensuite, ayant
été à cheval la moytié de la nuit et toute
cette journée, laquelle étant sur son dé-
clin, je me trouvois plus en peine que ce
que j'avois été avec vous en supportant le
froid de la nuit et du jour, ne sachant où,
ni chez qui mettre pied à terre. On mettoït
en prison à la Rochelle ceux qu'on con-
noissoit étrangers et qui avoient des en-
fans, et hors de ville je ne connoissoit per-
sonne.
Il falut pourtant se résoudre, et, après
avoir bien pensé, je priay mes voituriers
] Du mariage de Jacques Fourestier et de Jean-
ne Mestayer, étaient nés trois enfants. L'aînée
Elisabeth, première femme de Jean Migault,
Louis, marié à Jeanne Brcuillac, et Françoise,
épouse de Jean Bardon.
193
de nous mener proche de Dompierre l .
Je connoissois un homme dans ce quar-
tier-, lequel avoit demeuré autrefois dans
mon voisinage en Poictou, près Mougon ;
mais par malheur je ne savoit point posi-
tivement sa maison. Nos voituricrs m'obéi-
rent, et tournant de ce côté et nous étant
enquis à diverses personnes que nous ren-
contrâmes en chemin :! , enfin on nous
montra le lieu où cet homme demeuroit.
Nous mismes pied à terre devant sa porte,
et nos voituriers s'en retournèrent sans
attendre si on nous recevroit.
J'entray dans cette maison, où il n'y
avoit que la femme, laquelle me recon-
nut, et après lui avoir dit l'embarras où
je me rencontrois, je la priay de permet-
tre que vous entrassiez dans sa maison
pour avoir le couvert pendant quelques
nuits seulement. Cette femme me témoi-
gna prendre beaucoup de part à ma peine,
mais elle me dit que son mari et elle n'o-
i Dompierre-sur-Mer, cant. de La Rochelle.
2 « Jean Bareau », dit le manuscrit.
3 « Sur le chemin de la Belle Croix à Dom-
pierre », dit le manuscrit de Brème. Belle-Croix,
vill., corn, de Dompierre.
194
seroient donner retraite chez eux à aucune
personne, leur étant expressément défan-
du par leur maître qui est M. Jean Mas-
siot 1 . Je lui réitérai mes prières, et lui
lis connoître votre état, la priant de per-
mettre que vous restassiez dans sa mai-
son pour la prochaine nuit seulement, et
j'ajoutay que pour moi j'irois coucher en
ville. Cette femme m'accorda ma deman-
de avec beaucoup de crainte, non pour
l'incommodité qu'elle craignoit avoir de
vous, mais pour les menaces que leur
maître leur avoit faites s'ils recevoient
aucunes personnes étrangères chez eux -.
Je vous laissay dans cette maison et je
m'en allay dès ce soir à la Rochelle, et
heureusement je trouvay un petit caba-
ret dont l'hoste et hostesse étoient de no-
tre religion 3 et fort honneste gens, tombez
i Jean Massiot était commissaire de marine. Le
village s'appelait La Mothe.
- Le 2 novembre 1(581 l'intendant de Demuin
avait rendu une ordonnance défendant, sous pei-
ne de 300 livres d'amende, de loger des étrangers
à la Rochelle et dans tous les bourgs de la côte.
(Bull. prot. fr., XXXIX, p. (52).
•°> « Si on peut dire que nous en eussions dans
195
dans le précipice commun. Ils me reçu-
rent, et je restay chez eux secrettement
près d'un mois.
Le lendemain matin, je rctournay vous
voir, fort pensif en moi-même où je vous
pourrois cacher, ne connoissant person-
ne, ce me sembloit, dans tous ce quartier.
A mon arrivée à la Bugaudière l (ce
lieu ce nommoit ainsi), je fus agréable-
ment surpris lors qu'on me dit qu'au mê-
me lieu, et tous joignant cette maison, de-
meuroit un vieux homme nommé Elie
Bouynot, lequel avoit été longtemps mon
voisin en Poictou, et qui en étoit sorti il y
avoit quatre à cinq ans. Ce bon homme
m'aymoit beaucoup, et, ayant appris dès
le soir de notre arrivée que vous étiez
mes enfans, vous avoit offert une petite
chambre chez lui, sachant que j'étois en
peine de trouver à vous mettre à couvert
pour quelques jours. Je fus inconlinant
voir ce bon homme chez lui. Je l'y trou-
vois, cl je l'embrassois de bon cœur, et
le malheur où nous étions tombés », dit le ma-
nuscrit de Brème.
1 Vill., com. de Dompierre, sur la route de
Mauzé à La Rochelle (Rens. H. Gelin).
196
après nous être réciproquement enquis de
notre état, il me fit les mêmes offres de sa
petite chambre pour tel tems que j'en
aurois besoin. Je ressentis alors une gran-
de consolation, et j'eus lieu de ne douter
plus de la bonne Providence divine, la-
quelle avoit fait trouver exprès dans ce
lieu ce charitable viellard, tout seul dans
sa maison, pour nous recevoir dans un
tems que, pour tout l'or d'une ville, je
n'auroit pas trouvé ailleurs une retraite
si commode pour effectuer mon dessein.
Dès ce même jour, vous fûtes occuper
cette petite chambre, et je n'avoit garde
de refuser l'offre qui m'en fut fait par ce
bon homme, lequel trouva à propos de se
faire appeller grand père par les quatre
plus petits de vous à cause des voisins,
lesquels tons (à la réserve de celui où vous
aviez couché la première nuit), étoient pa-
pistes. Personne du voisinage ne dit pas
un mot, et peut-être qu'ils crurent que
vous étiez fils d'un des enfans de votre
grand père gardien, sachant qu'il en avoit
deux de mariez ; mais plutôt il est vrai que
Dieu vous vouloit cacher, et qu'il vous
tenoit sous sa protection.
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Ml. 1 HB^^^^
J
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m
197
Le vent ne se trouva pas bon pour notre
embarquement, et ce nous fut nécessité
d'attendre jusques au sixième de janvier,
pendant lequel tenis je restay à la Rochel-
le, avec les autres personnes du môme
parti qui étoient cachées pour la plupart.
Le jour fut marqué, et notre rendez-vous
pour nous trouver ensemble sur le bord
de la mer le sixième janvier à six heures
du soir, dans une petite maison proche de
la maison noble de Pampin 1 , et qui est
tout joignant le rivage et distante de la
Rochelle d'une grande lieue, et du lieu de
la Rugaudière, où vous étiez cachez, de
deux ou peu moins.
J'avoit toujours gardé un bon mullet
dans une auberge à la Rochelle, et, c'étoit
celui que M me de Miseré m'avoit laissé à
i Vill., coin. L'Houmeau, cant. La Rochelle. La
maison noble de Pampin appartenait à Daniel
Green de Saint-Marsault, seigneur de Dompierre.
V\\l' centaine de fugitifs, moins heureux que Mi-
gault et ses compagnons, y avaient été surpris par
le commissaire Voyneau et le trop fameux avo-
cat Pierre Bomier, en novembre 1681. (Bull.
prot. />., XXXIX, p. (il). C'est aujourd'hui une
maison de ferme, habitée par des cultivateurs.
198
sdn départ. C'étoit en vue de m'en servir
pour porter les plus petis de vous et nos
petis paquets de linges jusques à cette
petite maison, où nous nous devions ren-
dre.
Je sortis de la Rochelle à trois heures
du soir, et je fus vous prendre à la nuit
chez votre gardien, et je mis Olivier et
Elisaheth dans chacun une bouteille ou
manequin, et Marie étoit sur le bas de
notre mullet. Nos paquets étoient en crou-
pe. Anne, Pierrot et moi étions à pied,
suivant le bagage, ayant Dillot avec nous
qui conduisoit, lequel ne nous abandonna
point, et demeura toujours chez le bon
homme avec vous jusques à notre départ,
étant aussi du même parti pour rembar-
quement.
La nuit du 15 décembre 1687 à Pampin
Je crois que, tant que nous vivrons, il
nous souviendra de cette triste nuit, puis
qu'il n'est pas possible qu'on puisse plus
souffrir que ce que nous souffrîmes pen-
dant sa durée. Le froid étoit extrême, la
199
nuit fort obscure. Jl avoit plu tout le jour
précédant. Les chemins étoient tous rem-
plis d'eau, et ne les pouvans suivre, et ne
l'osant pas même, crainte de trouver quel-
que personnes qui nous descouvrît, nous
étions obligez la plus part du tems d'aller
à travers les champs et les vignes, où les
sillons étoient fort hauts et la terre molle.
Nous entrions dedans jusques à la moitié
de la jambe fort souvant, et en suivant les
chemins aussi profondément dans l'eau.
Je n'avois point passé par ces chemins
auparavant. Dillot seulement y avoit passé
une fois pour les apprendre.
Nous passâmes à plusieurs fois sur des
précipices J et en des lieux qu'en plein
jour je n'eusse osé m'y risquer, étant mon-
té sur une bête incomparablement plus
seure que celle qui vous portoit trois tout
i Voici un des rares passages où les souvenirs
de J. Migault semblent le tromper. Tout le pays
autour de Pamp'in est à peine accidenté. Mais
entre le logis et la mer s'étendaient autrefois des
marais salants très difficiles à franchir le jour,
et à plus forte raison la nuit, qui pouvaient jus-
tifier l'effroi du fugitif et l'expression dont il se
sert.
- 200 -
à la fois, et tous nos linges et hardes avec
vous. J'ay passé deux ou trois fois par ce
même chemin du depuis, et à chacune les
cheveux et tout mon poil s'hérisssoit en
regardant les dangers où je vous avoit in-
nocemment exposé dans la nuit.
Nous arrivâmes enfin à la petite maison
du rendez-vous. Les ténèbres et le mau-
vais tems, ou, pour dire mieux, la bonté
de Dieu cacha sous sa main non seule-
ment nous, mais aussi toute la troupe du
parti, de façon que personne ne fut arres-
té en chemin. Il y en eut pourtant un petit
nombre qui s'écarta dans les ténèbres, et
ne purent jamais se rendre avec la troupe
d'environ 70 à 75 personnes. Nous n'atten-
dions plus à cette petite maison que le
signal de la barque qui nous devoit porter
à bord du vaisseau, lors qu'au lieu d'icclui,
quelques uns, qui étoient même du parti
et rendu déjà sur le rivage, voulant fai-
re voir le peu de jugement qu'ils avoient
à la conduite d'une afaire aussi dange-
reuse qu'étoit celle là, se prirent à crier,
en déguisant leurs voix, après celui qui,
au péril de sa vie, nous avoit procuré ce
vaisseau, et lequel pour nous témoigner à
— 2(11
tous sa charité (c'étoit M. Moreau) \ avoit
bien voulu lui même venir nous faire em-
barquer, nonobstant la rigueur du teins
et la peine à laquelle il s'exposoit, n'i al-
lant pas moin que de sa vie par les décla-
rations du Roy -, s'il avoit été trouvé fa-
vorisant la sortie de ce nombre de per-
sonnes hors du royaume.
Ce charitable ami avoit couru sur le
rivage, aussitôt que nous fûmes arrivez à
cette petite maison, pour voir si les mathe-
lots y étoient arrivez avec la chaloupe
pour nous prendre, et étant arrivé là, et
s'entendant nommer par son nom à des
personnes qui se contrefaisoient, et qu'il
crut être des gardes de la marine, attendu
qu'il y en avoit toutes les nuits qui se
promenoient sur ces côtes à cause des fré-
i Sans doute Pierre Moreau, ancien, témoin
dans la procédure qui aboutit à la démolition du
temple de La Rochelle, 18 janvier 1G85 (Bull. prot.
/"/•., VII, p. 273). Il était banquier et avait épousé
Renée Bernon. Mort avant 1710. (Rens. Pandin).
- La peine des galères, ordonnée par la Décla-
ration du 7 mai 1080 contre ceux qui favorise-
raient l'évasion des réformés, venait d'être chan-
gée en celle de mort, par la Déclaration du 12 oc-
tobre 1087.
202 —
quens embarquement qui s'i faisoient, il
prit incontinant le parti de se retirer et
s'ôter de leur chemin, et, au lieu de nous
venir chercher pour nous conduire com-
me il l'avoit résolu, il vint en diligence à
cette petite maison nous advertir qu'il y
a voit des gardes sur la côte, et il nous dit
({lie ceux qui pourroient se sauver se sau-
vassent avec lui. En disant cela, il s'en
fut incontinent à la faveur des ténèbres.
Quelques-uns prirent la fuite aussi, les
uns plus loins et les autres plus près. La
plus grande partie resta dans cette maison
sans se bouger. Nous tûmes de ce nombre,
ne pouvans mettre un pied l'un devant
l'autre pour fuir.
Cette épouvante ne dura qu'un moment,
car ceux qui avoient causé cette alarme
s'appersurent de leur sotisse, et que notre
conducteur avoit pris l'épouvante tout de
bon, et vinrent eux mêmes jusques où
nous étions nous dire qu'on nous atten-
dent sur le bord du rivage, et qu'il n'y
avoit aucun qui voulut nous faire du mal.
Ceux qui se trouvèrent là se mirent en
chemin. Quoi que fort épouvantez, plu-
sieurs n'avoient fui que derrière la mai-
— 203
son, les ténèbres les couvrant à toute vue,
et entendant que ce n'étoit qu'une fausse
allarme se joignirent aux autres. Tout par-
tit, mais ce fut sans conduite puis que
notre charitable guide ne revint point.
J'étoit si lassé et même embarassé de
quelques petits paquets, joint qu'il me fal-
loit vous faire suivre, et j'avoit aussi à con-
duire M Ue de Choisi que j'avois pris par
la main en partant de cette petite maison,
tout cela, dis-je, me fit un peu demeurer
derrière avec ma troupe d'enfans, et en-
core m'écarter du chemin ou sentier qui
nous conduisoit au lieu marqué pour no-
tre embarquement l . Quelqu' autres s'éga-
ra avec nous qui n'étoit pas moins lassé,
et ensemble nous suivîmes des sentiers au
travers des vignes joignantes presque le
bord de la mer, pour n'être rencontré
d'aucune personnes. Nous trouvâmes le
bout de nos sentiers, et ne sachant quel
côté prendre, il nous falut demeurer là,
i II n'existe à cet endroit ni port ni abri. C'est
une grève de galets que le flot roule sans cesse.
L'anse du Plomb et la Repentie, tout près de
là, offrent au contraire des mouillages assez bons
aux barques de faible tonnage.
— 204 —
ne voyant presque pas la monture qui
nous portoit, tant l'obscurité étoit grande,
et nous n'entendions de toutes parts que
les vagues de la mer qui foisoient un ef-
froyable bruit, et de laquelle nous n'étions
qu'à trois ou quatre cents pas.
Nous aurions sans doute achevé de pas-
ser la nuit dans cet endroit, n'eût été que
la femme d'un de notre troupe et qui s'é-
toit mêlé de conduire cette entreprise, se
trouva écartée avec nous. Et d'autant que
son mari savoit toutes ces routes pour s'y
être promené nombre de fois, étant arrivé
des premiers où la barque ou chaloupe
nous attendoit et n'i trouvant point sa
femme avec lui, il envoya incontinent
deux ou trois de ses gens pour la cher-
cher. Ils nous rencontrèrent fortuitement
au milieu de ces vignes, et ils nous enme-
nèrent avec eux. Nous arrivâmes au mo-
ment que ceux qui avoient arrivé des pre-
miers entroient en mer, la chaloupe en
ayant pris environ 35 avec beaucoup de
bagage.
Ce nous fut nécessité de rester et at-
tendre le retour de la chaloupe qui ne
revint du vaisseau qu'environ deux heu-
205
res avant le jour, ei le mal pour nous fut
qu'à cette seconde fois les mathelots ne
vinrent pas aborder au même lieu où ils
étoient venue à la première et où nous
les attendions, mais bien deux ou trois
cents pas de là. Et lors qu'on les entendit
crier étant de retour du navire, ceux qui
eurent de bonnes jambes pour courir y
arrivèrent les premiers et entrèrent dans
la chaloupe. Celui dont j'ay parlé, et dont
la femme s'étoit écartée avec nous, fut de
ce nombre, et en tout 25 personnes tout
au plus, et aussitôt que cet homme, sa
femme et enfans, y furent entrez, les ma-
thelots rentrèrent en mer n'ayant avec eux
que ce petit nombre de gens. Et sur ce
que nous nous mîmes à crier après eux
pour nous laisser encore, n'ayant pris que
la moitié des gens qui attendoient, ils nous
dirent qu'ils reviendroient en peu, et
qu'ils étoient assez chargez.
Il nous falut rester là avec 18 ou 20
personnes, tous gelez et lassez de la fati-
gue de cette triste nuit, demi-morts de
froid et de peur, pour ne savoir ce que
nous deviendrions, étant si près du jour.
Nous ne fûmes qu'un moment que nous
n.
— 200 —
n'en appcrçûmes la clarté. L'air s'éclaircit
de toutes parts, et puis le soleil se leva.
Nous fûmes certains alors que nous étions
abandonné, et ceux qui restèrent avec
nous se crurent aussi bien que moi la vic-
time du gouverneur de la Rochelle, et
nous ne pensions point échapper les pri-
sons, étant un si grand nombre de gens.
Il me semble que j'étoit le plus à plain-
dre en quelque manière, car toute notre
triste compagnie pouvoit cheminer d'un
côté et d'autre, et s'écarter de là comme
elle fit par diverses routes et sentiers au
lever du soleil, mais il me fut impossible
de faire de même, vous ayant trois de
vous, Marie, Elisabeth et Olivier, sans au-
cune force pour marcher.
La bonté et la providence de Dieu est
bien ici (comme par tout ailleurs), à ad-
mirer à notre égard. La même monture
qui vous avoit apporté en ce lieu (et la-
quelle j'eusse laissée sur le caillou, si Dieu
eût permis notre embarquement, étant
aussi lasse et fatiguée que nous) avoit de-
meuré comme immobile sur ces pierres,
tout ce reste de nuit, sans être ny attachée
ny gardée, et jusques à ce que nous eus-
— 207
sions affaire d'elle pour notre retour et,
par le plus grand bonheur du monde, je
la trouvay prête pour remettre sa charge
sur son dos. Dillot ne nous abandonna
point. Il m'ayda à vous remonter sur no-
tre mullet avec nos paquets, de manière
que personne ne resta dans ce lieu.
Nouvelles épreuves et retraites
Je me souvien d'une circonstance qui
me fait rire apprésent quand j'y pense.
C'est quand partant de chez votre grand-
père gardien, Olivier me demanda : « Où
allons nous, mon père ? » Je lui répondit :
« Nous allons à Moullé, dans notre mai-
son, mon fils. » Cet enfant ce trouvant ce
matin là sur une infinité de cailloux et
pierres, me demanda : « Sommes nous
à notre maison, mon père ? » Je lui ré-
pondit froidement qu'oui, pour ne faire
plus interroger ni questionner, et aussitôt
il me dit, en faisan un petit hélas ! « No-
tre maison est donc tombée, mon père ? »
J'ajoutois encore qu'oui, et je lui com-
mandois de se taire. Je ne pouvois avoir
— 208 —
envie de rire alors, ne croyant pas possi-
ble que cette troupe d'enfans pût échaper
sans être vue de quelque garde, étant une
nécessité de passer en plein jour près de
la Rochelle pour retourner demander le
couvert à notre bon homme, joint que sur
la croupe de notre mullet étoient nos pa-
quets dont un seul étoit suffisant pour
nous faire soubsçonner et arrester.
J'ay dit que j'avois conduit par la main
]VP le de Choisi. Je vous dirois aussi qu'elle
me demeura en partage avec vous, quand
il nous falut quitter le bord de la mer.
M me de Choisi s'étoit écartée de nous dans
les ténèbres et d'avec toute la compagnie,
et, ayant erré toute la nuit, se rendit au
point du jour dans une maison où elle
lut reconnue et où on la secourut. Je la
croyoit embarquée dans le premier voyage
qu'avoient fait les matelots, et on me l'a-
voit assuré lors que j'arrivay la première
fois et que je m'enquis d'elle. Cela aug-
menta beaucoup mon inquiétude, ne sa-
chant comme quoi faire pour ramener
cette petite demoiselle dans la ville sans
la faire reconnoître, ni même entre les
mains de qui la confier, quoi que je sa-
— 209 —
voit qu'elle y avoit des proches païens.
Elle, de son côté, se désespéroit, ayant cru
aussi bien que moi que M" 1 '' sa mère étoit
entrée dans la première chaloupe cj n I
avoit porté nos gens à bord. Je ne pus au-
tre chose sur l'heure que l'exorter à pa-
tience, en lui promettant de ne l'abandon-
ner point non plus que vous.
Nous partîmes donc de dessus ces cail-
loux, chargez comme nous y étions venus,
mais beaucoup plus peureux à cause de
la clarté du jour qui nous exposoit à la
vue de tout le monde.
Je pris un peu à l'escart, et je vous lais-
say à la garde de Dieu et à la conduite de
Dillot et à ses soins. J'avois sur moi sa
bourse et la mienne. Nous étions persuadé
que si on nous faisoit prisonniers on ne
nous laisseroit pas notre argent. J'avois
100 louis d'or, et Dillot 30 ou 40. M 1 '" de
Choisi et Pierrot cheminoient fort lente-
ment après notre mullet qui n'en pouvoit
plus, étant aussi foiblc que ceux qui le
suivoient. Il advint qu'en passant devant
la maison de Pampin, où s'étoit fortuite-
ment rendue M me de Choisi, après avoir
beaucoup cheminé la nuit, ainsi comme
— 210 —
j'ay dit, un des domestique voyant passer
notre troupe y reconnut cette petite de-
moiselle. Il l'arresta et la fit entrer au lo-
gis en lui disant que M me sa mère y étoit.
Elle l'y trouva de fait, et ce fut d'un côté
et d'autre un grand bien de voir M me et M Ue
de Choisi ensemble, et à moi de n'avoir
([lie vous à conduire. Nous étions tous en
un pitoyable état, mais je croi que cette
pauvre petite demoiselle étoit le plus mal,
ayant perdu ses souliers dans la boue dès
la nuit et ayant cheminé ainsi pieds nuds
dans la fange et dans la glace. Il n'i eut
guère de personnes qui n'i laissât quelque
chose du sien, l'un son épée, un autre
quelqu'outil qu'il emportoit, l'autre un ha-
bit, M me Babault 1 sa couverture, et celle-ci
ses souliers.
Nous nous sauvâmes tous (grâces au Sei-
gneur), et toute cette pauvre troupe affli-
gée qui demeura avec nous sur le bord de
la mer s'étant écartée les uns des autres,
qui deçà, qui delà, s'en retourna chacun
où il crut se pouvoir mieux cacher. Dieu,
1 Marthe Babault, au service de M n,e de Miseré,
puis de M me Choisy.
211
par sa bonté, nous couvrit tous de sa pro-
tection, et pas un ne trouva aucune mau-
vaise rencontre.
Nous eûmes recours à notre bon viel-
lard, et nous ne le trouvâmes pas moins
charitable à cette fois qu'à la première.
Je l'avoit bien satisfait à notre départ
pour le soin qu'il avoit eu pour vous. Ce-
pendant je croi que la compassion qu'il
avoit de notre état et nécessité, me voyant
résolu de sortir de France, lui faisoit plus
faire pour nous que l'espérance d'aucune
récompense. Vous savez comme il vous
reçut, et combien il compatit à notre in-
fortune.
La crainte que j'avois que quelqu'un de
notre troupe ne fut pris en se retirant, et
ensuite contraint de causer et en nommer
d'autre, m'obligea d'entrer en ville au plus
matin pour n'être pas soubçonné de per-
sonne. J'y entrai sur les dix à onze heu-
res, et je fus chez M. Poirel \ où j'allois
i Procureur au siège de La Rochelle : « Depuis
que les propagateurs eurent mis en usage le nou-
veau moyen d'attirer les réformés à la religion
romaine en leur donnant de l'argent, ils avoient
212
souvent pour la sollicitation des procez de
M me de Miseré. Je me fis voir, ce jour, en
diverses maisons afin que, si on m'accusoit
de quelque chose, je pusse honnêtement
me justifier.
Le soir venu, M me et M 1Ie de Choisi se
rendirent à leur maison. M. Meneguerre,
qui étoit un de ceux qui avoient pris l'a-
larme avec M. Moreau, et M me Bahault,
une de celles qui s'étoient écartées dans
les ténèbres et qui n'avoient pu se rendre
à la petite maison, se rendirent aussi chez
M me de Choisi, et, dès ce soir, cette petite
famille se retrouva après s'être écartée
chacun de son côté. Je me trouvai moi
aussi avec eux dès le même soir, et, après
nous être les uns et les autres fait récit de
nos avantures et remercié Dieu des grâces
qu'il nous avoit accordées en nous faisant
échapper et nous ayant caché aux yeux de
nos ennemis, nous résolûmes de continuer
à travailler à notre liberté. Le bien que
Dieu venoit de nous faire, en nous cou-
tenu un bureau ouvert pour cela en la maison du
sieur Poyrel, procureur au siège de La Rochelle. »
(Tessereau, p. 156).
— 213 —
vrant de sa protection, nous étoit un té-
moignage assuré qu'il nous aideroit une
autre fois.
Vous restâtes chez votre grand-père gar-
dien, et moi je passay la plus grande
partie de mon tems à la Rochelle, et, dans
cet intervalle, je fis deux voyages à Mauzé
pour voir votre grand-mère qui fut tou-
jours dans les mêmes sentimens de res-
ter au pays.
Plusieurs jours s'écoulèrent sans voir
aucune apparence d'avancer notre dessein.
Nous passâmes dans l'isle de Ré 1 , M. Mene-
guerre et moi, sous l'espérance qu'on nous
avoit donnée d'y trouver plus facilement
un vaisseau pour nous prendre que nous
ne trouvions à la Rochelle. Ce fut à la fin
du mois de février. Nous y dépençàmes
de l'argent, sans aucun succez qui nous
fût avantageux. A mon retour de ladite
isle, j'eus une nouvelle peine. On m'adver-
tit que M. Massiot '-', commissaire de la raa-
i L'île de Ré, sur la côte de la Charente Infé-
rieure, vis-à-vis la Rochelle, n'en est séparée que
par une traversée de 4 kilomètres.
- Jean Massiot, écuyer, sieur de la Motte et des
Bugaudières, né en 1(537, commissaire ordinaire
— 214 —
rine, ayant été advertit qu'il y avoit des
personnes cachées auprès de sa maison de
la Mothe a , y devoit envoyer le lendemain
pour vous mettre hors de chez votre gar-
dien. Je m'en allay vous voir incontinant,
et je tronvay cette nouvelle trop vérita-
ble, et notre bon homme fort affligé de ce
qu'il étoit obligé de vous voir sortir de
chez lui. Il me dit que ledit sieur Massiot
lui avoit fait dire de vous chasser de chez
lui, ou qu'il le chasseroit lui-même de sa
maison, quoiqu'elle ne lui appartenoit
point. Je me trouvay encore une fois fort
embarassé, ne sachant de quel bois faire
flèche. L'hiver étoit un peu passé, mais il
falloit toujours avoir le couvert. Je pris
une nouvelle résolution, et je choisis un
expédiant qui, grâces à Dieu, nous fut
salutaire. C'est que j'affermay une cham-
bre dans un village, proche de chez ce
bon homme. Ce village se nomme la Val-
de la marine, secrétaire du roi, épousa Marie Gau-
vaing (8 septembre 1658), et se convertit au catho-
licisme. (Rens. Pandin).
1 Yill., com. Dompierre-sur-Mer, cant. La Ro-
chelle (Charente-inf.).
215
lée '. J'affermay cette chambre d'un pa-
piste, assé honnet homme, et je lui <lil
que j'avois abandonné Mauzé à cause de
la taille, et dans peu je prendrois résolu-
tion pour demeurer en ville ou rester.
Je vous menay dans cette chambre dès
le lendemain, 17 e jour de février, et après
cela, j'eus la consolation de rester le plus
souvent auprès de vous -, et de recevoir
dans ma chambre presque tous les jours
quelques-uns de mes pauvres frères qui
fuyoient la fureur de l'intendant de Poic-
tou :! , lequel, dans ce mois de février, en
fit mourir un grand nombre, soit à St-
Maixant, par la main du bourreau, (Tho-
mas Marché, maréchal. Jaques Guérin, et
Pierre Rousseau), soit à Grand Ry 4 , par
i Vill., com. Lagord, cant. La Rochelle (Cha-
rente-inf.).
- Le manuscrit de Brème ajoute : « Je couchay
dans cette chambre. J'achetay une demye barique
de vin, et fis un peu mine de dresser mon ménage,
pour n'estre soubçonné de personne. »
3 Nicolas Foucault, intendant du Poitou, (août
1685-25 janvier 1689).
' Ferme, com. d'Aigonnay, cant. ("elles, r.rr.
Melle (Deux-Sèvres).
— 216 —
celle des cruels dragons l qu'il mena sur-
prendre une assemblée de gens qui
prioient Dieu, un dimanche au matin, dans
le grand pré du dit Grand Ry, n'ayant pu
se ranger dans la grange ni dans la salle
du logis, comme ils avoient fait deux au-
tres dimanches, attendu que ce dernier
dimanche, ils étoient au nombre de huit
cents ou plus, et presque tous de la pauvre
désolée Eglise de Mougon, desquels il resta
plusieurs sur la place, et plusieurs furent
tuez en fuyant 2 . Deux cents furent menez
i Le manuscrit de Brème précise : « J. Chaut,
.T. Massé, Boudoury et autres. »
2 Foucault raconte l'expédition dans ses Mé-
moires. (Doc. inéd. sur l'Hist. de France, 1862, p.
21!)). » Je me rendis sur les lieux,... accompagné
de mes domestiques et d'une compagnie de dra-
gons, qui heureusement faisoit sa revue dans le
voisinage de ces assemblées. Nous tombâmes sur
la plus proche, qui étoit de mille cinq cents per-
sonnes, dans un pré environné d'un ruisseau et
d'une haie, et dont la barrière étoit gardée
par dix hommes armés, qui tirèrent sur un
lieutenant et dix dragons que j'avois détachés
pour les reconnoître, ce qui m'obligea d'en-
trer avec les dragons et les gens qui m'avoient
suivi et de faire tirer sur ces révoltés. Il y en
eut sept [ou] huit tués ou blessés, ce qui obligea
— 217
prisonniers audit St-Maixant, et on fit mou-
rir, le lundi au soir suivant, les trois sur
nommez ' et nombre furent conduit s iu-
les galères 2 , et une partie emmenez pour
servir dans les troupes, et le reste eut la
liberté.
J'avoit resté jusqu'à ce tems-là chez
M me de Choisi, ne faisant tous les jours,
les autres de mettre les armes bas. Je fis prend ri'
le prédicant et une quarantaine des plus notés,
dont [six ?] ont été pendus, trente-et-un ont été
envoyés aux galères et deux femmes condamnées
au fouet. » (22 février 1688).
i Jurieu. Lettres pastorales, t. II, XV° lettre, p.
342 les nomme : Des Touches, maréchal de la pa-
roisse de Thorigny, Guérin, de la paroisse de Ste-
Btandine, Rousseau, fermier du Grand-Ry. Lièvre.
Ilist. des Prot. du Poitou, t. II, p. 190, donne : Des
Touches, dit le Grand Thomas, maréchal de Tho-
rigny, Jacques Guérin, de Ste-Blandine, et Pierre
Rousseau, fermier de Grand-Ry. Ne faut-il pas
plutôt s'en rapporter à Migault et lire : le Grand
Thomas du village des Touches, paroisse de Tho-
rigny ? Cf. Bull. Prot. fr., VI, p. 82 ; LIV, p. 384
2 L'assemblée de Grand Ry fournit 27 forçats
à la liste publiée par M. le pasteur P. Fonbrune-
Rerbinau. Bull. prot. fr., LIV, p. 401. On y voit
entre autres figurer un parent de Migault, Jean
Migault, de St-Martin-de-Melle.
218
aussi bien que M. Meneguerre, que cher-
cher les moyens de nous ôter de la mi-
sère où nous étions enveloppés. La qualité
de procureur général pour faire et né-
gocier les affaires de M me et de M lle de
Miseré me faisoit paroître plus hardi-
ment à la Rochelle, et je n'eusse osé me
produire chez le sieur Poirel 1 , comme
je faisoit étant revêtu de cette charge.
J'avois le loisir de cultiver mes amis, et
il ne se passoit guère de journée, pen-
dant les deux derniers mois que nous
avons été en France, que M. Meneguerre
et moi ne fissions de la dépense extraor-
dinaire pour traitter quelque entremetteur,
y en ayant un assé bon nombre qui ne
faisoient autre besogne sinon que faire
embarquer ceux qui vouloient sortir du
royaume.
Deux mois entiers s'écoulèrent depuis
i Voir plus haut. Le manuscrit de Brème ajoute:
« qui estoit le procureur au palays, et chez les
advocats. L'empressement que je faisois parestre
pour les sollicitations nécessaires produisirent
le fruit que je souhaitois principallement, qui
estoit de n'estre point soubçonné de vouloir sor-
tir du royaume. »
- 219 —
que je vous avoii mis à la vue de tout
le monde, sans avoir encore pu trouver
de vaisseau qui eût voulu se charger de
nous.
Enfin, Dieu en eut pitié, et il se servit
du ministère du môme ami qui nous avoit
procuré le premier vaisseau, qui est M. Mo-
reau. Il me disoit souvent de vous tenir
toujours prêts à partir, et que, s'il ne
trouvoit pas d'autre moyen, il nous en-
mèneroit avec lui, étant résolu de partir
de France et d'en sortir dans peu de jours.
Le départ, 13 avril 1688
Pour abréger, le 18 avril, jour de Pâ-
ques, je fus éveillé avant le soleil levé par
un jeune homme que je ne connoissois
point. 11 me dit à l'oreille que trois de-
moiselles de mes amies, qui sont M ,les
de la Porte 1 , le Boiteux 2 et Petiteau,
i La famille de la Porte était fort nombreuse
au xvu e siècle.
2 Sans doute de la famille de Paul et Pierre Le
Boiteux, fugitifs de La Rochelle, établis négo-
ciants à Amsterdan (1686). Gabriel Le Boiteux
220
me prioient de me trouver au plus ma-
lin avec lui dans une maison qu'il me
marqua, et ce pour aider à composer
une assemblée qui vouloit prier Dieu en-
semble, et que j'étoit prié pour y taire
la lecture. Je m'habillay incontinent, et
sans consulter, je suivis ce jeune homme,
nommé M. Bernardeau 1 . Je trouvay ces
demoiselles avec d'autres personnes qui
avoient été adverties ainsi que moi. Nous
passâmes ce dimanche de Pâques en priè-
res, en lecture de la parole de Dieu, et
nous chantâmes ses saintes louanges à
pleine voix, nonobstant que la Rochelle
étoit fort proche de Ghagnollet 2 où éloit
le lieu de notre assemblée en la maison
de M. Manigaud ! . Ce jeune M. Bernar-
deau nous récita deux sermons qu'il avoit
devint un des premiers négociants de New-York.
(Baird, p. 239).
i D'une famille rochelaise à laquelle apparte-
naient probablement David et Daniel Bernardeau,
réfugiés à New-York. (Cf. W. Baird, p. 238).
- Vill., corn, de Dompierre-sur-Mer.
;: Descendant d'un des premiers convertis au
protestantisme en Aunis (Cf. Baird, p. 231).
— 221 —
appris par cœur la semaine précédente,
et il nous fit deux prières, une à la fin de
chaque sermon. Cette journée fut divisée
en deux actions ', et à peu près comme
faisoient nos pasteurs quand nous les
possédions en Fiance. Je lus l'évangile de
notre Seigneur Jésus-Christ selon Saint
Jean tout entière, et nous chantâmes dix
ou douze pause de pseaumes. Tellement
que toute notre petite assemblée, qui étoil
d'environ quatorze ou quinze personnes,
eut sujet de louer Dieu pour la grâce qu'il
nous avoit accordée à tous.
Je retournay tout seul, ce soir là, auprès
de vous à la Vallée, et je me souviens
qu'en cheminant, je demanday à Dieu, du
profond de mon cœur, d'avoir pitié de
nous, qu'il lui plût nous taire la grâce
de le pouvoir glorifier en peu en toute li-
berté.
Dieu m'accorda ma demande et exauça
ma prière, car le lendemain, lundi de Pâ-
ques, fut le dernier jour que j'ay vu la
Rochelle. Je m'y acheminay dès le ma-
i C'est le nom qu'on donnait au culte protes-
tant.
222
tin, à mon ordinaire, et, avant que d'en-
trer en ville je trouvoit MM. Cavat et
Meneguerre, qui nie dirent de rester avec
eux pour attendre M. Moreau qui venoit
pour nous faire compagnie. Il fut à nous
dans la même heure, et il nous dit qu'il
vouloit nous donner à déjeuner, ce qu'il
fit, et, au sortir de table, il nous exorta de
le suivre de loin à loin, dans un lieu où
il vouloit aller, espérant de mettre bon
ordre, ce jour-là, à notre liberté. Il y tra-
vailla de telle manière qu'à deux heures
après midi, sortant d'un logis, il vint nous
dire à l'oreille qu'il étoit tems de partir et
qu'il ne falloit point de retardement pour
entrer dans un navire, [vu] la nuit qui
s'aprochoit déjà.
Je fus un peu embarassé de cette nou-
velle, étant déjà tard et assez loin de vous,
et j'avoit ma bource 1 chez l'un de mes
amis, laquelle me faloit nécessairement
avoir avec soi. Pour faciliter toutes cho-
ses, étant instruit de notre rendez-vous
ordinaire, je fus trouver Jeanncton, qui
demeuroit lors chez M me Vinatier. Je lui
1 « 100 louis », dit le manuscrit de Brème.
— 223 —
dis d'aller promtement à la Vallée pour
vous faire partir. Le teins étoit beau et les
chemins secs. Elle y arriva sur les quatres
heures, et vous donna les ordres nécessai-
res pour partir, et moi, sans perdre de
tems, j'allay chez cet ami prendre une
partie de ce qu'il me gardoit. Je suivis
ensuite Jeanneton, et je trouvay, étant
arrivé à la Vallée, que Anne, Marie, Eli-
sabeth et Olivier en étoient déjà partis
à pié, y ayant presque deux lieues de dis-
tance.
La fête de Pâques, qu'on solemnisoit
ce lundi, favorisa beaucoup notre sor-
te, attendu que tout le monde étoit en
promenade hors de ville et ce fut beau-
coup plus aisé de mener les petits à pié
et par la main qu'autrement. Les che-
mins étoient garnis de femmes et d'en-
fans, tout autour de la ville, les uns y
alloient, les autres en sortoient, de maniè-
re ([lie personne ne nous soubçonna. Il
furent accompagné d'un jeune garçon du,
même village, nommé Louis Chateverre,
lequel s'offrit à les conduire, et ayder à
porter Olivier qui ne pouvoit faire tout ce
chemin à pié. Les voisines furent faciles
224
à croire que vous alliez vous promener à
la Rochelle pour y être le mardi, qui étoit
aussi une des fêtes de Pâques. Elles vous
avoient cru en même promenade, la se-
maine précédente que vous fûtes cachez
trois ou quatre jours à la Folie-Melot \
d'où je pensois que nous nous embarque-
rions pour passer dans l'Angleterre. Le
sieur Manccau, l'un de ces entremet-
teurs, nous avoit procuré le passage dans
un navire anglois, à M. Meneguerre et à
moi, moyennant 75 livres que chacun
payeroit auparavant que d'entrer au vais-
seau, autant pour le petit que pour le
plus grand. Et ayant été advertis par
M me Jourdain -, qui me connoissoit et qui
m'aymoit, que les autres personnes qui
de voit entrer dans ce vaisseau, et dont
deux de ses filles étoient du nombre, ne
i La Folie-Melot, autrement dite La Grave,
écart situé à la fin du xvji' siècle dans la parois-
se de St-Maurice. (Rens. G. Musset).
- Sans doute Suzanne Guionneau, femme de
Ozée Jourdain. Ce dernier quitta la France avant
1693 avec ses enfants Louis, Henry et Louise, lais-
sant sa femme et son fils Alexandre. (Rens. Pan-
din).
— 225 -
donnoient au capitaine pour leur passa-
ge que chacun 40 livres, je reconnus que
ledit Manceau se faisoit payer son courta-
ge un peu trop chèrement et qu'il y avoit
grande différence de quarante à soixante
et quinze francs, et cela me donna lieu
de vous faire retourner à la Vallée le sa-
medi de Pâques ou le vendredi, remet-
tant entre les mains de Dieu à nous faire
sortir par l'ayde et le secours de quelque
personne moins interressé que le sieur
Manceau et ses parsonniers.
J'arrivay à la Vallée sur les cinq heu-
res, et n'y ayant trouvé que Pierrot, qui
m'y attendoit, je Penvoyay advertir deux
hommes, Abel et Abel Bonnet, père et
fils 1 , qui étoient cachés dans une maison
auprès de nous, de venir incessamment
i Evidemment de la famille de Daniel Bonnet,
ouvrier en laine, fils de Louis Bonnet, de la pa-
roisse de Thorigny, réfugié à Bristol (Angleter-
re) avec sa femme et ses enfants avant 1690. Le
récit de leur embarquement, « avec leurs deux
petits enfants cachés dans des paniers portés par
un âne », pourrait bien se rapporter à la tentative
malheureuse de Jean Migault le G janvier. (Baird,
p. 314).
— 226 —
me trouver. Ces deux hommes avoient de-
meuré sur le caillou avec nous le 6 jan-
vier dernier, et resté seul de leur grande
famille composée de 18 personnes. Ils vin-
rent incontinant me trouver, et leur ayant
dit cette agréable nouvelle de notre dé-
part si prochain, ces deux pauvres hom-
mes restèrent presque immobile de joye,
y ayant quatre mois qu'ils étoient caché
et attendant l'occation de pouvoir suivre
leurs femmes et enfans, frères et beaux
frères.
J'embrassay Jeanneton et lui donnay
les ordres nécessaires pour amasser quel-
ques petits reste de nôtre ménage que
nous laissions dans cette chambre et ail-
leurs. J'en avoit fait apporter de ceux
que j'avois laissé au Grand Breuil, et les-
quels nous servirent pendant notre séjour
à la Vallée. J'étois fort triste de laisser
Jeanneton après moi, mais l'espérance
que j'avoit qu'elle nous suivroit de bien
près, avec l'aide de Dieu, me fit résoudre
à la laisser à la Rochelle. Elle m'avoit
dit plusieurs fois que si Dieu me faisoit
la grâce de sortir de la peine où j'étoit
avec vous depuis si longtems, elle ne
— 227
tarderoit pas et employeroit ses amis et
les miens pour s'échapper. Je lui dit à
Dieu, et je la recommanday à sa bonté.
Ces deux hommes, Pierrot et moi, partî-
mes de la Vallée un moment avant le
soleil couchant, disant à nos voisines, qui
nous demandèrent où nous allions tous
si lard, que nous avions pris une cham-
bre à la Rochelle, et que je menois Anne
et les petis à la voir, et que nous pour-
rions y rester le lendemain. Je disois ce-
la, crainte que le même malheur ne nous
arrivât de ne point embarquer comme à
l'autre fois, et que nous fussions obligé
de retourner dans notre chambre.
Cela ne nous arriva point (grâces à
Dieu). Nous vous joignîmes au soleil cou-
chant et près de ladite maison de Pampin.
Vous étiez arresté avec ce jeune garçon
qui vous conduisent, ne sachant pas le
chemin plus loin, et ce fut là qu'il me pria
d'avoir pitié de lui, me déclarant le des-
sein qu'il avoit de sortir de France pour
aller servir et glorifier Dieu en liberté,
mais que n'ayant osé le déclarer à son
père ny à sa mère, il n'avoit aucun ar-
gent pour payer son passage, mais seu-
228
lement son habit. Je fus louché de sa
prière et je lui répondis que si Dieu nous
foisoit la grâce de trouver cette heure
désirée pour entrer dans un vaisseau, et
si la chalonppe nous pouvoit tous porter
à bord d'un coup, étant arrivez à notre
rendez-vous, je payerois volontiers son
passage. Il nous suivit donc et nous arri-
vâmes des premiers au logis de Pampin,
où nous devions nous attendre pour aller
à la petite maison de l'autre l'ois.
Tous ceux qui étoient de ce parti y
arrivèrent dans peu de tems et nous y
fûmes recueillis par une gouvernante du
logis, laquelle nous donna à souper, en
attendant que la nuit fût plus obscure pour
aller joindre cette petite maison où notre
ami M. Moreau nous devoit venir prendre,
lequel nous ayant dit de nous préparer
pour entrer au navire dès la nuit, s'em-
ploya pour chercher ce qui nous man-
quoit. C'étoit quatre bons mathelots qu'il
chercha, et qu'il trouva avec une bonne
et grande chaloupe, et ayant dit à ces gens
qu'ils seroient bien payez pour nous ser-
vir, se donnèrent volontiers à lui.
Ils se mirent en mer au soleil couchant
— 229 —
et vinrent à rame de la Rochelle jusques
sur la costc de Pampin d'où notre ami,
ayant avec grande peine mis pie à terre.
vint à cette petite maison où nous étions
tous rendus pour l'attendre. Nous le sui-
vîmes incontinant et sans bruit, et nous
trouvâmes notre chaloupe qui nous at-
tendoit au même lieu où l'embarquement
précédent s'étoit fait sans nous.
Nous y entrâmes avec beaucoup de pei-
nes. La mer s'étoit retirée et notre cha-
loupe s'étoit arrestée sur et entre des
rochers qui nous empêchoit d'y joindre
aisément. Il falut nous mettre dans l'eau
jusques à la moitié du corps pour la plus
part, et porter sur nos épaules nos pa-
quets, et moi les petits de vous, aidé ce-
pendant de Dillot qui ne nous abandonna
point.
Le fds de la bordière l dudit Pampin
voulut profiter de l'occasion, et il se mit
avec nous dans la chaloupe, et il sortit de
France par ce moyen.
Nous entrâmes en mer sur les neuf heu-
1 La femme du fermier ou bordier. Le terme
est encore usité en Aunis.
- 230 —
res et demie du soir du dit jour, lundi de
Pâques, 19 avril 1688, et nous ne ren-
contrâmes notre vaisseau qu'au poind du
jour, ayant été toute la nuit errans sur
la mer, sans le pouvoir trouver, nos ma-
thelots ne le pouvans pas discerner d'avec
grand nombre d'autres qui étoient ancrez
comme celui que nous cherchions dans
l'endroit qu'on nomme la Palisse 1 , pro-
che l'islc de Ré.
Dieu qui, par sa bonté, nous vouloit
délivrer à cette heure, nous fit trouver
notre vaisseau un petit moment seule-
ment auparavant qu'on voulut lever l'an-
cre. Toutes choses étoient appareillées
pour partir, et il s'i étoit rendu d'autres
personnes de la Rochelle en même des-
sein que nous et presque au même tems.
C'étaient les capitaines Jacos et sa fem-
me -, Routin et sa femme et leur plus
i La Pallice, aujourd'hui port eu eau profonde,
à l'ouest de la Rochelle.
- Le capitaine François Jacqueau, avait épou-
sé Marie Langlois, puis en secondes noces Mar-
guerite Sollemond (1675). Du premier mariage il
eut Moïse, Nicolas, Marie et François qui restè-
rent en France. (Rens. Pandin).
231
jeune fille, M. Desbois le jeune, la veu-
ve Prevereau et sa fille ', de manière que
nous nous trouvâmes 25 passagers dans
ce bord, savoir M me et M" e de Choisi,
M. Cavat et son fils, M. Meneguerre,
M me Babault, Abel et Abel Bonnet, père
et fils, Jean Dillot, Louis Chateverre,
Jean Morin -, moi, Anne, Pierrot, Marie,
Elisabeth, Olivier, et ceux que j'ay nom-
mé les premiers qui étoient arrivez pres-
que en même tems que nous.
Et d'autant que le jour commançoit dé-
jà à paroitre, nous payâmes nos mathe-
lots et embrassâmes notre cher ami M. Mo-
reau, qui ne voulut de nous pour toutes
ses peines que nos faibles remerciemens.
Il se remit dans sa chaloupe, et il retour-
na avec les mathelots à la Rochelle.
i « John Prevereau, Mary, wife, John, Susen,
Moses, Mary, Gaspart and Sarah, children, » figu-
rent sur les listes de naturalisation à Londres en
mars 1688. Agnew, t. II, p. 60. Il s'agit peut-être
de la veuve de Jean Prevereau, sieur de la Piterne
(d llc Pandin) ou plus vraisemblablement d'un de
ses fils. (Rens. Pandin).
- Jean Morin, sargetier de Niort, et sa femme
Elisabeth Viconte, de Mechers, eurent cinq en-
fants baptisés à Bristol (Angleterre). Baird, p. 314.
— 232 —
Sauvés. En Hollande
Nous restâmes à la mer jusques au hui-
tième may suivant qu'on nous mit à terre
devant la petite ville de la Brille 1 . Vous
vous souvenez, et vous souviendrez tou-
jours, même jusques au petit Olivier,
combien vous souffrîtes pendant ces 19
jours, ayant été battus, à deux diverse
fois, d'un terrible et épouvantable orage
qui faillit à nous ensevelir sous les ondes,
ayant brisé à l'un d'iceux les deux ver-
gues et les cordages des deux grand matz
de notre vaisseau. Toute la troupe de nos
passagers fut extrêmement fatiguée, et la
plus grande partie furent pendant plu-
sieurs jours comme morts. Je fus des
moins malades, et je ne me souvien pas
que le cœur m'ait jamais fait mal pen-
dant ce tems de passage. Le peu que
nous restâmes sur mer nous fit voir les
i Briel, dans l'île de Voorne, à l'embouchure
de la Meuse, à 20 kil. à l'ouest de Rotterdam,
« qui est une ville sur le bord de la mer et la
plus près venant du costé de France. Elle est à
l'embouchure de la rivière de la Meuse », dit le
manuscrit de Brème.
233 -
merveilles de Dieu que le Roy Prophète
chaule au Pseaume 107, parlant de ceux
qui vont sur nier :
Ceux-là voyenl «le Dieu
Les œuvres merveilleuses.
Et du profond milieu
Les vagues périlleuses L
Le vent, s'il lui commande,
Souffle tempétueux.
Et s'enfle en la mer grande
Le ilôt impétueux.
Lors montent au ciel haut.
Puis au gouffre descendent,
Et d'effroi peu s'en faut
Que les âmes ne rendent, efe...
Au sortir du vaisseau, je donnay au
capitaine pour notre passage 20 louis d'or,
et j'en avoit donné deux aux mathelots qui
nous portèrent à Lord. Je payay aussi
161 livres audit capitaine pour le passage
de Chateverre qui nous avoit suivi. Il se
contenta de cette somme quand je lui dis
1 La mémoire de Migault lui fait citer incor-
rectement ees deux vers de Marol. II faut lire :
Sur le profond milieu
Des vagues périlleuses.
234
que je la donnois par charité et pour l'a-
mour de Dieu, afin de sortir ce garçon de
France.
Nous couchâmes à la Brille, et le lende-
main, 9 de may, nous prîmes le bateau de
Rotterdam et y arrivâmes à 11 heures et
demi du matin. C'étoit prppre jour de
dimanche, et une heure après midi toute
notre troupe, qui s'étoit ainsi que nous
rendue à Rotterdam, fut à l'église rendre
grâces à Dieu pour tant de bien qu'ils
nous avoit faits. Nous y entendîmes pour
la première fois le célèbre M. Jurieu 1 . Le
mercredi suivant, 12 dudit mois, nous ouï-
mes M. Gilbert, le fils -, et tous ceux de
notre troupe qui a voient eu le malheur
de tomber comme moi firent rcconnois-
sance publique de leur faute à la fin de
l'action, confessant publiquement leur pé-
ché devant Dieu et à la face de l'Eglise n .
i Pierre Jurieu, l'auteur des Lettres pastorales,
était pasteur à Rotterdam depuis 1681.
- Abraham Gilbert, fils d'Abraham Gilbert et
comme lui pasteur à Melle, se réfugia en Hollan-
de avec les demoiselles Gilbert, ses parentes, après
la démolition du temple, en 1685.
:! Ceux qui, en France, avaient cédé à la violen-
235
Le dimanche suivant M. Meneguerre et
moi partîmes de Rotterdam, et nous nous
embarquâmes pour aller en Frise. On
nous avoit l'ait entendre, étant arrivez à
Rotterdam, qu'on trouvoit à s'établir plus
facilement dans eette province qu'ail-
leurs. Nous arrivâmes dans eette ville
(d'Amsterdam) le même jour au soir,
ayant passé an travers des villes, de Délit,
Leiden ' et Harlem, sans y séjourner au-
cunement.
Le mardi suivant nous prîmes le bateau
de Celotte -, et nous y arrivâmes le lende-
main au matin. De là nous fûmes à Balk,
et saluâmes MM. de Chauff épié 3 , au-
trefois pasteur des Eglises de Couhé et
d'Aunay en Poictou, et nous séjournâmes
deux jours chez eux. Après nous fûmes
ce en abjurant le protestantisme, n'étaient admis
dans les Eglises du Refuge qu'en confessant pu-
bliquement leur faiblesse, ce qu'on appelait
« faire reconnaissance ».
i Leide.
- Sans doute Slotten, port de Frise.
■°> Les frères de Chauffepié avaient pris posses-
sion de l'église de Balk (Frise) au début de juin
1686.
236
voir Lcwarden ] , capitale de Frise, et aus-
si nous saluâmes M. Perault -, autrefois
pasteur de l'Eglise de Paysay en la mê-
me province de Poictou 3 . Nous reçûmes
mille et mille bénédictions de tous ces
Messieurs, beaucoup d'amitié et de témoi-
gnage de joye de notre délivrance.
Je ne trouvay point lieu de m'établir
en Frise,. non plus que M. Meneguerre, et
nous retournâmes ici dans 8 jours et, à
la sollicitation de quelques amis et parti-
culièrement de M. Melin 4 , autrefois pas-
teur à St-Maixant, je pris une chambre
pour vous y recueillir et nous reposer de
nos longues fatigues. J'en arrestay le
prix pour onze mois. Ce fait, je retournay
avec M. Meneguerre à Rotterdam où je
i Leeuwarden, capitale de la Frise.
^ Simon Perrot, pasteur de Paizay-le-Chapt de
1G63 à 1683, alla se fixer à Leeuwarden après la
Révocation.
3 Paisay-le-Chapt, cant. Brioux, arr. Melle
(Deux-Sèvres).
i François Melin, nommé pasteur de St-Maixent
en 1654, s'y maria, le 20 février 1656, avec Suzan-
ne Servant. Il se réfugia à Amsterdam en 1686
avec sa femme et ses enfants, cf. Bull. prof, fv.,
1905, p. 359.
237
vous avoit laissé, d'où nous partîmes le
dernier jour de ce mois de may. Nous
primes le bateau à midi, et nous arrivâ-
mes ici le lendemain à six heures du ma-
tin, premier jour de juin 1088.
Jeanneton, que j'avois laissé en France,
me revenoit toujours en la pensée, et je
regrettais beaucoup de ne l'avoir pas ame-
née avec nous. Mais la bonté de. Dieu, qui
fait pour les siens au delà de ce qu'ils
savent demander et penser, me la donna
peu de jours après notre arrivée pour me
faire voir la plus grande partie de ma
famille auprès de moi.
Huit jours après mon arrivée à Rotter-
dam, je lui avoit écrit par le même vais-
seau qui nous avoit apporté, lequel retour-
na à la Rochelle aussitôt qu'il fut deschar-
gé, et dès que Jeanneton eut appris la
nouvelle certaine de notre arrivée dans ce
pays, elle chercha lieu de nous suivre.
Elle fut aidée par la bonté de Dieu et
par le secours et aide de quelqu'ami qui
la fit entrer dans un vaisseau anglois le
1 ou second jour de juin, et, ayant eu le
vent favorable, elle ne resta que cinq ou
six jours sur mer, et fort peu dans l'An-
— 238 —
glettere, n'y séjournant que pour attendre
un vaisseau et compagnie qui vînt en
Hollande. Dieu bénit tellement son voya-
ge que le dimanche 21 du même mois,
après midi, étant à l'église je l'y trouvay.
Elle étoit arrivée dès le matin dans celte
ville, mais à cause de sa grandeur et
n'i ayant point de connoissance, elle n'a-
voit pu avoir de mes nouvelles, et s'étant
rendue à l'église françoise pour en avoir,
Dieu permit que je lui en donnay moi-
même. Je la reçus avec beaucoup de joye,
me trouvant lors au dessus de mes
souhaits fait en laveur de ma pauvre fa-
mille, laquelle je voyois pour la plus gran-
de partie auprès de moi. J'en avoit amené
cinq. Jeanneton nous suivit de près, et Ja-
ques, qui étoit ici depuis longtemps, fai-
soit le nombre de sept de mes en fans. Je
regardois Gabriel et Philémon en Allema-
gne, auprès de M. de la Forest et M me d'Ol-
breusc, comme s'il eussent été auprès de
moi. Il ne manquoit que Jean, qui s'est
écarté de son devoir et de toute la fa-
mille. Dieu veuille avoir pitié de lui et
le retirer de son égarement ! Le passage
de Jeanneton, de la Rochelle jusques en
— 239 -
cette ville, lui coûta 95 livres 10 sol. Elle
avoit à peu près fait cette somme des
restes de notre pauvre ménage que nous
avions laissé à la Vallée.
Voici la première année expirée de no-
tre demeure dans cette grande ville, et
nous y avons ressenti, par la grâce de
Dieu, autant de douceur que nous avions
goûté d'amertumes en France. La seconde
année est commancée. Ce bon Dieu, qui
nous a tant fait de biens, veuille, par sa
même bonté, nous y continuer ses grâces
et ses bénédictions, et nous y fournir ce
qui nous y sera nécessaire pour la finir
en paix comme aussi le reste de nos jours.
Et veuille aussi, mes chers enfans, que
vous appreniez à le glorifier et à le servir
selon sa sainte volonté, en profitant de la
prédication He sa sainte Parole, à sa gloi-
re et au salut de vos âmes. Amen. Vivez
toujours en paix et le Dieu de dilection et
de paix sera avec vous.
MIGAULT.
D'Amsterdam, au mois de septembre 1689.
16.
Elisabeth Cociald, seconde femme de Jean Migault
GENEALOGIE
de
JEAN MIGALLT
Quand Dieu retira en son repos Louis
Migault, mon père, je n'avoit que 17 ans
accomplis, et je n'ay que peu de mémoire
de ce qu'il m'a dit de ses ayeulx. Mais
puis qu'il a plu à Dieu me retirer du
royaume de France et que présentement
je n'y ai nul enta ns, j'ay trouvé à propos
de leur dire ici ce que je sçai de certain
de ma parenté, afin que si la Providence
permet que quelqu'un y retourne, il puis-
se savoir qui sont les personnes qu'ils
doivent reconnaître pour parent, et voici
par où je commance, ne me ressouvenant
pas de plus loin.
1 Cette généalogie est entièrement inédite, ayant
été omise dans le supplément publié par D. de
Bray, bien qu'il l'eût entre les mains.
— 242 —
Robert Migault x vint au monde en-
viron l'an 1522 dans la maison du Pin -,
près la Mothe St-Heray en Poictou. Son
père et son ayeul en avoient été fermiers
durant toute leur vie, comme il fut aussi
pendant la sienne. Il eut un fils nommé
Daniel, et trois fdles ; l'une mariée à un
Guymard, du bourg de Praille \ duquel
Guymard sont descendus les Guymard du
bourg de Praille et une Guymard, mère
des Bertrains du moulin de la Bessièrc 4 .
Les deux autres furent mariés à Simon et
Daniel Lezay, desquels sont descendus les
Lezays, qui ont demeuré à Mortefond 5 et
à la Couture d'Aigonnay °. Simon eut
Jeanne Lezay, mère de Jaques Marcussau
i « Mon bizayeul », dit le manuscrit de Brè-
me.
2 Le Pin, ferme et hameau, coin. La-Mothc-St-
Héray.
:! Cant. Celles, arr. Melle (Deux-Sèvres). Le R al-
lé des nouveaux convertis mentionne Jacques Gui-
mart, âgé de 50 ans, et ses quatre enfants.
1 Sur le ruisseau le Lambon, tout près du châ-
teau de la Bessière.
"» Corn. Verrines, cant. Celles, arr. Melle (Deux-
Sèvres).
e La Couture, vill., com. Aigonnay.
— 243 —
demeurant appréseni au Vignault ' et gen-
dre de M. Pierre de St-Martin -'. Une qua-
trième fille de Robert fut mariée à Jean
Grégoire, nid. maréchal à Praille, duquels
est descendus les Grégoire de Prailles •"■.
Une cinquième fille, mariée à Jean Mar-
ché, de Bonneau près de Mougon ', des-
quels sont descendus les Ma reliez, des
Touches ">, et deux filles mariées Tune à
un Guinbert, de la Vehée ,! , et l'autre à un
Mousset, de la Moulline près Celle ~. Il y
a de tous ces mariages plusieurs enfans 8 .
1 Le Vignault. coin, de Prailles.
- Le Rolle des nouveaux convertis cite plu-
sieurs protestants de ce nom à Mougon. Aucun
ne porte le prénom de Pierre.
:! Entre autres Abraham Grégoire, maréchal et
Thomas Grégoire, serrurier, 70 ans (lac. cit.).
4 Moulin, com. Mougon et Thorigné.
5 Les Hautes et Basses Touches, vill., com. Tho-
rigné. On trouve sur le Rolle : « Daniel Marché,
journalier, Marie Marché, servante du baron de
Marigny, Daniel Marché dit la Salique et sa fa-
mille. »
''• Sans doute la Voie-Basse, hameau, com. Cel-
les, dit autrefois moulin de la Vée.
7 La Mouline, vill., com. Celles.
s A Celles, Pierre Guimbert, journalier et sa
famille, Daniel Guimbert, laboureur, 70 ans et sa
— 211 —
famille (loc. cit.). Tout ce passage est considéra-
blement plus détaillé dans le manuscrit de Brè-
me :
« Une Guymard, mère de Jean et Abraham Ber-
touins, qui sont morts au moulin de la Bessière,
et desquels il y a plusieurs enfans vivans à pré-
sent.
« Et encore deux autres fdles Guimarde, qui fu-
rent mariées à Symon et Daniel Lezay, frères,
desquels Lezay sont enfans des Lezay qui ont de-
meuré à la Couture d'Aigonnay, et ensuistte à
Mortefon, près Melle (yceux sont fds de Daniel) ;
et de Simon Lezay et de Guymard, sa femme, est
dessendue Jeanne Lezay, mère à présent de Jac-
ques Marcusseau, restaurateur des corps hu-
mains, gendre de M. Pierre de St-Martin, du Vi-
gnault. Elle a aussi d'autres enfans vivans.
« La seconde des fdles de Bobert Migault fut
mariée à Jean Grégoire, nid maréchal audit Praille.
De ce mariage sont dessendus les Grégoire dudit
Braille et du Brueil, et des fdles, l'une mariée à
un Broussard, père de'celuy qui est maréchal à
Argentière, une autre mariée à Symon Boutineau,
père de Boutineau à présent maréchal aud. Prail-
le, une autre, mariée à un Pierre Manteau, pè-
re de Pierre Manteau, qui [à] présent demeure à
Font Payron.
« La troisième des fdles de Bobert Migault, fut
mariée à Jean Marché qui estoit lors maître ...[le
mot manque : meunier ?] et demeuroit au moulin
de Bonneau, près Mougon; de ce mariage sont des-
245
sendus quelques uns des Marchés, de Bonneau, et
ceux du moulin des Touches estoienl leurs pro-
ches païens.
« Deux iilles aussi sont sorties de ce mariage,
l'une mariée à un Guinbert et l'autre à un Mous-
set, desquels sont issus les Moussets, de la Mouline
près Celle, et Louis Guinbert à présent maréchal
au bourg de Vitré, et autres, ausquels appartient
le moulin de la Vehée, proche dudit Celle.
« Robert Migault avoit un frère qui estoit son
parsonnier en la ferme du Pin, cestuy là n'avoit
qu'un fds qui fut s'establir à Souvigné près St-
Maixant, et cestuy cy aussy n'eut qu'un seul fds
qu'il advansa beaucoup, estant en commodité des
bien de ce monde, et ayant changé de Religion,
fit studier son dit fils, qui a esté de ma connais-
sance présidant en l'eslection de Nyort et avoit
nom Louis Migault, s 1 des Fontenelles. Il est mort,
il y a dix-huit ou vingt ans.
« Il avoit un fils et trois filles. Le fils est
mort sans enfans mâles, il n'a laissé qu'une
fille, de façon que le nom de Migault est
esteint dans cette branche. L'esnée des filles n'a
point esté mariée, estant fort boiteuse ; la seconde
a esté mariée à M. Roy, esleu audit Nyort. Il ny
a point d'enfans de ce mariage. La troisième est
mariée il y a douze ou treize ans. » (On trouve, en
effet, dans les minutes du notaire Ligonnière, à
Niort, « Marie Migault, d ellD de la Fontenelle et
Renée, sa sœur, d Hlle de la Guérinière », 1676, 27
juin).
— 246 —
Daniel Migault 1 , fils de Robert, vint
au monde environ l'an 1563 en ladite
maison du Pin. Il épousa en première nop-
ses Jeanne Marché. Sont issus trois enfans
mâles et deux fdles. L'aîné avoit nom
Louis, c'est mon père, et le second Daniel
et le troisième Pierre.
Daniel, fds de Daniel a laissé deux
enfans, Pierre et Daniel, et une fdle
nommée Marie -. Ils ont tout des enfans.
Pierre, fds de Daniel, a laissé un fds
nommé Pierre, marchand-mercier '■', et
Louise, mariée avec Pierre Bonnault K
3 « Mon aïeul », dit le manuscrit de Brème.
- 1(577, 11 Juillet. Mariage de Jean Jacob,
paroisse de Fressines, laboureur à bras, avec Ma-
rye Migault, fille de feu Daniel Migault et de Jean-
ne Granssac. Témoins Daniel Migault, frère, et
Jean Migault, cousin germain de l'épouse. (Heg. de
l'Eglise réf. de Mougon. Arch. Deux-Sèvres, B. 35).
Elle vivait encore en 1(582 {Rolle des nouu. conv.).
? - Sans doute Pierre Migault, mareband (3 til-
les), paroisse La Motbe-St-Héraye, (Rolle des nouv.
conv.).
4 1078, 27 mars. Baptême de Jeanne, fdle de
Pierre Bonnault, tailleur d'habits, et de Louize
Migault. Heg. de l'Eglise réf. de Mougon. Arcb.
Deux-Sèvres, B. 35).
— 247 —
Ils ont des enfans. Les deux filles de
Daniel le premier, Jeanne et Marie, furent
mariée à Pierre et Jaques Durivault 1 . Il
y a des enfans de l'un et de l'autre à la
Brousse d'Azay, près St-Maixant 2 .
Louis Migault, mon père, fils aîné de
Daniel, vint au monde le 8 septembre
1592 au bourg de Praille, et en 1619 fut
marié avec Jeanne Durivault, sa premiè-
re femme, duquel mariage sont issus Ja-
ques Migault, marchand n , qui a demeuré
à la Mothe et a vécu 80 ans et mort en
1698 (il n'a point laissé d'enfans), et Pier-
re Migault, marié avec Susanne Girard,
(sont issus Louis et Jaques Migault, Louise,
Elisabeth et Madelaine Migault, les uns
sont marié à ma sortie de France et les
autres non), et une fille nommé Françoise,
mariée avec Louis Bouchard, marchand
drapier, (sont issus de ce mariage Louis,
i Jacques Durivault, paroisse de Prailles, char-
pentier, 30 ans ; Pierre Durivault, paroisse de
Prailles, laboureur, 30 ans (liollr des nouv. conv.).
2 Coin. Azay-le-Brûlé, cant. St-Maixent (Deux-
Sèvres).
3 Cf. p. 64.
248
Pierre, Jean, François et Josné Bon-
chards 1 , tons sont mariez).
Du second mariage de Louis, mon père,
avec Marie Majand, n'y a point d'enfans.
De son troisième avec Françoise In-
grand, ma mère, nous avons été trois.
Lonis, mon aîné 2 , est mort âgé de 17 ans,
et une fille, nommée Anne, n'a vécu qu'en-
viron un an, et moy, Jean Migault, fils
de Louis et de Françoise Ingrand, suis
né le 24 décembre 1644 au lieu des Tou-
ches, parroisse de Thorigné en Poictou,
où Louis, mon père a demeuré la pins
grande partie de sa vie, et y est décédé en
1662, au mois de septembre, âgé de 70 ans.
Jean Migault, âgé de 18 ans, épouse Eli-
sabeth Fourestier, âgée de 19, fille de Ja-
ques Fourestier :i et de Jeane Mestayer.
Ils s'establirent, dès la première année de
1 Pierre Bouchard, journalier, paroisse de Fres-
sines, 50 ans et sa famille. (Hollc des nouv. conv.).
- « Il avait eu l'honneur de faire la lecture à
l'Eglise de Mougon six à sept fois », ajoute le
manuscrit de Brème.
; î Le même manuscrit ajoute : « marchand-ma-
réchal à Ru (ligné. Le mariage eut lieu le 14 jan-
vier 1663. »
o
219 —
leur mariage el du vivant de ladite Fran-
çoise Ingrand, à Moullé, parroisse de Fres-
sine près de Nyôrt, et ils y, ont demeuré 1<S
ans. Du mariage de Jean Migault et d'Eli-
sabeth Fourestier sont issus 1 1 enfans.
§ I. L'aînée, Anne, fille de Jean Migault,
née le 19 février 1664 \ a épousé Ja-
ques Bougouin duquel sont issus :
1. Jaques ;
2. Jean.
§ II. Louis, fils de Jean Migault, né le 20
mars 1665 et déeédé le premier juin
audit an.
§ III. Jeanne, fille de Jean Migault, née le
12 mars 1667, [déeédé à Zelle le 12
mars 1755, âgée de 88 ans] 2 .
§ IV. Jaques, fils de Jean Migault, né le 3
1 Anne Migault est marraine à Mougon le 13
mars 1078. D'après une note de Brème elle serait
décédée à Londres.
2 Le texte entre crochets est d'une écriture
postérieure sur le manuscrit de Paris ou est em-
prunté aux additions du manuscrit de Brème.
250
avril l(i()8 et décédé à Londre le 3
lévrier 1694.
§ V. Gabriel, lils de Jean Migault, né le
22 juin 1069, [décédé à Zelle le 29
mars 1752, près de 83 ans], a épousé
Jeane Lafond 1 . Sont issus huit en-
fans :
1. Rachel 2 , née le [3 juillet 1707],
décédé le [21 décembre 1732], a
épousé Pierre White, marchand.
Sont issus sept enfans :
1. , né le ,
décédé le
2. , né le
décédé le
3. Gabriel, né le ,
décédé le
i Le même manuscrit précise : « A épousé le 8
juillet 1704 à Amsterdam Jeanne Lafl'ont, fille de
Isaac Lafl'ont et Rachel de la Forcade, née le 14
octobre 1082 à Oloron-en-Béarn, décédée le 2 fé-
vrier 1758 à Zell. »
2 « Nommé Le Blanc », dit le manuscrit. Pier-
re Le Blanc (White), fils de Rodolphe L. et Mag-
delaine Bouchet, épousa Rachelle Migault, tille
de Gabriel Migault et de Jeanne Lafond, le 12 nov.
1724, dans l'Eglise française de Leicesterfields.
(Agnew, II, 100).
Maison habitée par Gabriel Migault a Zki.i.
— 251
4. Roudolff, [baptisé le 30 juin 17:30
à Zcllj, décédé le
5. Pierre, [baptisé le 28 juin 1731],
décédé le
6. , né le ,
décédé le
7. Jean, [baptisé le 30 novembre
1732].
2. [Jeanne-Elizabeth, née le 1 1 no-
vembre 1709, décédée en 1712].
3. [Olivier, né le 25 février 1711, dé-
cédé en 1712].
h. [Isaac-Gabriel, né le 21 juillet 1712,
ne vécut que 4 mois].
5. David [Honoré], né le [30 octobre
1715], décédé à l'âge de six ans.
6. Sophie-Wilhelmine, née le [9 no-
vembre 1717, décédée en novembre
1764], a épousé Henry Cornélius,
marchand à Bremen, sont issus :
1. Tobie, né le [7 janvier 1742].
2. , décédé le
7. Marie-Judith, née le [20 octobre
1719], [décédée le 10 février 1752, à
Bremen], a épousé Martin Deneken
[le 24 février 1739, à Zell], mar-
chand à Bremen.
— 252 -
Sont issus :
1. [Marie-Magdalène], [née le 8 jan-
vier 1742 , décédée [le 12 avril
1712 .
2. Gabriel-François, né le [25 fé-
vrier 1713, décédé le 12 avril
1802, a épousé Adelheid Meyer, le
6 juillet 1794. Issus 4 enfants].
(S. Rodolff-Olivier, né le [25 novem-
bre 1723, décédé le 26 novembre
1790], a épousé à Zell, le 2 mai
1752 [Marie-Madelaine] Dencken,
née le 14 fév. 1721, déc. le 8 août
1757, s'établit à Bremen, en 1758
et y épousa en 2 e noces, le 4 juil-
let 1758, Jeanne-Marguerite Tile-
mann, surnommée de Schenck,
fille de Jean ïileman de Scbenck,
ministre de l'Evangile à Brôme-
Horn.
Sont issus du premier mariage :
1. Jeanne Susanne, née le 15 juin
1753, [décédée le 23 avril 1754].
2. , née le 12 mai 1754,
décédéc le 20 septembre 1755.
3. Marie-Madelaine, née le 3 juil-
let 1756, [décédée le 3 novem-
bre 1759].
- 253
1. Gabriel [Arnaud], né le I juin
1757, [déc. le 5 mars 1758].
Et du second :
1. Gabriel-Olivier, 27 juin-24 ocl.
1759.
2. Jeanne-Marguerite, 28 juin 1700.
déc. janvier 1815.
3. Jean-Gabriel, 29 nov. 1762, déc.
en 1825 à Liverpool.
4. Henri-Ernest, 6 juin 1706, déc.
en 1792 à St-Domingue.
5. Charles-Olivier-Timothée, 20
nov. 1771, déc. 18 avril 1839,
notaire à Brème.
§ VI. Jean, fils de Jean Migault, né le 2
septembre 1070, [resté en France et
parti pour Port de Paix, Saint-Domin-
gue 1 ].
§ VII. Philémon, fils de Jean Migault, [an-
cien à l'Eglise française réformée de
Zell], né le 11 d'octobre 1071, marié
et mort sans enfans, [comme enseigne
au siège de Douay].
i Une autre note de Brème dit : « Il s'est plongé
dans le papisme et a dissipé les immeubles et
domaines de son père. Il mourut en Espagne. »
— 254 —
§ VIII. Madelaine, fille de Jean Migault, née
le 3 novembre 1673, décédée à Mauzé
âgée de onze ans [en 1684].
§ IX. Louis le second, fils de Jean Migault,
né le 8 janvier 1675, [décédé en 1683].
§ X. Pierre, fils de Jean Migault, né le
5 may 1676, s'est noyé dans le Rhin,
près de Neuwied par accident. Il c'é-
toit marié en Dennemark, a eu un
fils nommé :
1. Jean.
§ XI. Marie, fille de Jean Migault, née le
16 juillet 1678, décédée le 2 février
1723 à Lubeck, mariez en première
nopee avec Charles Houel, [le 12 avril
1706 à ZellJ. Sont issus cinq enfants :
/. Louise-Artémise-Charlottc, née le
15 mars 1707, a épousé Jean-Sa-
muel Es tienne, marchand libraire à
Cassel, [et est décédé le 23 décem-
bre 1750, âgé de 63 ans]. Sont issus :
1. Jeanne-Louise, née le 12 décem-
bre 1738.
2. Marie-Amélie, née le 21 mars
1740, décédé le 16 juillet 1742.
205
3. Artémise-Charlotte, née le 12
juin 1742.
4. [Jean-Friderik, né le 19 septem-
bre 1745].
2. Charles-Abraham, né le 2 novem-
bre 1708, décédé à Dcllmenhorst
dans le mois de mars 1742, a eu
deux femmes et deux fdles.
3. Lonis-Gothard, né 29 décembre
1710, est allé en 1736 au Cap de
Bonne-Espérance [et est décédé à
Batavia dans l'année 1749, le 26
avril].
4. Gabriel Gottschalck \ né le 10 no-
vembre 1712, a épousé Marie-Barbe
Alavoine à Vlissingne à la Zcllan-
de, où il s'est établi ; elle est dé-
i Gabriel Gottschalk Houël s'était établi cha-
pelier à Flessingue, comme le lit aussi son fils
Gabriel. Le iils de ce dernier avait été apothicai-
re à Utrecht, où il demeurait encore en 1845, et
le cadet de ses enfants, H. Houël, pasteur de
Groote Lindt, près Dordrecht, possédait l'exem-
plaire du Journal écrit par J. Migault pour sa
bisaïeule. Ce précieux manuscrit est entré à la
Bibliothèque du Protestantisme français en 1886.
C'est celui qui nous a servi pour cette publication.
— 256 —
cédée dans le mois de janvier, le 26
... 1745. Sont issus six enfans :
1. Marie-Louise, née le 30 octobre
1736.
2. Susanne-Marguerite, née le 16
avril 1738.
3. Rachel, née le 25 novembre 1739.
4. Gabriel, né le 24 may 1741.
5. Charles-Joseph, né le 21 mars
1743.
6. Elisabeth, née le 19 janvier 1745,
décédé le 9 d'octobre de la môme
année.
Epouse en seconde nopees Marianne
Longelet, fille de Pierre Longelet et
de Magdelaine-Susanne Croger, née à
la Fertez-Soujoir 1 , en France le ,
béni et célébré le mariage à Middel-
bourg, le 11 juin 1750.
5. , née le ,
vécu qu'une demi-heure.
Epouse en seconde nopee Henry Jacqueau.
Sont issus trois enfans :
1. Marie-Marguerite, née le 2 sep-
tembre 1716.
1 La Ferté-sous-Jouarre.
- 257 -
2. Marie-Elisabeth, née le .'50 juil-
let 1719, décédé le 30 may 1723.
3. Pierre-Henry, né le 19 aoust 1720.
§ XII. Elisabeth, fille de Jean Migault, née
le 9 février 1080, décédé le [18 no-
vembre 1747].
§ XIII. René, fils de Jean Migault, né le 5
aoust 1681, décédé le [30 octobre
1681].
$ XIV. Olivier, [ancien à l'Eglise française
réformée à Zell],fils de Jean Migault 1 ,
né le 21 février 1683, décédé à Lon-
dres, le ,
et fut la cause innocente de la mort
de sa bonne mère qui décéda audit
Mauzé, le 28 et dernier jour de fé-
vrier, âgée de 39 ans. Il épousa [Jean-
ne Huart de Dosse]. Sont issus huit
enfans.
i Olivier Migault, épousa à l'Eglise française de
Leicester-fields, le 20 août 1708, Jeanne Huart, de
Nérac. Il y fit baptiser Gabriel, né le 1 août 170'J ;
Jeanne Elisabeth, 27 janvier 1711 ; François, 9
avril 1712 ; Suzanne Jeanne, 19 novembre 1713,
et deux jumeaux, Olivier et Jean, 22 avril 1715.
(Agnew, t. II, p. 375).
- 258 —
2.
3.
4.
5. Olivier i .
„ T îumeaux.
6. Jean \
7. Elisabeth.
8. Marie Raehel, née le
a épousé Dupond, orphévre. Sont
issus :
1.
2.
3.
Du second mariage de Jean Migault
avec Elisabeth Cocuaud, qui étoit veuve
de Pierre Chaigneau, et fdle de François
Cocuaud, vivant nul. tonnelier, demeurant
à Nantillé, près la Rochelle l , et d'Ester
Mozé, ledit mariage béni et célébré à
Amsterdam, le 2 may 1691, et duquel sont
issus :
§ I. Madelaine, née le 22 lévrier 1692, décé-
dée à Fawe, en Hollstein, l'année
i Nantilly, coin. Marsilly, cant. La Rochelle.
- 259 —
1750, dans le mois d'août, ugée de
57 ans environ ;
et
§ II. François-Louis, né le 4 lévrier 1694.
Suit les noms des parens que moy,
Jean Migault, ai laissé en France du côté
de Françoise Ingrand ma mère.
Daniel et Catherine Ingrands, mes cou-
sins germains, fils d'Abraham Ingrand,
mon oncle. Daniel a plusieurs enl'ans de
Marie Bédouin \ sa femme.
Pierre Cherbonnier, mon cousin ger-
main, fils de Susanne Ingrand, ma tante.
Il a des cnfans et demeure près St-Ge-
lais -.
Jeanne Planet, ma cousine germaine,
fille de Marie Ingrand, ma tante.
Jean Ingrand, mort à Fressine dès l'an
1663 ou plus ou moins, étoit cousin ger-
main de ma mère. Il a trois filles, Marie
i Daniel Ingrand, journalier, 30 ans, et Marie
Berlouin, sa femme, 38 ans, paroisse de Fressines,
avaient en 1682 cinq enfants, Catherine, Antoine,
Louise, Marie et Daniel, 10, 8, (5, 5 et 2 ans. (Rolle
des nouu. conv.).
2 Cant. Niort (Deux-Sèvres).
260
Catherine et Jeanne, qui sont mariée tou-
te trois.
Pierre et Jean Mauduits, de St-Ruc * et
de la Justice, étoient cousins germains de
Françoise Ingrand, ma mère. Il y a plu-
sieurs enfans desdits Maud[u]its audit St-
Bue, ils étoient enfans de Mandée Fri-
chet. Jean Ingrand, mort à Fressine 2 , fds
de Collette Frichet et Françoise Ingrand,
ma mère, et ses frères et sœurs, fils d'An-
ne Frichet. Ces 3 Frichet étoient sœurs.
Je ne commis point le degré de mes au-
tres parens du côté de ma mère. Suit les
parens du côté d'Elisabeth Fourestier, ma
première femme :
Louis Fourestier et Françoise Foures-
tier, frère et sœur d'Elisabeth. Ils ont des
enfans l'un et l'autre, Louis ayant été ma-
rié avec Jeanne Breuillac, et Françoise
avec Jean Baudou.
Jean, Joseph, René, Pierre, Samuel et
Renée Chahans 3 , cousins germains d'Elisa-
i Com. de St-Médard, cant. Celles, arr. Melle.
2 Hameau, com. Prailles.
3 René Chaban, maréchal, à St-Gelais, 40 ans.
(Rolle des noiw. conv.).
261 —
beth Fourestier, étant enfans de Jean
Chah an et de Madelaine Fourestier, sœur
de Jaques.
Pierre Guyonnet l , de Nyort, cousin né
de germain d'Elisabeth Fourestier ; il a
laissé un fds, et une fille mariée à Jaques
Fichet ; ils ont demeuré à Nyort et ont
des enfans.
Louis Mestayer, cousin germain de Eli-
sabeth Fourestier.
Il y a d'autres Mestayer, parens à St-
Maixant et autour d'Azay ; je ne sçai
point le degré -.
Les parens d'Elisabeth Cocuaud, ma se-
conde femme, sont :
Pierre Rigaud, marchand à Marans, et
i Cf. p. 73.
- Le manuscrit de Brème ajoute :
« J'ay d'autres parens, mais je ne say pas le
degré, c'est pourquoy je finy en cet endroit. Gela
suffira pour l'intelligence de mes enfans sy Dieu
leur permet le retour dans notre patrye. Dieu
veuille y rétablir le flambeau de la parolle, et y
rallumer tant de lampes qui y sont esteinte, re-
lever les mazures de nos temples, et nous faire la
grâce d'y retourner en paix pour l'y glorifier et
servir tous les jours de notre vie.
Ainsi soit-il ! Migault. »
— 262 -
Pierre Barboteau et Jean Douit, m 63 ton-
neliers de la Rochelle, ont épousé Marie,
Jeanne et Marguerite Coeuaud, sœurs [de]
ma femme, et ont tous des enfans.
J... Real, de la Rochelle, à cause de
Coeuaud, sa femme,- cousin germain
de madite femme ; ils ont un fils qui a été
auprès de nous à Amsterdam et des filles
à la Rochelle.
Madelaine Bernardeau, tante de ma
femme, à cause de feu Charles Mozé, son
oncle, frère de ma défunte belle-mère. Ils
ont un fils, marié à la Rochelle qui a des
enfans.
François Coeuaud, fils de François, est
neveu de ma femme. Il a une sœur, et
tous deux sont ou à Marans ou à la Ro-
chelle.
Les Sylvestres, aussi de la Rochelle, sont
enfans d'une Mauzé, qui étoit germaine
d'Ester Mauzé, ma belle-mère.
Les Bouquets ] et Bruhans - sont parens
i Elisabeth Bouquet, absente du royaume pour
cause de religion en 1709, épousa Jacques Bruand.
(Rens. Pandin).
- Jacques Bruand, mort avant 1709, avait épou-
sé Elisabeth Bouquet dont il eut deux fdles, Anne
263 —
de ma femme au même degré ; et autres,
que ma femme ne connoit point.
Ce mardi 22 may 1696, j'ay sorti d'Ams-
terdam avec ma femme et nos deux pe-
tits enfans et sommes arrivez dans cette
ville d'Embden le lundi suivant, 28 du
même mois, l'Eglise françoise m'ayant
appelle pour faire la lecture en icelle et
pour tenir l'école en la même langue.
Nous avons demeuré à Amsterdam, moy
huit ans moins huit jours, ma femme
neuf ans. Cette année ici est notre septiè-
me en cette "ville. Dieu veuille nous y con-
tinuer ses grâces et ses bénédictions !
A Embden, ce 25 juillet 1702.
MIGAULT.
et Elisabeth, qui quittèrent la France avec leur
mère après la Révocation. Une autre Elisabeth
Bruantl épousa Jean Bricard. S'étant convertie
au catholicisme, elle fut mise en possession des
biens d'Anne et Elisabeth Bruand. (Rens. Pandin).
Jlmesh
(foc aJïayj . / / g, n
Fragments du Testament de Jean A
I
u JaÀnlï etf>YT/h ftonnz
IlGAULT
TESTAMENT DE JEAN M1GAULT
Au nom de Dieu : Père, Fils, et Saint-
Esprit. Amen.
Je Jean Migault, lecteur de l'Eglise fran-
çoisc de cette ville ; estant par la grâce
de Dieu sain d'esprit, bonne mémoire et
entendement, considérant la certitude de
la mort et l'incertitude de son heure, et
désirant la prévenir par la disposition
de mon testament & ordonnance de der-
nière volonté, je l'ay fait de ma propre
main, dressé, escrit, et signé, sans sug-
gestion, induction ny persuation de per-
sonne quelconque, ains de ma pure & li-
bre volonté, priant très humblement le
vénérable Magistrat de cette dite ville ou
tous autres, en la dépendance desquels il
pourroit être ouvert, d'en permettre (si
besoin est) l'exécution, quoi qu'il y man-
quast quelque formalité, attendu que je
ne sçay point les uz et coutumes de cette
ville et pays d'Oost-Frise, et n'ayant peu
le faire rédiger par écrit par aucun not-
— 266 —
taire, veu que je n'entends point du tout
la langue de ce pays.
Je recommande premièrement mon âme
à Dieu mon créateur, le priant pour l'a-
mour du mérite infini de mon bénin Sau-
veur et rédempteur Jésus-Christ, qu'il me
pardonne tous mes péchez et offences, et
qu'il la reçoive en son saint Paradis à
l'heure de ma mort ; je recommande mon
corps à la sépulture de la terre, en atten-
dant la bien heureuse résurrection, me re-
mettant du soin de mes funérailles à la
discrétion d'Elisabeth Cocuaud ma fem-
me, laquelle je prie d'en avoir soing.
Je casse, révoque, et adnulle tous dons,
donnations, testamentz et codiciles con-
traire à ces présentes, que je pourrois
avoir cy devant fait, ou faits et nommé-
ment celuy que j'ay fait conjointement
avec madite femme lorsque nous demeu-
rions à Amsterdam, lequel demeurera nul
de toute nullitté à mon égard, d'autant
que mes affaire ont changé, mes effets
diminué, et le nombre de mes enfans aug-
menté depuis la passation d'icelui ; et que
j'ay aussi délivré et mis es mains de mes
enfans de mon premier lit, toutes les cho-
267
ses que je croy leur appartenir et que je
peux leur donner, soit de la succession de
deffunte Elizabeth Fourestier leur mère,
ma première femme, soit de la mienne
après mon décedz, et généralement pour
toutes prétentions qu'ils pourroient avoir
en mes effetz mobiliaires après ma mort.
Je déclare donc ici, et je veux et entend,
que mes enfants de mon premier lit, Anne
femme de Jaques Bougouin, Jeanne, Ga-
briel, Philémon, Pierre, Marie, Elizabeth
et Olivier Migault, mesd. enfans, et de ladite
feu Elizabeth Fourestier, se contenteront
chacun à son égard, de ce que je leur ay
donné en argent, ou en autres choses, cy
devant et en divers temps. Et principale-
ment qu'ils se contentent de ma bonne
volonté, n'ayant point été, et n'estant point
encore à présent en état de leur donner
davantage, ny faire pour eux que ce que
j'ay fait. Et j'atteste ici la conscience de
ceux principalement, qui d'entreux ont
demeuré auprès de moy, de se souvenir
de la manière que j'ay vécu depuis que
je suis sorty de France, pour pouvoir les
eslever en la crainte de Dieu, et leur don-
ner le moyen de gagner leur nécessaire.
18.
268
Ils se souviendront aussi du peu de biens
que j'ay sorty de France et du nombre
d'enfans que j'ay eu sur les bras nombre
d'années. J'espère aussi, qu'il n'y aura au-
cun d'entreux qui ne soit content de mes
soins et de ma bonne volonté. Et en cette
persuation et asseurance, je prie Dieu tout
bon et tout puissant qu'il les bénisse tous
en général et chacun en son particulier,
qu'il les fasse fructifier en toutes sortes
de vertus chrestiennes, qu'il leur donne à
tous et à leurs familles ce qui leur sera
nécessaire, pour le corps et pour l'âme,
pour cette vie et pour la vie éternelle.
Et à l'égard de Jean Migault, mon fils et
de ladite deffunte Elisabeth Fourestier
ma première femme, ayant resté en Fran-
ce, je l'exclus et les siens à perpétuité de
ma succession, mobiliaire et immobiliaire,
attendu qu'il a dissippé et destruit autant
qu'il a peu la majeure partye des dom-
inâmes et héritages que j'ay laissé audit
royaume. Toutefois, sy la Providence di-
vine permettait un jour la liberté de
conscience audit royaume, et que mondit
fils Jean revint de ses égaremens et des-
bauches, et qu'il rentrât dans notre sainte
269
Religion en abandonnant et abjurant le
Papisme dans lequel il s'est plongé et qu'il
fist une restitution juste et raisonnable à
ses frères et sœurs de toutes les eboses
qu'il a dissippées, vandues, destruites, ou
receùes des fruitz de mes immeubles, ou
d'hommaines, aux susd. cas, je veux qu'il
partage iceux également avec sesd. frères
et sœurs.
Je donne à Madelaine, et à François-
Louis Migault, mes deux petits enfans et
de ladite Elizabeth Cocuaud ma femme,
et ce par moityé et égale portion, tous &.
chascuns mes effetz meubles, choses cen-
sée et réputée meuble, généralement quel-
conques qui me restent et qui se trouve-
ront me rester au jour de mon décedz,
sans aucune chose en excepter ny réser-
ver, que ce que je diray en suitte, pour
être mesditz meubles et effetz employez
à nourrir et eslever mesditz deux petis
enfans jusques au temps qu'ils puissent
estre en aage de gagner leur nécessaire.
J'entens, et je veux aussy que mesditz
effetz serviront pour la nourriture et en-
tretien de madite femme, luy en faisant
don aussy de ce qu'elle en aura besoin
— 270 —
comme à mes deux petits enfans, persuadé
qu'elle en usera en bonne mère et leur
conservera ce qu'elle pourra, l'un mourant
l'autre succéddera.
Je veux aussy que mes deux petis en-
fans, Madeleine et François-Louis, demeu-
rent sous la main, conduite et gouverne-
ment de madite femme leur mère, et sous
la tutelle, dirrection et conduite dudit Ga-
briel Migault, mondit fils, lequel je nomme
pour leur tuteur et curateur, en le priant
et le conjurant au nom de Dieu et par
l'amour sincère qu'il m'a toujours porté,
d'accepter ladite charge de tuteur & cura-
teur de sadite sœur et frère, Madeleine et
François-Louis Migault, d'avoir soin, avec
madite femme leur mère, de leur éduca-
tion et conduite, en prenant connoissance
de leur effetz pour leur administrer, ou
faire administrer, en leur besoins jusques
à ce qu'ils soient en aage de se conduire
et gouverner par eux-mêmes. Je suis sy
persuadé de la bonté et charité de mondit
fils envers moy et eux, que dans leur be*-
soin il ne s'y espargnera point, et qu'il
seroit inutile que j'en disse davantage. Et
par ce que je n'ay donné que fort peu de
— 271
chose à mon dit fils Gabriel, Dieu ayant
béni son travail sans mon ayde, je le prie
de prendre partie de mes livres et d\n\
choisir ceux qu'il trouvera à propos et
particulièrement il me fera plaisir de pren-
dre le Nouveau Testament que j'ay trans-
crit de ma main et de le garder pour l'a-
mour de moy, et d'estre au surplus con-
tent de ma bonne volonté.
S'il plaisoit à Dieu, comme je Feu prie
du profond de mon cœur, de redonner la
liberté de conscience audit royaume de
France, et que mes enfans y retournassent,
soit pour y demeurer ou autrement dis-
poser des d'homaines que j'y ay délaissé,
ils le partageront également entr'eux.
Et parce que Madeleine et François-
Louis ne sont que demy frères de mes au-
tres enfans, pour faciliter leur dit parta-
ge, je veux que Madeleine se contente,
pour toute portion de mes susd. d'homai-
nes, de la ranthe de sept boixcaux de blé
vallant seigle qui me sont d'heubz chacun
an sur le moulin des Touches, parroisse de
Thorigné ; et que François-Louis, se con-
tente aussi des trois boixellées de terre
labourables en deux pièces, une contenant
— 272 —
vingt-quatre seillons, size en la vallée de
Meschinot, l'autre pièce en seize seillons,
siz à la vigne à Clouzeau près le village
des Touches susdite parroisse 1 ; l'instruc-
tion de tous mesditz d'hommaines se trou-
vera dans mes papiers.
Je veux que les sommes de deniers et
autres choses que M e Jaques Devilliers, S r
de Boisbourdet, procureur au siège royal
de St-Maixant -, a entre les mains à moy
appartenantes, et que je luy ay laissé en
dépôt, lors que je suis sorty de France,
avec tous les coniratz de mes dits d'hom-
maines et autres papiers, soient aussy par-
tagez également entre mesdits enfans, tant
de mondit premier mariage que de mon
second, l'instruction de quoi se trouvera
aussy es mes papiers et livres.
J'exortc tous mesditz enfans, au nom
de Dieu, de s'aimer, de se secourir et s'en-
trayder les uns aux autres, comme la cha-
rité et l'amour de Dieu leur ordonne, et
d'estre en secours, ayde et consolation
tant à madite femme qu'à nos d'eux petits
i Cf. p. 30.
2 Cf. p. 190.
— 273 —
enfans. J'cslis, et nomme pour exécuteur
de mon présent testament et pour assis-
ter madite femme jusques à l'arrivée de
mondit fils aisné, la personne de Pierre
Durzy, mon voisin et mon bon amy.
Je me réserve à toujours de changer,
augmenter ou diminuer ce que je trouve-
rai à propos de faire dans cettui mon
présent testament soubz mon seing seule-
ment, et auquel cas de changement, aug-
mentation ou diminution sera ajouté foy
comme à tout ce que dessus, estant signé
de moy.
C'est mon testament et ordonnance de
dernière volonté, lequel je veux qui sorte
son plain et entier effet en tous ses points,
clauses et articles. En foy du tout, je l'ay
escrit et signé de ma propre main, et fait
signer aux tesmoings cy soubzcritz avec
moy.
A Embden, après midy, le jeudy dix-sep-
tième de may mille sept cent et trois,
J. Migault, testateur.
P. Sapin, comme témoin.
Pierre Durzy.
— 274 —
Charles Henon, comme témoin.
J. Bourdeaux, comme témoing.
André Duboys.
G. Bonafos.
Pierre Leques.
Abel Léo, comme tesmoing.
Samuel Allard, comme témoing.
Destournelles de greffin.
Pjerre du forest, comme témoing.
cpcly tth? quz, le fuir fri+yky~'^Ffa,VlOU } aA>*C huj
fiwiw , U Je<KhmyJùr Xe, x wn.r owjc cuO^j ■ connus
wrr
?&&:,
0^*>e .
Fragments du Testament de Jean Migai
II
JJL Cxy °ay bu^fc^-fc
'wrrU&rt- (Aw.y . //
TABLE DES NOMS DE PERSONNES
ET DE LIEUX,
ET DES PRINCIPALES MATIÈRES
Abjuration (Prétendu acte d') de Jeanne Migault,
143 n.
Abjurations, 66 n, 121, 139, 1G2 ss, 174 n, 176 n,
177 n, 211 n, 214 n, 242.
Mougon, 83 n. — Poitou, 67 n.
iigonnay (I). Sèv.), 60 n, 139 n, 215 n.
Aitz ou Aix (Elisab. d'), dame de Mizeré, 174 ss,
181 ss, 197, 211, 218. — Voy. Gillier.
Alavoine (Marie-Barbe), ép. Gabr.-Gottsch. Houèl,
255.
Aleigne (//). Voy. La Laigne.
Allaire (Ant.), s r du Bugnon, 155.
Allard (Sam.), 274.
Alleau (Françoise), 62 n.
Allemagne (Refuge en), 132 n, 170, 258.
Amérique (Refuge en), 132 n, 135 n, 158 n, 220 n.
Amilly. — Voy. Saint-Pierre d'A..
Amsterdam, 46, 49, 52 n, 56, 118, 171, 219 n, 235,
236 n, 250 n, 258, 262, 263.
Anderson (W.) prof., 9.
Angleterre (Refuge en), 89, 154 n, 166 n, 225 n, 231 n.
Argentière, 244.
Arnou (P.), s r de Vaucresson, intend., 128, 177 n.
— 276 —
Arvert (Char.-Inf.), 125.
Asfeld (Régiment d'), 1685, 123 n, 132.
Assemblée de Grand-Ry (1688), 215 ss.
Auchier (René), curé, 143 n.
Aiilnay, (Char.-Inf.), 126, 183, 235.
Avice (Aubin), s r de Mougon, 62, 80 n.
Ayrault. — Voy. Hérault.
Azay-le-Brûlê (D. Sèv.), 247, 261.
Babault (Marthe), 187 ss, 210, 212, 231.
Babu (Poésies du curé Jean), 90 n.
Balk, 235.
Banlier (Marianne, René et Rolland), 1)5, 104, 165.
Baptreau (1). Sèv.), 74 n, 90 n.
Barbezieux (Synode de), 1682, 113 n.
Barbolin, régent, 108, 121 ss.
Barboteau (Pierre), 262.
Bardon (Jean), 192 n.
Bareau (Jean), 193 ss.
Barillon (Confession de l'évèq. H. de), 106 n.
Barjac (Jacques de), marquis de Rochegude, 47 n.
Baron, curé, 180 n.
Barrabin en Mauzé (Le Brenil), 111 n.
Batavia, 255.
Baudéan (Suz. de), ép. de Montault, 72 n.
Baudou. — Voy. Bardon.
Baugouin (Jacques), 249.
Bavot (Françoise), ép. Jacq. Migault, 138 n.
Bai/eux (Procès à cadavre, 1(586), 12 n.
Beaucaire (De). — Voy. Horric.
Beaulieu (I). Sèv.), 179.
Beauregard (Mme de), 47 n.
— 277 -
Beausobre (Marie de), ép. .1. Pinet, 73 n.
Belard (Jacq.), 30.
Belle-Croix (Char.-Inf.), 193.
Benac Navaille (De). — Voy. Montault.
Benêt (Vendée), 120.
Benoist (Elie), past., 93 n.
Bergerac, 107 n.
Berlin, 7.
Bédouin (Marie), ép. Dan. Ingrand, 259.
Bernard (Yves), curé, 122.
Bernardeau (Daniel et David), 220 n. — (Madel.),
262.
Bernon (Renée), ép. P. Moreau, 201 n.
Bertouin (Abr. et .1.), 244.
Bertrain, 242.
« Bertrande », 141, 148.
Bessé (De). — Voy. La Touche.
Bessière (Moulin de la), 242, 244.
Billon, vicaire, 80, 81, 80. — (Esther), ép. Georget,
158 n.
Bion (Mlles), 100 n. — (David), 120 n, 158. — (Gé-
déon), banquier, 158 n.
Blandine. — Voy. Guérin (Jacques).
Boisbourdet (De). — Voy. Villiers (Jacq. de).
Bois-Martin (Ferme du), 83.
Boniier (Pierre), avoc, 197 n.
Bonafos (G.), 273.
Bonnault (Daniel), 154. — (Pierre), 24G.
Bonneau (Moulin de), 243, 244.
Bonne-Espérance (Gap de), 255.
Bonnet (Abel) père et fds, 225, 231. — (Daniel),
225 n. — (Louis), 225 n.
— 278 —
Bordeaux, 120.
Bouchard (Louis), 247. — (Pierre), 248 n.
Bouchet (Madel.), ép. Rod. White, 250 n.
Boudet (A.), curé, 180 n.
Boudoury, dragon, 210 n.
Bougouin (I). Sèv.), 182. — (Chat, de), 132 n.
Boulays (Pierre), 74 n.
Bouquet (Elisab.), ép. Jacq. Bruand, 202.
Bourdeaux (J.), 273.
Bousset. — Voy. Bousset.
Boutin, 230.
Boutineau (Simon), 244.
Bouynot (Elie), 195, 211, 214.
Bray (I). de), 8, 58 n.
Brème, 15, 251, 252.
Breuil-Barrabin-en-Mauzé (Le), 111 n.
Breuil-en-Mauzé (Le), 111. — (De). Voy. Ranques.
Breuillac (Jeanne), ép. L. Fourestier, 192 n, 200.
Brevet (Marie), ép. J. Gayot, 154 n.
Rricard (Jean), 203 n.
Briel [La Brille], 232 ss.
Bristol, 225 n, 231 n.
Brochure (F.), 100 n.
Broussard, 244.
Bruand (Anne), 202 ss. — (Elisab.), ép. J. Bri-
card, 203 n. — (Jacques), 202.
Bruchause, 30.
Bruhan. — Voy. Bruand.
Brunswick (Georges-Guill. de), 47 n. - (Sophie-Do-
rothée de), ép. Georges-Louis de Hanovre, 48 n.
Burjault (J. et P.), 110.
But ré (Jean), 05 n.
Buxton (T.-F.), 0.
27!)
Cadavre (Procès à) [Bageux, 1686], 12 n.
Canada, 158 n.
Caroline, S!).
Cassel, 254.
Caulier (D.), 33 n.
Cavat, 222, 231.
Caverne du bois d'Olbreuse, 149 ss.
Celle. — Voy. Zcll.
Celles (D. Sèv.), 60 n, 243.
Celotte, 235.
Chaban, 260.
Chaban (De). — ■ Voy. Pontard.
Cbâbosseau (.T.), capit., 17S.
Chagnollet (Cbar.-Inf.), 22(1.
Cbaigneau (Pierre), 258.
Chalais (De), 158 n.
Chambrier (Mine Alex, de), 174 n.
Champion (Jacq.), dit Hours, past., 99, 100, 101.
Chant des psaumes, 121.
Chantemerlière (Cbar.-Inf.), 183 n.
Cbappuzeau (Cbr.), 34. — Lettre (1699), 35 ss. —
(Sam.), 35 n.
Charente. — Voy. Tonnan-Charente.
Chastellars, subdélégué, 177 n.
Châteauneuf (De). -- Voy. Gourjault (CL).
Châtelaillon (De). — Voy. Green de St-Marsault.
Chateverre (Louis), 223, 227, 231, 233.
Chauffepié (Anne de) [Mlle de Villeneuve], 44,
166, 167. — (Journal d'), 106 n. — (Cath. de)
[Mlle de la Croix], 106. — (Marie Claude de)
[Mlle des Aubiers], 166.
Chauffepied (Benj.), s' de Lisle, 141 n, 158. —
(Second de), past., 235. — (Sam. de), past., 235.
19.
— 280 —
Chaut (.T.), dragon, 21G n.
Chauvcau (Fr.), 190.
Chauagné (D. Sèv.), 60 n, 180.
Chef-Boutonne (D.-Sèv.), 126.
Chenay (D.-Sèv.), 182.
Cherbonnier (Pierre), .259.
Cherveux (D.-Sèv.), 126.
Choisy (Mme et Mlle de), 183 ss, 203, 208 ss, 217,
23L — (De). — Voy. Laste.
Clouzeau, 272.
Clouzot (H.), 16.
Civray (Vienne), 126.
Cocuaud (Elisab.), ép. P. Chaigneau, puis Jean
Migault, 51, 258, 261, 269. — Portrait, 15,
35 n. — (François), 258, 262. — (Jeanne), ép.
P. Barboteau, 262. (Marg.), ép. J. Douit,
262. — (Marie), ép. P. Rigaud, 262.
(U>(,nehors (Char.-Inf.), 153 n.
Collon (J. et L.), 73.
Confession de l'évêq. H. de Barillon, 106 n.
Contré (Char.-Inf.), 183 n.
Cornélius (Henry), 251.
Coroï (J.), 16 n.
Couhê (D.-Sèv.), 139, 235.
Coulonc/es-s.-ÏAutize (D.-Sèv.), 126.
Cram-Chaban (Char.-Inf.), 132 n.
Crespin (Jean), 114.
Croger (Marie-Suz.), ép. P. Longelet, 256.
Croisctte (Logis et Moulin de) (D.-Sèv.), 142, 147.
Croix (Belle) (Char.-Inf.), 193.
Croix-Xaslin (La) (Ferme de la Croix-NoUit), 102 n.
Cumont (Jeanne de), 183 n. — (Louise de), ép.
Aug. de Laste, 183 ss, 203, 208 ss. 217. 231.
— 281 —
Danemark, 254.
Delft, 235.
Dellmenhorst, 2.").").
Demuin (Honoré Lucas de), intend., 11)8.
Deneken (Marie-Madel.), ép. Rod. Olivier Migault,
252. — (Martin). 251.
Desaivre (L.), 143 n.
Des Aubiers (Mlle) Marie-Ci. de Chauffepié], 106,
Desbois le jeune, 231.
Des Bugaudières. Voy. Massiot (J.).
Des Fontenelles. - Voy. Migault (Louis).
Desmier d'Olbreuse (Baron), l(i n. — (Alex.), pè-
re, 47 n. — (Mme) [Jacquette Poussard de Van-
drè], 47 n. — (Alex.) fils, dit le marquis d'Ol-
breuse, 20, 127, 131, 134, 144 ss, 140, 170. -
(Mme) [I. Jeanne Geay], 127 n. -- [IL MadeL-
Sylvie de Ste Hermine], 127 n, 134, 144, M!),
105 ss, 10!). - (Eléonore), duchesse de Zell,
27 n, 47 n, 113 n, 127. — Portrait, 35 n.
Des Touches, maréch., 217 n.
Destournelles de Greffin, 274.
Devallée (Madel.), ép. .T. Moreau, 132 n.
Devilliers. — Voy. Villiers (De).
Dillot (Jean), 83, 99, 101, 102, 170, 198, 1!)!). 207.
209, 229, 231.
Domestiques prot., 147 n.
Dompierre (De). — Voy. Green de St-Marsault.
Dompierre-sur-Mer (Char.-Inf.), 193, 220 n.
Dordrecht, 11.
Dosse (De). — Voy. Hua ri.
Douai, 253.
Douil (Jean), 202.
282
Doyneau (Jeanne), ép. Cl. Gourjault, 44, 70 n,
72 n, 91, 102.
Dhagonnades {Poitou), 66 n, 106 ss, 123, 215. -
(Fressines), 07. — (Mougon) (10S1), 65 ss, 92 ss,
103 ss. — (Mauzé) (1681) 108 n. - (1685),
130 ss. — (Dioc. de Luçon), 106 ss. - Thori-
gné, 90 ss.
Drelincourt (Ch.), past., 114 n.
Du Beignon. -- Voy. Du Bugnon.
Dublin (Biblioth. Marsh), 108 n.
Duboys (André), 273.
Du Bugnon. — Voy. Allaire.
Du Forest (P.), 274.
Dupond, orfèvre, 258.
Dupui (Mémoire de), 74 n.
Durivault (J. et P.), 247. — (Jeanne), ép. Louis
Migault, 138 n, 247.
Durzy (Pierre), 38, 273.
Du Vergier de Monroy (Ch.), 47 n.
Elbeuf (Duc d'). — Voy. Charles de Lorraine.
Emden, 29, 52, 203, 273.
Enschédé (A. J.), 11.
Espagne, 253 n.
Estienne (J. Sam.), libr., 254.
Eveillard (Suz.), ép. Jacq. Champion, !)!) n.
Exoudun (D.-Sèv.), 179 n.
Fauche (A.), 16 n.
Faucheux, s' de St Mesmain, dragon, 143 n.
Fawe (Holstein)., 258.
Fichet (Jacq.), 73 n, <S7 n.
— 283 —
Fiefdoix (De). - Voy. Girault.
Flamand (Jeanne), ép. A. Guichet, 170 n.
Flessingue, 255.
Folie-Melot (La) (Char.-Inf.), 224.
Fonbrune-Berbinau (P.), past., 217 n.
Fontenay-le-Comte, 1 20.
Font Payron, 244.
Foucault (Nie), Lntend. du Poitou, 215. - (Mé-
moires de), 21(i n.
Fouché (Et.), 102 n.
Fougeray (De). — Voy. Tuiliers (René).
Fourestier (Elisab.), ép. Jean Migault, 50, 53, 57,
58, 77 ss, 192 n, 248, 260, 207. — Sa mort (1083),
53, 57, 112 ss, 119. — (Françoise), ép. .1. Bafdon
ou Baudou, 192 n, 200. — (Jacques), 192 n,
248. — (Louis), 192, 200. — (Madel.), ép. .1.
Chaban, 261.
Fradin (J.), s' r de la Morinière, 93.
Frédéric II, roi de Prusse, 48 n.
Fressines, 58, 00 n, 240 n, 25!). — (Dragonnades). 07.
Frichet (Collette), ép. Ingrand, 200. — (Mandée),
ép. Mauduit, 200.
Friedrichsdorf, 31.
Gacougnolle (Chat, de), 05 n, 72, 84 ss.
Gagemon (De). -- Voy. Prévost.
Galandet. — Voy. Gallaudet.
Galériens, 201 n, 217.
Gallaudet (P. E.), 135. — (Thomas Ilopkins), 135 n.
Gandouet, curé, 91 n.
Garnier (Présid.), 58 n.
Gauvaing (Marie), ép. J. Massiot, 214 n.
— 284 —
Gay (Jacques), maît. d'école, 83 n.
Gayot (Jean), lf>4.
Geay (Jeanne), ép. Alex. Desmier d'Olbreuse, 127 n.
Gelin (H.), 16 n, 72 n, 174 n. — (0.), 14.
Généalogie de Jean Migault, 241 ss.
Geoffroy, 178 n. -- Voy. Godefroy.
Georges II, roi d'Angleterre, 48 n.
Georges (Mlle), 1(56. — (I).), médecin, 166 n.
Georges-Guillaume de Brunswick, 47 n.
Georget (Esther), née Billon, 158 n.
Gibault (Fr.), 93 n.
Giffard. — Voy. La Roche.
Gilbert (Mlles), 234 n. — (Abr.), père et fils, past.,
234. — (Jean), 83 n.
Gillier (Ant.), baron de Mauzé, s r de Mizeré, 174
n. — (Cath.), 174 n. — (Elisab.), 174, 178,
181 ss, 218. — (Franç.-Ch.), comte de la Ville-
dieu, capit., 182 ss. -- (René), s r de Salles, 18 1 n.
Girard (Suz.), ép. Pierre Migault, 138 n, 247.
Girault (Aubin), s' de Fiefdoix, 87 n.
Glascow, 9.
Godefroy (Jacq.), 177 n, 178.
Goribon, 172.
Gourjault (CL), s' de la Bessière, 70 n, 72 n.
Grand-Breuil (Ghât. du) (D.-Sèv.), 14, 72, 88, 89,
102, 103 ss, 110, 1G8, 185, 189, 190.
Grand-Hy (D.-Sèv.) (Assemb. de), 1G88, 215 ss.
Grange (De). — Voy. Ranques.
Granssac (Jeanne), ép. Daniel Migault, 24G n.
Green de St-Marsault (Daniel), s' de Dompierre,
158 n, 197 n. — (Pharamond), baron de Châ-
telaillon, gouv., 155.
— 2.S.")
Greffin (De). — Voy. Destournelles.
Grégoire (Abr.), maréch., 243 n. — (J.), 243, 244.
— (Th.), 243 n.
Groningue, 49.
Groote-Lindt, 25ô n.
Gros-Bois, 60 n.
Guérin (Jacq.), 215, 217 n.
Guichet (André), 176 n. (Gabrielle), 176 n.
Guichet de la Gratière, 120 n, 17(i.
Guillemeau (Esther), ép. Jacq. de Villiers, 59 n.
Guilloz, 182 n.
Guimart (Jacq.), 242 n. Voy. Guymard.
Guimbert (Dan. et P.), 243, 245.
Guionneau (Suz.), ép. Oz. Jourdain, 224.
Guymard, 242. — Voy. Guimart.
Guyonnet (Jeanne), ép. Jacq. Fichet, 73 n, 261. —
(Pierre), 261.
Haarlem, 235. — (Société des Dames de), 27 n.
Haïti, 177.
Haie (Will.), (i.
Hanovre (Georges-Louis de), 48 n.
Hénon (Ch.), 273.
Henry (J.), past., 8 n.
Hérault (Hélie), 120 n, 158. - (Marie-Anne), ép.
Dav. Bion, 159 n.
Hékos (Les) de la Ligue, 108 n.
Hesse (Emilie de), ép. H. Ch. de La Trémouille, 47 n.
Hoare (Sam.) jun., (i.
Hollande (Refuge en), 89, l(i(i n, 173, 178, 183 n,
232 ss.
Holstein, 258.
— 286 —
Hoirie de Beaucaire, 47 n.
Houël (Ch.), 8, 12, 254. — (Gabr. Gottschalk), 255.
- (H.), past., 8, 255 n. — (Mme) [A. J. C. Losel-
Voerstman], 11. — (Louise- Arth.-Charlotte), ép.
J.-S. Estienrie, 254. — (Nie), 12 ri.
Hours. — Voy. Champion.
Huart de Dosse (Jeanne), ép. Olivier Migault, 257.
Huissiers prot., (53 n.
Iken, past., 15.
Ingrand (Abr.), 73, 25!). — (Cath. et Daniel), 259.
- (Françoise), ép. Louis Migault, 59, 248, 259.
— (Suz.), ép. P. Cherbonnier, 259. -- (Marie),
ép. Planet, 259. — (Jean), 259, 260.
Irlande (Refuge en), 89.
Jacob (Jean), 246 n.
Jaeos. — Voy. Jacqueau.
Jacqueau (Fr.), capit., 230. — (IL), 256.
JÉSUITES, 159.
Jeurre Milet (De), gouv., 155 n.
Jourdain (Ozée), 224 n.
Jousseaume, not., 80 n. — (Jacq.), 110 n. —
(.Jean), s' de La Revêtison, 110.
Jurieu (P.), past., 234. — {Lettres past. de) 217 n.
La Bessière (Chat, de) (D.-Sèv.), 16 n, 70, 102. —
(Mme de) [Jeanne Doyneau], 44, 70, 72, 91,
102. — Voy. Gourjault (Cl.).
La Blachière (Jean de), past., 65 n, 97, 99 n.
La Bouillardière (Char.-Inf.), 131.
La Brille [Briel], 232 ss.
— 287
La Brique (De), capit., 71, 74.
La Brousse d'Azay (D.-Sèv.), 247.
La Bugaudière (Char.-Inf.), 195. Voy. J. Massiot.
La Chabossière (De), 92, 99.
La Chagnaye. — Voy. La Chenaye.
La Châtaigneraie (Vendée), 121, 17(i.
La Chenaye (D.-Sèv.), 139.
La Chesnaye (Louise de), ép. Fr. Ch. Gillier, 183 n.
Lacour (Louis), 74 n.
La Couture d'Aigonnay, 242, 244.
La Croix (Mme de), 169. — (Suz. de), ép. IL Vlâ-
min, 169 n.
La Croix (Mlle de) [Cath. de Chauffepié], 166.
La Ferté-sous-J ouarre , 2.">(i.
Laffont. — Voy. Lafond.
Lafiton (Et.), curé, 143 n.
Lafond (Isaac), 25U n. - - (Jeanne), ép. Gabriel
Migault, 250.
La Fontaine Banlier. — Voy. Banlier.
La Forcade (Rachel de), ép. Is. Lafond, 20(1 n.
La Forest (Mlles de) [Mlles de Puycouvert et de
la Vergnais], 114, 130 n, 133, 166 n, 173. -
(Claude de), ép. Second Chauffepied, 113 n. —
(Louis de), s' de Puycouvert, past., 37, 44, 46,
113 ss, 120, 123 ss, 127 ss, 133, 155 n, 172.
La Fortière (De). — Voy. Maxuel.
Lagord (Char.-Inf.), 215 n.
La Gratière (De). — Voy. Guichet.
La Grave (Char.-Inf.), 224 n.
La Crève (Char.-Inf.), 139.
La Groie-l'Abbé (D.-Sèv.), 140.
La Jarrie (Char.-Inf.), 125.
— 288 —
La Laigne, 130 n, 137, 139, 140, 152. — (De). —
Voy. Hélie de Ste-Hernïine.
La Lippe, 37 n.
Lambon (Le) (ruisseau), 242 n.
La Morinière (De). - Voy. Fradin.
La Mothe (Char.-Inf.), 194 n, 214, 247.
La Mothe-St-Héray (D.-Sèv.), 242 n, 246 n.
La Motte (Jeanne de), ép. Géd. Bion, 159 n.
La Motte-Fouqué (Mme de), 47 n.
La Motte (De). — Voy. Massiot.
La Mouline (D.-Sèv. >, 243.
Langlois (Marie), ép. Fr. Jacqueau, 23U n.
La Palliée (Port de), 230.
La Petousse (De). — Voy. Gillier.
La Piterne (De). — Voy. Prevereau.
La Porte (Mlle de), 21!) ss.
La Revêtizon (Char.-Inf.), 110 n. — (De). — Voy.
Jousseaume.
La Roche-Giffard (Arthémise, marquise de), 47,
49, 50.
La Rochelle, 89 ss, 120 n, 125, 128, 152 ss, 168,
173 ss, 182, 1.S5 ss, 192, 194, 262. — Couvent de
l'Oratoire, 162 ss. - Tour St-Nicolas, 157 ss.
— Temple, 125 n, 201 n.
La Sauzay-Micou (De), chirurg., 139 ss.
Laste (Aug. de), s' de Choisy, 183 n. — (Louise
de), ép. René Gillier, 184.
La Touche de Bessé (De). — Voy. Gourjault.
La Tour (De). Voy. Arnou.
La Tremblade (Char.-Inf.), 125.
La Trémouille (Henri-Ch. de), 47 n.
La Vallée (Char.-Inf.), 215, 221, 223, 225, 239.
— 289 —
La Vce (Moulin de) (D.-Sèv.), 243, 245.
La Vergnais (Mlle de). — Voy. La Forest.
La Villedieu (Comte de). — Voy. Gillier (F.-Ch.).
Le Blanc. — Voy. White.
Le Boiteux (Mlle) 219. — (Gabr.), 21!) n. — (Paul
et Pierre), 219 n.
Le Brueil, 214.
Leeuwarden, 23G.
Leide, 235.
Léo (Abel), 274.
Le Pin (D.-Sèv.), 242, 245, 240.
Lequcs (P.), 274.
Lescours (Louise de), ép. L. de St-Georges, 134 n.
Lestoc (S. de), chirurg.-major, 33 n.
Les Touches, 5!) n, 217 n. 243, 24.-), 248, 271.
Le Vallois de Villette (Madel. de), ép. Ilélie de
Ste-Hermine, 130 n, 145, 147.
Le Vignauli (D.-Sèv.), 243.
L'Ewarden. — Voy. Leeuwarden.
Lezay (Dan. et Sim.), 242, 244. — (Jeanne), ép.
Marcussau, 242, 244.
Lhuillier (Marie), ép. L. Prévost de Gagemon, 132 n.
Lièvre (A.), 30, 47 n, 00 n, 217 n.
Ligonnière, not., 87 n, 245.
Ligue (Les Héros de la), 108 n.
Lisle (De). -- Voy. Benj. de Chauffepied.
Loches (Chat, de), 140.
Londres, 5 ss, 154 n. 170 n, 231 n, 249 n, 25(1. 257.
Longelet (Marianne), ép. Gabr. Gottsch. Houël,
250. — (Pierre), 250.
Loquet, 158 n.
Lorraine (Charles de), due d'Elbeuf, 72 n.
— 290 —
Losel-Voerstman (A.-J.-C), veuve H. Houèl, 11.
Louvois, ministre de la guerre, 6(5 n.
Lubeck, 254.
Luçon (Diocèse de), 10(5 ss.
Lunebourg. — Voy. Brunswick.
Lyon, 81 n. — Chat, de Pierre-Encise, 132 n.
Magnen (Daniel, Moïse et Pierre), (55, 72, 87. —
(Gabrielle), ép. J. Butré, (55 n.
Maisy (Calvados), 12 n.
Maîtres d'école prot. (1G83), 119 n.
Majaud (Marie), ép. Louis Migault, 248.
Mal-Fontaine (De). — Voy. Mortfontaine.
Malortie. — Voy. Vilars.
Manceau, 224 ss.
Manigaud, 220.
Manteau (P.), 244.
Marans (Char.-Inf.), 125, 2(51, 2(52.
Marché (Daniel), dit la Salique, 243 n. — (Jean),
243, 244. — (Jeanne), ép. Daniel Migault, 24(5.
— (Marie), 243 n. — (Thomas), meunier, 141 ss,
143 n . _ (Thomas), maréchal, 215.
Marcussau (Jacques), 242, 244.
Marcnnes (Char.-Inf.), 125 n, 170 n.
Marigny (Baron de), 243 n.
Marillac (Louis de), intend., (50 n.
Marreaux. — Voy. Méreaux.
Marsay (Chat, de), 130. — (De). Voy. St-Gcorges
Marsh (Bibliothèque) [Dublin], 108 n.
Marsilly (Char.-Inf.), 258 n.
Martin (Ant. et Dan.), 133 n. — (Jacq.), 120 n,
158, 163, 176.
— 291 —
Maschol (Th.), Ml n. -- Voy. Marché.
Massé (Guill.), çhirurg., 93 n. — (J.), dragon,
216 n.
Massiot (Jean), s r de la Motte, commiss., 191, 213
ss. — (Louis), 177.
Mathieu (J.-L.), III n.
Mauduit (Jean et Pierre), 260.
Mauzé (Esther). -- Voy. Mozé. — (Baron de). —
Voy. Gillier.
Mauzé-sur-le-Mignon (D.-Sèv.), 44, 53 n, 54, 58,
107 ss, 111 ss, 11!) ss, 103, 174 n, 180, 182, 188,
189, 213. — Dragonnades (1081), 108 n. —
(1685), 130 ss. — Temple, 108 n, 110 n, 123 ss,
128 n, 134.
Maxuel de la Fortière (E. de), past., 33 n.
Melin (Fr.), past., 158 n, 230.
Melle (D.-Sèv.), 80 n, 126, 234 n.
Meneguerre, 184 ss, 212 ss. 218, 222, 224, 231, 235,
236.
MÉREAUX, 124.
Meschcvs (Char.-Inf.), 231 n.
Meschinot (Vallée de), 272.
Mestayer (Jeanne), ép. Jacq. Fourestier [Belle-
mère de Jean Migault], 72, 88, 95, 101, 102, 139,
148, 108, 187, 191, 192, 213, 248. — (Louis),
261.
Meyer (Adel.), ép. Gabr. Fr. Deneken, 252.
Micou. — Voy. La Sauzay.
Middelbourg, 256.
Migault (Anne) [Fille de Jean], ép. Jacq. Bau-
gouin, 54, 01 n, 02 n, 72, 88, 102, 131, 148, 149,
100, 108, 186, 180, 198, 223, 231, 249, 267. —
292
(Anne) L Sœur de Jean], 248. — (Charles), 73.
— (Charles-Olivier), 34 n. — (Daniel), 242, 24G.
(Daniel), fils, 246. — (Daniel), petit-fils, 246. -
(Elisabeth), 54, 59 n, 61 n, 72, 88, 93, 98, 101,
131, 148, 160, 191, 198, 206, 223, 231, 257, 267.
— (Françoise), ép. Louis Bouchard, 247. ■ — ■
(François-Louis), 28, 52 n, 269 ss. — (Gabriel),
15, 37^ 41 n, 44 n, 46, 50, 73, 88, 102, 129, 162 ss,
172, 238, 250, 267, 270, 271. (Gerhard-
Friedrich), 34 n. — (Hermann C. A.), présid.,
16, 34 n. — (Isabeau). — Voy. Elisabeth. —
(Jacques) [Fils de Jean], 61 n, 72, 88, 131,
162 ss, 171, 238, 249 ss. — (Jacques) [Frère de
Jean], 138, 247. — (Jean) de St-Martin-de-Mclle,
217 n. — (Jean), 248. — Portrait, 15, 35 n. —
(Généalogie de), 241 ss. — (Testament de)
1703, 265 ss. — (Mme Jean) [I. Elisab. Fou-
restier], 50, 53, 58, 77 ss, 192 n, 248, 260,
267. — Sa mort (1683), 53, 57, 112 ss. ili).
— [II. Elisab. Cocuaud], 51, 258, 261, 269.
- Portrait, 15, 35 n. - - (Jean), fils, 61 n,
72, 88, 132, 148, 152, 160, 169, 175 ss, 238, 253,
268. — (Jeanne), 61 n, 73, 131, 137, 140, 141 ss,
147, 149, 159 ss, 168, 222, 223, 226, 237 ss, 249,
267. — Son prétendu acte d'abjuration, 143 n.
— (Jeanne), ép. P. Durivault, 247. — (Louis),
s' des Fontcnelles, prés'id., 245. — (Louis), [Fils
de Jean], 61 n, 72, 88, 101, 249, 254, 269. —
(Louis) [Frère de Jean], 248. — (Louis) [Père
de Jean], 58, 59 n, 138 n, 241, 246, 247 ss. —
(Louise), ép. P. Bonnault, 246. — (Madeleine),
28, 50, 52 n, 61 n, 101, 254, 269 ss. — (Marie),
25)3
d°"° de la Fontenelle, 245. -- (Marie), ép. J.
Durivault, 247. -- (Marie) ép. Ch. Houél, puis
H. Jacqueau, 12, 47, 48, 54, (il n, 73, 93, 98,
101, 102, 131, 137, 140, 148, 100, 198, 206, 223,
231, 254 ss, 207. — (Marie), ép. J. Jacob, 24G
n. — (Marie) (Mlle) de Brème, 10, 34 n. — (Ma-
rie-Judith), ép. Martin Deneken, 251. -- (Oli-
vier), 7, 52 n, 53 n, 54, 57, 112, 131, 148, 198,
206, 207, 223, 231, 232, 257, 258 n, 267. — (Phi-
lémon), 45, (il n, 73, 137, 139, 147 n, 148, 152.
160, 162 ss, 170, 238, 253, 267. — (Pierre) [Fils
de Jean], 61 n, 72, 88, 94, 101, 102, 131, 137,
140, 144, 148, 175, 181, 188 ss, 198, 209, 225,
227, 231, 254, 267. — (Pierre) [Frère de Jean],
138 n, 247. — (Pierre) [Oncle de Jean], 246. -
(Rachel), ép. P. White, 250. -- (René), 54, 73,
257. — (Renée) d l " e de la Guérinière, 245. —
(Robert), 242. — (Sophie-Wilhelmine), ép. Hen-
ry Cornélius, 251. — (W. Julius), 17, 34 n.
Milet. — Voy. Jeune.
Mirmand (H. de), 174 n.
Mizeré (De). — Voy. Gillier.
Monestier (Madel.), 87 ss. — (Suz.) Vve A. Girault,
87 ss.
Monnet (Louise), ép. Fr. Nycollas, 139 n.
Monroy (De). — Voy. Du Vergier.
Montault de Bénac Navaille (Françoise de), ép.
Charles de Lorraine, duc d'Elbeuf, 72 n.
Moreau (Jean), 101, 131. — (Elisab.), 132 n. —
(Marie), 131 n. — (Pierre), banquier, 201, 212,
219, 222, 228, 231.
Morin (Anne), ép. J. Gayot, 154 n. — (Jean), 231.
294
Morte fond (D. Sèv.), 242, 244.
Mortfontaine (De), capit., 90 ss.
Mouchard (Abr. et Isaac), 15(5. -- (Jacob), s' de
Vaugouin, 150 n.
Mougon, 58, (50, (52, 110, 120, 180, 210, 243, 246 h.
— Dragonnades, (1681), 05 ss, 92 ss, 103 ss. -
Prieuré de St-Jeah-Baptiste, 80 n. — Temple,
80 n, 120 n. — (De). Voy. Avice.
Moulé ou Moulai/, 58, (il, 110, 191, 207.
Mounet (Louise). — Voy. Monnet.
Mousset, 243, 245.
Mozé (Ch.), 262. - - (Esther), ép. Fr. Cocuaud,
258, 202.
Musset (G.), 224 n.
Nantilly (Ghar.-Inf.), 258.
Naslin. — Voy. Croix.
Navaille. — Voy. Benac.
Navailles (Maréch. de), 155 n.
Nérac, 258 n.
Nesmond (Arthémise de), ép. Aubin Avice, 02 n.
Neuwiedj 254.
New-Rochelle, 132 n, 135 n.
New-York, 220 n.
Nezereau (Marie), ép. L. Massiot, 177 n.
Nicolas (Jacq.), 83 n. -- Voy. Nycollas.
Nimègue, 174 n.
Niort, 73, 75, 87 ss, 120, 182, 231 n, 245, 261. —
Hôpital, (5(1 n. -- Couvents, 100 n. — Temple,
12(5 n.
Notai hes prot., 02, 03.
Nycollas (François), 139 n. — Voy. Nicolas.
— 295 —
Olbreuse (Chat d'), 137, 139, 140, 144, 14(5, 100 n,
1G8. — (Souterrain du bois d'), 149 ss, 100. —
(D'). — Voy. Desmier.
Oloron (B. Pyr.), 250 n.
Paisay-le-Chapt (1). Sèv.), 230 n.
Paix (La fosse de), 103 n. — (Port de), 178.
Pampin (Char.-Inf.), 197 ss, 208 ss, 227 ss.
Paudin de Lussaudière, 10 n, 154 n, 150 n, 159 n,
160 n, 214 n, 224 n, 230 n, 231, 202 n, 203 n.
Panou (Pierre), 83 n.
Papot (Abi\), 69 n, 74 n, 81 n, 190 n. — (Elisab.), 78 ri.
Paris, 170, 171, 181, 182.
Paris (Mmes), 75, 93 ss.
Particelle (Urbain de), prieur, 80 n.
Pensionnaires (1083), 119 n.
Perault. — Voy. Perrot.
Périgné (Le Grand Port de) (D. Sèv.), 73.
Perrot (Simon), past., 230.
Petiteau (Mlle), 219.
Petousse (D. Sèv.), 179, 182.
Pflaumbaum (Gath.), ép. Chr. Chappuzeau, 35 n.
Pierre-Encise (Chat, de) [Lyon], 132 n.
Pinet (Jean), régent, 73 n. — (Marie-Anne),
73 n. — (Michel), 73 n.
Planet (Jeanne), 259.
Plomb (Anse de), 203 n.
Poirel, proc., 211, 218.
Poitiers, 120, 132 n.
Poitou (Dragonnades en), 1681, ^i5 n, 106 ss, 123,
215. ■ — Abjurations, 67 n.
Pomiès, 158 n.
— 296 —
Pontard (H. de), s' de Chaban, 132, 171 ss.
Poussard de Vàndré (Jacquette), ép. Alex. Des-
raier d'Olbreuse, 47 n.
Prahecq (D.-Sèv.), GO n, 102 n, 103 n.
Prailles (D.-Sèv.), 60 n, 242, 243, 247.
Pratt (Rev. Josiah), (i.
Pré. — Voy. Prahecq.
Prevereau (Vve), 231. — (Jean) s' de la Piterne,
231 n.
Prévost de Gagemon (Louis), 132, 148.
Prin (De). — Voy. Ranques.
Prisonniers, 132 n, 146, 157, 166 n.
Procès à cadavre [Bayeux, 1686), 12 n.
Procureurs prot., 63 n.
Psaumes (Chant des), 121.
Puy-Arnoult (De), 131, 136 ss.
Puycouvert (Mlle de). — Voy. La Forest.
Ranques (De), 111.
Ré (Ile de), 213. — (Citadelle de), 166 n.
Read (Ch.), 11.
Real (J.), 262.
« Reconnaissance » (« Faire »), 235 n.
Régents prot. (1683), 110 n.
Relaps, 124 n.
Repentie (La), 203 n.
Richard (A.), archiv. 16 n, 50 n.
Riçhemond (L. Meschinet de), 16 n, 178 n.
Rigaud (P.), 261.
Roehefort, 128, 134 n.
Rochegude (De). — Voy. Barjac
Rondier, juge, 80 n.
— 297 —
Rotterdam, 234 ss.
Rousseau (Pierre), 215, 217 n.
Rousset (Pierre), 120 n, 133 n, 130 n ; 139.
Roy, 245.
H a //igné, 248 n.
Ruvigny (De), député gén., 108.
Rgswick (Paix de), 1007, 31.
St Domingue, 177.
Ste Blandine (D.-Sèv.), 217 n.
Ste Hermine (Hélie de), s' de la Laigne, 127 n,
130 ss, 145, 140. — (Madeleine-Sylvie de), ép.
Alex. Desmier d'Olbreuse, 127 n, 134, 144, 149,
105 ss.
St Eloi (Char.-Inf.), 154.
St Gelais, 259, 200.
St Georges (Louis de), s' de Marsay, 130 n, 140. —
(Louise de), ép. H. de Pontard, 132 n.
St 'Jean [d'Angélg], 137.
SI Laurent (Mlles de), 131 n.
St Laurent-de-la-Prée, 179 n.
S7 Maixent, 59, 120, 131, 169, 182, 190, 215, 230,
- 201. — Temple, 120 n.
St Marsault (De). — Voy. Green.
St Martin (P. de), 243, 244.
St Maurice, 224 n.
St Maxire (1). Sèv.), 143.
SI Mesmain (De). — Voy. Faucheux.
St Pierre Amilly (Char.-Inf.), 130.
St Pue (D. Sèv.'), 260.
■S7 Savinien (Char.-Inf.), 125.
Salique (La). — Voy. Marché (Dan.).
— 298 —
Salle (Françoise), ép. Fr. Gibault, 93 n.
Salles (De). — Voy. Gilliers.
Sander (F. et P.), 10 a.
Saping (P.), 273.
Saumaise (Elisab. Bénigne de), 105 ss.
Sauimir (Chat, de), 132 n.
Schenck (De). — Voy. Tilemann.
Scott (Robert), médecin, 33 n.
Senne (David), praticien, 93.
Servant (Suz.), ép. Fr. Melin, 230 n.
Slotten, 235.
Sollemond (Marg.), ép. Fr. Jacqueau, 230.
Souche, 84.
Souterrain du bois d'Olbreuse, 149 ss.
Soiwignê (I). Sèv.), 245.
Sylvestre, 202.
Tailles, 190 n.
Temples. — Arvert, 125 n. — Aulnay, 120 n. —
Benêt, 120 n. -- Cherveux, 120 n. — Çivray,
120 n. — Fontenay, 120 n. — La Châtaigne rie,
121 n. — La Jarrie, 125 n. — La Rochelle, 125 n,
201 n. - - La Tremblade, 125 n. — Marans,
125 n. — Mauzé, 108 n, 110 n, 123 ss, 128 n,
134. _ Melle, 120 n. — Moiujon, 80 n, 120 n. —
Niort, 120 n. — SI Maixent, 120 n. — St Savi-
nien, 125 n. -- Tonnaij-Boutonne, 125. — Ton-
nai-Charente, 125. — Zell, 33 n, 30.
Tessereau, 108 n, 134 n, 158 n, 212 n.
Testament de Jean Migault, 205.
Thebault, curé, 91 n, 100.
Thomas (Le grand). — Voy. Des Touches.
— 299 -
Thorigné, 59 n, 60 n, 86, 217 n, 225 n. — !)ia-
gonnades, !)() ss.
Tilemann de Schenck, pas!., 252. - (Jeanne-
Marg.), ép. Rod. Olivier Migault, 34, 252.
Tollin (H.), 33 n.
Tonnay-Boutonne (Char.-Inf.), 125.
Tonnay-Charente (Char.-Inf.), 125.
Touchelonge, 179.
Touches {Les), 59 n, 217 n, 243, 245, 248, 271.
Tremblay (.T.), curé, 122 n.
Trouille (Marie), ép. J. Moreau, 131 n.
Tristan (Jeanne), 143 n.
Tulèvre, 14 n.
Usseau (1). Sèv.), 179 n, 180, 190.
Vtrecht, 255 n.
Vaijé (Chat, de) (D. Sèv.), 92 n. — Voy. Veyré.
Vançais (D. Sèv.), 138 ss.
Vandré (De). — Voy. Poussard.
Vaucresson (De). — Voy. Arnou.
Vaugouin (De). -- Voy. Mouchard.
Vaulmoreau (De), vicaire, 81 n.
Vaumoreau (D.-Sèv.), 09 n.
Vensay. — Voy. Vançais.
Verines (Char.-Inf.), 153.
Veriwiix-s-Boutonnc (D. Sèv.), 73 n.
Veyré (De), 92 n.
Viconte (Elisab.), ép. J. Morin, 231 n.
Vilars-Malortie (De), 33 n.
Villeneuve (Mlle de) [Anne de Chauffepié], 44
100.
300
Villiers (J. de), s' de Boisbourdet, 59 n, 190 ss, 272.
Vinatier (*Mine), 222.
Vitré (D.-Sèv.), 70 n., 245.
Vlamin (H.), 169.
Voie-Basse (La) (D. Sèv.), 243 n.
Vouillé (I). Sèv.), (50 n, 07.
Yoyneau, commiss., 197 n.
Weiss (N.), 74 n.
White (Pierre), 250. — (Hod.), 250 n.
Zell, 33, 44 n, 249, 250, 251, 253, 254, 257. — (Cour
de), 47 n. — Temple, 33 n, 3G.
TABLE GENERALE
INTRODUCTION 5
DEDICACE de Jean Migault à son fils Ga-
briel (1690) 41
DEDICACE de Jean Migault à sa fille Ma-
rie (1702) 47
« AVERTISSEMENT A MES ENFANS »
(1(589) 52
JOURNAL DE JEAN MIGAULT 57
A Moulay (1663-1681) 58
A Mougon (13 février-22 août 1681) 65
Première visite des dragons (22 août 1681) 71
Gacougnolle, Niort, La Rochelle, etc 84
Deuxième visite des dragons. — Fuite
de Migault 90
Au Grand Breuil 103
A Mauzé (31 janvier 1682). — Mort d'Eli-
sabeth Fourestier, première femme
de Migault 111
SUITE DU JOURNAL DE JEAN MIGAULT. 117
Mauzé. — Nouvelles persécutions 119
Troisième visite des dragons (Mauzé, 23
sept. 1685) 130
Fuites et retraites successives. Olbreuse,
etc 136
Le Souterrain d'Olbreuse. — Le cachot
de la Rochelle 149
Hors de la prison. -- Délivrance de Phi-
lémon, Jacques et Gabriel 162
— 302 —
Préparatifs de départ 173
Déceptions et retards 181
Première tentative d'évasion 11)1
La nuit du 15 décembre 1(587 à Pampin . 198
Nouvelles épreuves et retraites 207
Le départ, 18 avril 1688 219
Sauvés. — En Hollande 232
GENEALOGIE de Jean Migault 241
TESTAMENT de Jean Migault 205
TABLE DES GRAVURES
Jean Migault 4
Château d'Olbreuse ( I ) 26
Temple île l'Eglise française réformée à Zell. .. 34
Maison de Migault à Moulav ( I ) 58
Registre de Mou/on (14
Château de la Bessière 70
Château du Crand-Breuil (I) 88
— (II) 102
Maison du Breuil à Mauzé 112
Eléonore d'Olbreuse 1 26
Château de la Leigne l3o
Marsais i36
d'Olbreuse (II) M4
Souterrain-refuge . l5o
Tour Saint-Nicolas i56
Intérieur de la Tour Saint-Nicolas 162
Logis de Pampin 196
La grève près de Pampin 204
Port de La Rochelle 220
Elisabeth Cocuaud 240
Moulin des Touches 248
Maison de Gabriel Migault â Ztll 2J0
Maison de Migault à Moulav (II) 260
Testament de Migault (I) {Hors texte) 264
(H) 274
Carte d'Aunis et de Poitou — 3o2
PARIS ET CAHORS, IMPRIMERIE A. COUESLANT. — 1 3.1 46
CAIIORS, IMPRIMERIE A. COUESLANT. — I3.I46
BX
9A59
M6A3
Migault, Jean
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